Last Updated on 13/05/2019 by Ouestafnews
Ouestafnews – Nommé le 5 mai 2019 le gouvernement de «mission» malien, dirigé par le Premier ministre Dr. Boubou Cissé, devra s’atteler à plusieurs urgences parmi lesquelles la lutte contre l’insécurité, à côté de la réponse à apporter à un front social qui se réchauffe, avec notamment une longue grève des enseignants.
A l’occasion de la première réunion du conseil des ministres de ce gouvernement, tenu le 08 mai 2019, le président de la République Ibrahim Boubacar Keita (IBK) a énuméré plusieurs défis avant d’exhorter le gouvernement de tout mettre en œuvre pour y faire face.
Premier défi : la question de l’insécurité avec les conflits intercommunautaires meurtriers dans le centre et les attaques terroristes tous azimuts, qui endeuillent les forces armées maliennes dans le nord du pays, mais aussi les populations civiles.
Technocrate de 45 ans, Dr. Boubou Cissé est le sixième Premier ministre (il cumule cette fonction avec celle de ministre de l’Economie) nommé par le président Keita depuis son arrivée au pouvoir en 2013.
Jusqu’ici aucun gouvernement n’est parvenu à apporter des solutions décisives face à l’insécurité et nombreux sont les observateurs impatients de voir les orientations que va prendre cette nouvelle équipe gouvernementale, élargie à l’opposition et à la société civile.
Retour de la sécurité
L’insécurité, qui avait commencé par le nord, a aujourd’hui atteint le centre du Mali, en proie à de récurrents éclatements de violences intercommunautaires qui ont connu un pic avec le massacre d’une centaine de civils par des miliciens dans le village d’Ogossagou. Cet évènement qui a causé la chute du précédent gouvernement, s’est aussi déroulé dans un contexte où un processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) devait démarrer dans le centre du pays.
Près de 1600 miliciens devaient être désarmés dont 300 insérés dans les forces armées et de sécurité malienne, d’après Zahabi Ould Sidi Mohamed, le président de la commission nationale du Désarmement.
Le 25 mars 2019, le Premier ministre d’alors Soumeylou Boubèye Maiga annonçait devant les médias, la dissolution de la milice «Dan Nan Ambasagou», accusée d’être derrière la tuerie d’Ogossagou.
Une mesure contestée, par le chef Youssouf Toloba de cette milice d’autodéfense qui nie toute implication de ses éléments dans le massacre d’Ogossagou. Cité par RFI, le 28 mars, M. Toloba a souligné que son groupe est là pour protéger les populations dogons (ethnie locale) vivant dans le centre du Mali.
«C’est une seule milice qui a été identifiée alors qu’au centre, c’est une mosaïque de milices qui y évolue», souligne le journaliste malien Maciré Diop, joint au téléphone par Ouestaf News.
Sur le plan judiciaire, une enquête a été ouverte dès le lendemain du massacre, dirigée par le procureur général de Mopti (centre). «Il sera très difficile d’élucider les circonstances dans lesquelles cette attaque s’est déroulée et encore moins d’identifier formellement les auteurs», estime M. Diop.
Pour l’instant le nouveau gouvernement n’a pas encore défini sa stratégie pour une reconquête sécuritaire du centre qui reste un casse-tête pour Bamako.
Toutefois, la nomination du général de division Dahirou Ibrahim au poste de ministre de la Défense laisse entendre que Bamako veut plus de rigueur dans le traitement de la question de l’insécurité.
Résolution de la grève des enseignants
A côté du lancinant problème sécuritaire, le gouvernement devra aussi apporter une solution rapide à la grève déclenchée depuis octobre 2018 par une dizaine de syndicats d’enseignants du primaire et du secondaire qui réclament principalement une «indemnité de logement».
Une grève qui aujourd’hui met le pays sous la menace d’une année blanche, autrement dit non validée pédagogiquement. Comme indiqué dans le communiqué publié à l’issue de son premier conseil des ministres, il s’agit pour l’équipe de Dr. Cissé de «sauver l’année scolaire en cours».
D’où la rencontre du 11 mai 2019 à laquelle étaient conviés outre les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves, les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, les leaders religieux et coutumiers. Cette rencontre s’est finalement tenue sans la présence des syndicats d’enseignants.
Justifiant leur absence, la Synergie des syndicats de l’Education nationale indique que cette rencontre ne saurait apporter des solutions aux problèmes de l’école malienne.
«Nous avons fait un écrit officiel pour décliner notre participation à cette rencontre d’autant plus que nous avons trouvé que la forme n’y est pas du tout», a soutenu Amadou Coulibaly, porte-parole du syndicat des enseignants dans un entretien accordé au Studio Tamani.
Pour le responsable syndical, c’est une «insulte» de discuter de leurs revendications sur la place publique. Et en plus de cela, les syndicats ont également fustigé la démarche adoptée par le gouvernement pour la tenue de cette réunion qu’ils ont «appris dans la presse».
Courant mars 2019, les grévistes avaient tenu des marches de protestation à Bamako et à l’intérieur du pays. En tant que ministre de l’Economie à l’époque, Dr. Cissé l’actuel Premier ministre, n’avait pas pu trouver un terrain d’entente avec les syndicats, il avait même défendu devant la presse, les sanctions (abandonnées par la suite) qui consistaient en une rétention de salaires pour les grévistes.
Aujourd’hui, dans l’optique de sauver l’année scolaire, il reste à savoir quelles propositions le gouvernement mettra sur la table pour calmer les syndicats qui maintiennent la pression.
Le gouvernement malien a ainsi tenu cette rencontre sur l’éducation, sans les syndicats, pour la mise place d’une commission de conciliation par le gouvernement et d’une commission de bons offices par le médiateur de la République pour mettre fin à la grève afin de sauver l’année scolaire et poursuivre les efforts pour sortir l’école malienne de l’ornière.
«Il est important de permettre à nos enfants de reprendre le chemin de l’école pour que la discussion sur l’impulsion du système éducatif et le sauvetage de l’école malienne s’articulent sur le réel», a souligné le Premier ministre malien, Dr Boubou Cissé.
«Cette nouvelle offensive des enseignants suscite des interrogations sur les chances de sauver l’année scolaire 2018-2019. Le dossier de l’école, qui a toujours constitué un challenge pour les gouvernements précédents, devient incontestablement un premier test pour le gouvernement de mission de Boubou Cissé», analyse un éditorial du quotidien privé malien «Le Républicain».
Dialogue politique et réforme constitutionnelle
En prélude à la formation du nouveau gouvernement, la majorité et une partie de l’opposition (15 formations) et de la société civile ont signé le 2 mai 2019 à Bamako un accord politique de gouvernement. Dans ce texte, les urgences de l’heure, à savoir le règlement du problème sécuritaire au centre et la nécessité d’enrayer la crise scolaire figure en bonne place.
Ce document qui se veut une feuille de route liste aussi des réformes «nécessaires» mais sur lesquelles l’action du président Keita s’est toujours soldée par un échec. Le gouvernement de Boubou Cissé a la lourde tâche de reprendre le flambeau, avec pour mission l’organisation «dans les meilleurs délais d’un dialogue politique inclusif avec toutes les forces politiques du Mali», lit-on dans le chapitre 2 de l’accord politique de gouvernement.
Ce dialogue devrait en effet paver la voie pour une concrétisation, réclamée par l’Organisation des Nations-Unies (ONU), de l’Accord d’Alger (signé en 2015 entre le gouvernement et l’ex-rébellion du Mouvement pour la libération de l’Azawad).
De ce «dialogue politique inclusif» que Bamako appelle de tous ses vœux, est attendu un consensus qui doit mener le Mali vers des réformes «indispensables», notamment la révision de la Constitution de 1992 qui vise la mise en œuvre de certains points de l’Accord d’Alger, notamment la politique de décentralisation et le renforcement de certaines prérogatives du président de la république.
Les actes posés par l’exécutif en vue de la révision constitutionnelle n’ont pas été couronnés de succès. Tout d’abord le projet de référendum brandi par IBK courant 2017 a été remis dans les placards. Revenant à la charge, le gouvernement qui fait face à une méfiance de l’opposition annonçait la tenue d’une «concertation nationale», mais celle-ci qui devait se tenir du 23 au 28 avril a été reportée à une date ultérieure.
L’ouverture d’un dialogue national avant une quelconque révision de la Constitution reste une exigence de la coalition de l’opposition (30 partis) qui avaient boycotté une rencontre avec IBK, le 11 avril 2019. Alors le nouveau gouvernement pourra-t-il réussir à créer ce dialogue inclusif qui apparait nettement comme un passage obligatoire vers les réformes institutionnelles ?
Pour certains observateurs le doute est permis au regard des signataires de l’accord politique de gouvernement du 2 mai 2019. Si un opposant de premier plan en l’occurrence Tiébilé Dramé, nommé ministre des Affaires étrangères est partant, ce n’est pas le cas pour Soumaïla Cissé de l’Union pour le renouveau démocratique (URD), battu à deux reprises par IBK au second tour des élections présidentielle de 2013 et de 2018.
A l’instar de Cissé, considéré comme le leader de l’opposition politique, des figures non moins importantes comme Dr. Oumar Mariko, Choguel Maiga ou encore Mountaga Tall sont aussi restés en marge de cet accord politique de gouvernement.
Une absence qui pour certains commentateurs traduit déjà le problème de viabilité de l’accord politique de gouvernement.
«Doit-on parler de révision de la Constitution sans ces hommes et certainement d’autres qui se sont battus sous Moussa Traoré pour plus de justice et d’équité ? Ce serait tout simplement du blasphème politique», commente le quotidien privé local « Infosept ».
ON/mn/ts
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