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Massacre du 28 septembre en Guinée : les victimes en quête de reconnaissance nationale (entretien)

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Ouestafnews – Huit ans que le massacre du 28 septembre qui avait fait plusieurs morts et des blessés a eu lieu en Guinée. Si le gouvernement a longtemps traîné le pas, dernièrement, il a montré plus de volonté à porter cette affaire devant les tribunaux. Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes du massacre du 28 septembre, affirme que la tenue d’un procès sera une occasion, pour les victimes, de retrouver la dignité et de tourner la page.

Ouestafnews – Huit ans après les événements du 28 septembre 2011, la justice vient de terminer son enquête. Quelle appréciation faites-vous de ce parcours ?

Asmaou Diallo – D’abord je dirais que c’est un grand pas. Après huit ans de combat, on en vient à la fin de l’instruction qui va nous mener vers l’ouverture d’un procès. C’est déjà quelque chose de satisfaisant.

Ouestafnews – Le gouvernement guinéen n’est pas manifestement très à l’aise dans ce dossier. Avez-vous des garanties quant à la tenue d’un procès ?

AD – Même si le gouvernement n’est pas prêt pour la tenue d’un procès, on voit que les choses évoluent. On a fait des pas et on arrive à faire entendre notre voix sur le plan national et international pour qu’on n’ait absolument ce procès.

Ouestafnews – Croyez-vous que les conditions sont réunies pour la tenue de ce procès ?

A.D – Nous les victimes, nous continuons d’attirer l’attention de la communauté nationale et internationale sur la question. Nous demandons au chef de l’Etat [Alpha condé] de s’impliquer davantage pour arriver à un procès. L’opposition d’aujourd’hui comme le pouvoir en place faisaient tous partie des forces vives qui étaient sorties dire non à la candidature de Moussa Dadis Camara.

Dès lors, on ne comprend pas que depuis son élection, le président Condé n’ait pas saisi l’occasion, avec l’affaire des victimes du 28 septembre, pour mettre fin à  l’impunité dans notre pays. Cela nous inquiète, parce que pour nous, il a fallu ce sacrifice humain, pour qu’il y ait un président démocratiquement élu dans le pays. Maintenant que cela s’est fait, durant huit ans, nous sommes dans un combat acharné.

On arrive à la fin de l’instruction du dossier et nous espérons qu’il y aura un procès équitable. Voilà pourquoi, nous demandons au gouvernement de s’impliquer davantage, d’accompagner le ministre de la Justice pour réussir ce pari, pour que la Guinée sorte de cette situation d’obscurité. Le procès du drame du 28 septembre rendra les Guinéens fiers d’eux-mêmes et confiants pour l’avenir. Car ils verront là qu’on a commencé à éradiquer l’impunité dans le pays.

Ouestafnews – Selon vous qu’est ce qui explique les réticences du président Condé quant à la diligence de ce procès ?

AD – Je n’en ai aucune idée. Toutefois, nous l’y avons invité et s’il s’était réellement impliqué, le dossier n’aurait pas accusé tout ce retard. Cependant, nous estimons que nous allons y arriver comme l’a promis le ministre de la Justice en affirmant qu’il y aura bien procès en 2018. On y croit parce qu’il a tenu toutes ses promesses, malgré le temps que cela a pris.

Ouestafnews – N’aviez-vous pas imaginé dès le début que la bataille judiciaire serait très longue ?

Non ! Au départ, on ne pouvait pas penser que ça allait prendre tout ce temps-là. Mais puisqu’on a compris comment ça marche avec la justice, on ne souhaite pas que ça dépasse les huit ans.

Ouestafnews – Aujourd’hui, dans quel état d’esprit se trouvent les victimes du 28 septembre?

AD : Les victimes souffrent encore de beaucoup de difficultés, malgré l’appui qu’apportent les institutions comme l’Union européenne, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ou l’Observatoire guinéen des droits de l’homme (OGDH). Ces institutions  assistent les victimes sur le plan psychologique mais également sur les plans sanitaire et juridique.
Actuellement, on a une équipe de psychologues qui assiste certaines victimes, car les moyens ne nous permettent pas de nous occuper de toutes les victimes. Nous cherchons encore des moyens pour continuer à suivre les victimes dont un grand nombre ont toujours besoin d’assistance. Nous avons même envoyé ici à Dakar certaines victimes pour des soins. Elles ont également besoin d’une grande reconnaissance nationale.

Ouestafnews – Vous pensez qu’une reconnaissance nationale leur servirait de thérapie ?

A.D – Ça peut aider. Car tous les Guinéens sont affectés par le drame  du 28 septembre. Ce n’est pas seulement ceux qui étaient au stade, mais tous les Guinéens qui ont suivi les faits à la télé ou regardé les vidéos sont touchés, particulièrement les victimes qui ont survécu. Elles ont besoin de cette assistance psychologique, elles ont besoin d’appui effectif.

Mais surtout de reconnaissance nationale car elles se sont sacrifiées pour empêcher le pouvoir militaire en Guinée. Maintenant que c’est un pouvoir civil, ce dernier doit leur rendre hommage. Parce que grâce à elles,  la Guinée s’est débarrassée des régimes militaires.

Ouestafnews – Qu’est-ce qui empêche l’Etat de leur donner cette reconnaissance nationale ?

A.D – On se pose la même question que vous.  On ignore les raisons, huit ans après.

DD-MN/AD

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