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L’analyse de l’ébullition continuelle du front social au Mali laisse croire que le président de la république n’est pas l’homme le mieux écouté au Mali. De la crise au Bureau du vérificateur général à la récente montée des tensions suite au vote par les députés du nouveau Code des personnes et de la famille en passant par la contestation du nouveau bureau de la Fédération malienne de football…, le président de la république semble être désapprouvé partout. ATT saura-t-il se ressaisir ?
Ces derniers temps, le Mali connaît un front social agité. Que ce soit à cause des syndicats ou des citoyens qui contestent des décisions des pouvoirs publics jugées « inappropriées » ou « discriminatoires ». Dans une interview récente au magazine « Jeune Afrique », le président de la république affirme que ces « tensions semblent normales » et admet que « nous avons pu commettre des erreurs ». L’aveu paraît ne plus suffire aux Maliens, eux qui semblent décidés à faire prendre aux dirigeants des décisions « judicieuses » qui peuvent obtenir l’adhésion de la majorité des citoyens.
Le cafouillage national occasionné par le nouveau Code des personnes et de la famille est l’expression du ras-le-bol des Maliens, croyant en la possibilité d’une gouvernance plus démocratique.
Premier à recevoir les louanges de ses laudateurs qui peignent tout en rose et lui attribuent tous les succès de la nation, le chef de l’État est apparemment le seul citoyen à essuyer un camouflet sur toutes les contestations citoyennes. Même si ATT a toujours défendu les actes posés par son régime.
Après avoir assisté à l’investiture du nouveau président mauritanien, Ould Abdel Aziz, ATT estime que le nouveau Code de la famille est dans la droite ligne de la volonté politique et du changement social que les acteurs de la société souhaitent, sans oublier les textes internationaux ratifiés par le Mali.
Se réjouissant visiblement de l’adoption de la loi par l’Assemblée, le général déclare que « cette loi qui contient un millier d’articles, n’est ni contre les femmes ni contre les hommes. Elle n’a été imposée que par l’évolution du temps. La loi ne porte pas atteinte à nos traditions ».
La question est de savoir maintenant où est partie la volonté de la réforme sociétale à laquelle ATT fait allusion. Le changement n’est-il pas voué à l’échec sans le consentement de ses acteurs ? Quand plusieurs millions de nos compatriotes, parmi lesquels les milliers de participants à la marche de protestation du week-end dernier, s’élèvent contre un Code, il est probable qu’il n’y ait que les responsables de la fameuse loi et leurs adeptes pour la bénir.
Échecs de conciliation
Et dans cette logique, c’est le président de la république qui est le tuteur du désaveu cinglant. La loi a été proposée à la représentation nationale sous son impulsion et les « députés » dont l’écrasante majorité ne jure que par son nom ont donné une nouvelle dimension à l’unanimisme politique autour de sa personne. Au prix de la trahison de leurs mandants ! Les « fatwas » contre eux et leur mentor ne se sont pas fait attendre.
La contestation née du vote du nouveau Code de la famille n’est qu’un exemple du reniement des méthodes d’ATT. La Fédération malienne de football a une nouvelle équipe dirigeante depuis peu, mais le consensus n’a pas été la chose la mieux partagée pendant le Conseil électif de Tombouctou. Reconnaissant au passage avoir prêché l’entente cordiale aux trois prétendants au poste de président de Malifoot, le général n’a pu que constater le renforcement des divergences parmi les acteurs du ballon rond au Mali.
Si le contrôleur général de police, Boubacar Diarra dit « Baba » s’est abstenu de toute contestation (peut être par égard pour son poste de chef de cabinet du ministre Kafougouna Koné), l’autre candidat à la présidence de Malifoot, le président du Club olympique de Bamako, Moussa Konaté, entrepreneur privé et fils du dirigeant panafricaniste Mamadou Konaté, a tout simplement fait fi de la « sagesse » présidentielle, en contestant la légitimité du nouveau bureau devant l’instance suprême du football international, la Fifa.
Dans le même ordre d’idées, ATT ne peut pas s’octroyer des succès dans son implication dans la crise au Bureau du vérificateur général (BVG). Tandis qu’un communiqué de la présidence de la république a fièrement informé que le président a personnellement rencontré les protagonistes pour un dénouement heureux de la guerre ouverte, la lecture des répliques des camps opposés en dit long sur la bombe latente au niveau de la structure. Cela implique clairement que le chef de l’État s’est acquitté d’un rituel au lieu d’utiliser un dialogue franc aux fins d’une réconciliation définitive.
En somme, être chef d’État n’est pas une tâche aisée, particulièrement dans un pays comme le Mali, où au-delà des interventions et des actes posés par le président de la république, plusieurs autres facteurs sont pris en compte.
Cependant, une bonne communication a la même valeur que des actions salvatrices. Elle peut s’avérer efficace en face de l’éveil de la conscience populaire, qui était jusque-là endormie et qui s’était privée pendant un bon moment de remettre en cause des mesures de ses dirigeants.
Mais, sur ce terrain, ATT ne rassure guère. Et l’on peut conclure sans se tromper que réussir une médiation internationale ne signifie pas forcément avoir un bon sens d’écoute et de conciliation des points de vues en tant que président d’une république.
Ogopémo Ouologuem, est un journaliste malien actuellement en formation au USA.