Molnupiravir : l’Afrique intéressée, l’accès en question

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Le Molnupiravir, premier médicament oral contre le Covid-19, une aubaine pour les Etats africains. Mais le hic pourrait être son accessibilité./Photo-Ouestaf News.

Ouestafnews –Le Molnupiravir est considéré comme le premier médicament oral contre le Covid-19. Forts de ses premiers essais cliniques jugés satisfaisants, les promoteurs semblent s’intéresser au marché des pays en développement, dont ceux d’Afrique. Le continent est intéressé mais aura-t-il les moyens ?

Le Molnupiravirdonne des « perspectives prometteuses ». Voilà comment John Nkengasong, le directeur du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC, une entité dépendante de l’Union africaine (UA) parle de ce premier médicament oral contre le Covid-19.

Le Molnupiravir est développé par les compagnies américaines Merck et Ridgeback Biotherapeutics. « Il est prouvé qu’il peut réduire la mortalité due au Covid-19 et en l’état actuel, il va de soi que nous devons utiliser tous les moyens efficaces pour lutter contre la pandémie », a déclaré M. Nkengasong à Ouestaf News, début novembre 2021.

En plus, souligne le directeur de la CDC, ce « produit ne pose pas les problèmes de conservation qu’on a eu avec les vaccins. En ce sens, il est très adapté au continent africain ».

Tout comme dans le volet préventif avec les différents vaccins anti-Covid, le Molnupiravir a été développé dans des délais de recherches très courts. Son fabricant, la compagnie pharmaceutique américaine Merck, le présente comme un antiviral à large spectre (une grande efficacité contre la souche et ses dérivées-variants), capable d’amoindrir les risques concernant les formes sévères et les décès dus au Covid-19. S’il était autorisé, le molnupiravir deviendrait le premier médicament à prise orale destiné aux patients non hospitalisés montrant des symptômes modérés de Covid-19.

Pour le Professeur Tandakha Ndiaye Dièye, immunologiste, par ailleurs membre du conseil consultatif pour la vaccination au Sénégal « il s’agit d’un médicament qui réduit la durée de la maladie, ce qui va permettre d’alléger nos hôpitaux », explique-t-il, cité par le quotidien privé sénégalais, l’Observateur (édition du 29 octobre 2021). Toutefois, selon le professeur Dièye, il importe de signaler que « le molnupiravir ne se substitute pas à la vaccination mais il va l’accompagner ».

Au-delà des pays en développement, on constate aussi un intérêt manifeste des pays riches notamment la Grande Bretagne qui le 4 novembre est devenu le premier pays à approuver le médicament. L’Agence européenne du médicament (EMA, sigle en anglais) a lancé un examen accéléré du Molnupiravir. Cet intérêt des pays riches pose la question de la disponibilité du futur médicament pour les pays en développement.

Des génériques pour l’Afrique

Pour le docteur John Nkengasong, son organisation anticipe déjà la question. « Ce que nous voulons c’est qu’après son homologation, le médicament soit accessible et disponible à grande échelle en Afrique », souligne-t-il. Dans le volet préventif, les gouvernements africains ressassent la faiblesse du taux de vaccination sur le continent. En dépit de l’initiative Covax (initiative de l’Organisation mondiale de la santé destinée à ravitailler l’Afrique en vaccins anti-covid), le continent affiche un taux de vaccination de 6,48 % indique le bilan du CDC Afrique daté du 17 novembre 2021. Dans l’Union européenne, le taux de 70 pour cent a été atteint fin août 2021.

Sur ce volet, le CDC Afrique est en train de travailler avec la Fondation Bill et Melinda Gates qui a déjà annoncé un financement de 120 millions de dollars afin de faciliter la production de versions génériques du Molnupiravir dans les pays en développement. Une préoccupation que les fabricants du produit, Merck et son partenaire Ridgeback Biotherapeutics semblent prendre en compte. Le 27 octobre 2021, ils ont annoncé le principe de « licence volontaire » afin d’accroître la production du molnupiravir.

En ce qui concerne le prix du médicament, une note consultée par Ouestafnews sur le site web de Ridgeback Biotherapeutics, souligne une « fixation de prix différenciés ». Les prix vont en fait varier en « fonction de la capacité des gouvernements à financer les soins de santé, la conclusion d’accords d’approvisionnement avec les gouvernements et l’octroi de licences volontaires aux fabricants de médicaments génériques », précise la note.

Avec le principe de licence volontaire (levée de la propriété intellectuelle) les fabricants du Molnupiravir misent sur une « large distribution dans 105 pays à revenu faible et intermédiaire ». Ce qui signifie une forte présence des versions génériques du médicament, une fois autorisé. Toutefois, les fabricants ne précisent pas si le principe de licence volontaire sera automatique dès la mise sur le marché du Molnupiravir.

Le médicament générique est souvent vu par les experts comme très cher sur le continent africain où l’industrie pharmaceutique, notamment la fabrication de produits génériques, n’est pas encore très développée. D’où une forte dépendance vis-à-vis des marchés asiatiques.

« Certains pays à revenu faible ou intermédiaire paient jusqu’à 20 à 30 fois le prix minimum de référence international pour les médicaments génériques de base », souligne une étude intitulé « Tackling the Triple Transition in Global Health Procurement » du Centre pour le Développement mondial, un centre de recherche international basé à Londres.

Prudence

Le professeur relève un « espoir immense » que suscite ce médicament expérimental mais invite tout de même à la prudence surtout qu’il n’existe pas encore une publication scientifique validée par les pairs sur le molnupiravir. Dans un article consacré au Molnupiravir et Paxlovid (un médicament similaire que développe actuellement la compagnie Pfizer), la revue scientifique, Nature invite à la précaution.

« À en juger par les communiqués de presse, les deux médicaments peuvent réduire les hospitalisations – et potentiellement les décès – dus au Covid-19 lorsqu’ils sont administrés peu après l’infection. Mais tant que les rapports complets des essais cliniques ne sont pas publiés, certains détails cruciaux manquent », précise Nature dans son article paru le 10 novembre 2021.

Ce texte fait remarquer que pour le Molnupiravir comme pour le Paxlovid, aucun des « essais ne comptait suffisamment de participants pour permettre de tirer des conclusions définitives sur la capacité des médicaments à prévenir les décès ». Pour davantage d’éclairages, Ouestaf News a envoyé un mail resté sans réponse à Ridgeback Biotherapeutics.

Toutefois, dans la soirée du 26 novembre 2021, un communiqué transmis par Merck, fait état d’une « mise à jour » des essais cliniques dont les résultats ont conclu à un taux de réduction de la mortalité de 30% contre 50% un mois plutôt.

MN/fd-ts

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