AlMoustapha Alhacen – Merci de me donner l’occasion d’exprimer mon sentiment par rapport à ce prix. D’abord, il faut noter que la lutte que nous menons est une question de passion et d’engagement. Cela nous a amené vers ce prix qui nous fait honneur, à moi-même et à mes amis. Je pense à tous les Nigériens et aux Africains en général.
Ouestafnews – Lors de la réception de ce prix vous avez appelé la France à revoir sa copie. Qu’entendez-vous par là ?
AlMoustapha Alhacen – Effectivement, j’appelle le gouvernement français à revoir sa copie, parce que l’Etat français dispose de 98% des actions à Areva. Aujourd’hui, on est confronté à la pollution durable, c’est-à-dire 100 millions de tonnes de déchets qui contiennent 80% de radioactivité sont exposées à l’air libre dans le désert.
Quand j’appelle le gouvernement français à revoir sa copie, cela veut dire aussi que les Nigériens doivent profiter de leur uranium. Et pour Areva et la France, cela signifie acheter l’uranium à sa valeur énergétique. Aujourd’hui, il est produit à 10 euros et revendu entre 23 et 35 euros. Nous demandons qu’il soit acheté au moins à 300 euros le kilo. Il y a la question du réaménagement du site de production d’Arlit et aussi le suivi qui doit être fait des travailleurs et de tous les gens malades parce que victimes des conséquences négatives de la production de l’uranium.
Ouestafnews- Il y a quatre ans, vous dénonciez le fait qu’Areva violait la réglementation nigérienne en conduisant une étude d’impact environnementale inadéquate. Est-ce que l’entreprise française a corrigé cela ?
A.A- Rien n’a changé et Areva va de mal en pis. Si vous prenez, par exemple, la loi de 2015 (texte complémentaire au code minier), on demandait à Areva de payer un certain nombre de taxes. Ce qu’elle refuse de faire encore aujourd’hui.
L’observatoire de santé qui devait suivre l’état des travailleurs et aussi les populations autour d’Arlit est aujourd’hui fermé par Areva et tout le personnel licencié. La fermeture de cette installation a été une violation des clauses signées avec Sherpa en 2009. En outre, que cela soit en France ou au Niger, Areva a licencié tous les employés qui s’occupaient des questions environnementales.
Ouestafnews – Dans la ville d’Arlit, comment se manifestent les effets de l’uranium sur la santé et le cadre de vie des populations ?
A.A – Ici à Arlit, nous sommes inquiets. Il y a des maladies que ne nous ne comprenons pas, qui ne sont pas connues dans la zone. Il y a aussi la radiation, ça c’est à l’air libre on n’a pas besoin de chercher loin pour comprendre les désastres sur les populations et l’environnement.
Déjà, quand vous êtes à 19 ou 20 kilomètres d’Arlit, vous apercevez des montagnes de déchets radioactifs. Nous vivons aussi la contamination du sol notamment de la nappe phréatique. Voilà, à Arlit nous avons hérité d’une pollution durable avec la radioactivité qui a une durée de vie de plusieurs milliers d’années.
Ouestafnews – Que fait l’Etat nigérien par rapport à tout cela ?
A.A – L’Etat nigérien, comme l’Etat sénégalais, et tous les autres sont des victimes.
Ouestafnews- Les Etats sont garants du bien-être des populations. N’ont-ils pas une part de responsabilité ?
A.A – Je ne vois pas un Etat qui ne souhaite le bien de ses populations. On ne va pas rentrer dans les détails. Mais pour moi, ils sont victimes d’un pillage c’est aussi simple que cela.
Ouestafnews- Vous êtes un ancien employé de la Somaïr (filiale d’Areva). Qu’est-ce qui motive votre militantisme d’aujourd’hui ?
A.A- Vous savez, l’uranium est un problème de santé à l’échelle mondiale. D’abord dans les années 1960, on nous a fait la fausse promesse comme quoi si nos dirigeants de l’époque acceptent l’exploitation, le Niger aurait été une nouvelle étoile et la ville d’Arlit comme Paris.
Aujourd’hui, Arlit c’est des ruines, elle ne ressemble pas à une ville donc nous n’avons pas profité du tout de cet uranium. Tout ce que nous avons aujourd’hui, c’est une pollution durable comme je l’ai dit tantôt.
C’est vrai, j’ai travaillé à Somaïr pendant une bonne trentaine d’années. Et ce n’est pas parce que j’y ai travaillé que j’ai vais dire que tout est beau. Non, ce n’est pas du tout le cas. Donc le problème d’Areva, ce n’est qui y a travaillé ou pas. Aujourd’hui, Edouard Philippe, le Premier ministre français est un ancien d’Areva. C’est quand il était là qu’on a signé les conventions que nous dénonçons.
L’actuel président du Niger est aussi un ancien d’Areva et je ne fais partie de ceux qui croient qu’il est d’accord avec l’attitude de cette multinationale. Je vous rappelle que lui-même avait dit au président François Hollande : « nous gagnons avec le pétrole plus que ce que nous avons obtenu avec l’uranium en trente ans ».
MN/AD
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