Ouestafnews– Dans une déclaration publiée le 8 août 2023, plusieurs personnalités et intellectuels africains rejettent une intervention militaire au Niger envisagée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique (Cedeao), pour ramener au pouvoir le président Mohamed Bazoum, destitué le 26 juillet 2023. Selon l’écrivain et sociologue des médias, Alymana Bathily, signataire de la déclaration, un éventuel affrontement aggraverait la situation socio-économique et renforcerait les groupes terroristes. Il répond ici à nos questions. L’entretien a été réalisé par voix électronique.
Ouestaf News – Vous êtes signataire d’une déclaration avec d’autres personnalités africaines interpellant la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sur les « conséquences graves » – ce sont les termes de la déclaration – d’une intervention militaire au Niger. Sur quoi fondez-vous cette crainte ?
Alymana Bathily – Nous nous fondons d’abord sur l’état de pauvreté aiguë du Niger, pays enclavé, le plus pauvre au monde selon l’Indice de développement Humain, 189e sur 189 pays du monde. Une guerre, avec ses effets sur la population, sur les infrastructures et sur l’environnement aggraverait évidemment cette grande pauvreté.
Sur la situation de guerre, en affaiblissant le gouvernement nigérien, l’intervention militaire de la Cedeao renforcerait du coup ses ennemis islamistes et grands bandits coalisés, ce qui menacera la survie même de l’Etat. Sur la situation régionale, l’intervention militaire concernera directement le Mali et le Burkina Faso solidaires des putschistes et pourrait provoquer l’Algérie. Il y a donc là un risque d’un conflit sous régional. Conflit que l’implication de puissances extérieures, notamment la France et les USA aggraverait davantage (le conflit) et pourrait même devenir un conflit mondial.
Sur les mouvements de population, la guerre provoquerait un mouvement de réfugiés vers les régions nord du Nigeria, ce qui outre la pression accrue sur les ressources pourrait être utilisé à leur avantage par les mouvements insurrectionnels armés qui sévissent dans ces régions. Par ailleurs, l’émigration clandestine vers l’Europe par Agadez pourrait être renforcée, les gangs de passeurs se renforçant.
Ouestaf News – Ce positionnement contre le retour à son poste du président déchu Mohamed Bazoum n’est-il pas une manière d’encourager les coups d’Etat dans l’espace Cedeao ?
A.B – Nous n’avons écrit nulle part dans cette déclaration que nous sommes contre le retour à son poste du président élu comme vous le dites. En fait nous avons précisé : « nous marquons notre engagement envers les principes démocratiques, la liberté et les droits des citoyens, et contre toute forme d’intervention militaire qui irait à l’encontre de ces valeurs que nous tenons pour sacrées. »
La Cedeao a des procédures explicites qu’elle devrait utiliser avant même d’envisager une action militaire. Son Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité recommande de recourir à travers son Conseil de Médiation et de Sécurité à plusieurs options avant de décider « la plus appropriée en matière d’intervention ». Ces options peuvent porter sur le recours au Conseil des Sages, sur l’envoi de mission d’enquête, de missions politiques et de médiation ou sur l’intervention de I’Ecomog (Ndlr : groupe d’intervention militaire de la Cedeoa) ».
En outre, il faut bien s’accorder sur le fait que les déterminants des coups d’état en Afrique comme le montre une étude récente de M. Ndongo Samba Sylla (Démystification des coups d’Etat), sont le fait d’être une ancienne colonie française et celui d’être dans une zone militarisée par des puissances étrangères.
Ouestaf News – Au Mali, au Burkina Faso et en Guinée Conakry, des militaires sont au pouvoir. Pensez–vous que ces putschs militaires ont vraiment amélioré la situation sécuritaire ou le quotidien des populations de ces pays ?
A.B – Je ne sais pas si les militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso ont amélioré la situation sécuritaire et le quotidien des populations dans leurs pays respectifs. Je crois savoir seulement que la souveraineté de l’Etat est rétablie dans ces pays. Je pense que la liberté et les droits des citoyens, la bonne gouvernance et le respect des principes démocratiques dans la gestion de l’État et dans les méthodes d’accès au pouvoir n’y sont pas encore établis.
ON/FD
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