Nigeria : de l’insurrection au «califat islamique»… jusqu’où ira Boko Haram ?

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« Califat… islamique » ?

Entre le 24 août et le 02 septembre 2014, deux annonces et non des moindres sont faites par la bande à Abubakar Shekau. Il s’agit de la proclamation du « califat islamique » dans les de Gwoza et Bama, situées dans l’Etat de Borno (Nord-est). Une nouvelle donne dans la rhétorique et la stratégie militaire de la secte qui se cantonnait jusqu’ici dans une logique de guérilla avec des attaques intempestives et hautement meurtrières qui n’ont pas épargné Abuja, la capitale fédérale, censée être un havre de sécurité. Toutefois l’armée a annoncé le mardi 02 septembre 2014, une contre-offensive qui lui a permis de récupérer la ville de Bama.

Le péril est grand, arguent les observateurs qui craignent un basculement de l’ensemble de l’Etat de Borno et de ses voisins dans le giron de Boko Haram et de son « califat islamique ». « Si Borno tombe, des territoires des États voisins de Yobe et d’Adamawa pourraient suivre, ainsi que des territoires camerounais frontaliers » s’inquiètent dans un rapport posté sur son site web, le Nigeria Security Network (NSN).

Contrairement aux observateurs occidentaux jugeant péremptoirement le « califat islamique » comme un simple « coup médiatique » de Boko Haram. La NSN, invite le gouvernement fédéral a agir vite puisqu’une attaque serait en préparation à Maiduguri (ville de naissance de la secte), ce qui serait une victoire symbolique qui pourrait galvaniser davantage la secte. Boko Hara a pour ambition d’établir son « califat » dans tout le Nord-est. Si Bama et Gwozo focalisent pour l’instant l’attention de l’opinion, le rapport succinct de la NSN nous apprend cependant que six autres villes (Buni Yadi, Damboa, Marte, Gamboru Ngala , Dikwa et Madagali) du Nord-est sont sous contrôle de la « secte ».

Et le Nord Cameroun ?

Frontalière du Nord-est nigérian, le Nord du Cameroun, pouvait difficilement échapper à la « folie » de Boko Haram. Entre août et début septembre 2014 plusieurs accrochages meurtriers entre soldats camerounais et insurgés ont été signalés.

Face à la menace grandissante que constitue Boko Haram pour tout le Sahel, les chefs d’Etats du Nigeria, du Cameroun, du Tchad et du Bénin avaient été conviés en mai 2014 à un sommet spécial à Paris par leur homologue français, François Hollande pour tracer les lignes d’une stratégie transfrontalière dans la lutte contre Boko Haram. Jusqu’à présent, les observateurs déplore un manque réel de collaboration entre Yaoundé et Abuja dans ce dossier.

Des journalistes camerounais, relève même une certaine « indifférence » du président, Paul Biya, en vacances en Europe alors qu’une partie de son territoire est sous le feu de Boko Haram. En réalité le Nord du Cameroun (culturellement identique à la partie septentrionale du Nigeria) n’est pas uniquement une zone de repli pour la « secte » comme le relèvent souvent les spécialistes, c’est aussi un lieu de recrutement de combattants pour Boko Haram .

Qui, derrière Boko Haram ?

Depuis son soulèvement de 2009, Boko Haram choque le monde par ses méthodes ultra-létales, plus de 10.000 morts si l’on se base sur le décompte des Organisations de défense des droits de l’Homme. Cette forte capacité de nuisance et sa résistance demeurent étonnantes. Qui renseigne la secte ? Qu’en est-il de ses fournisseurs en armes, bref qui finance Boko Haram ? Des questions qui méritent d’être posées !

Ayant servi de conseiller aux président Olesegun Obasanjo et Umaru Yara’adua, Stephen Davis, un expert en sécurité de nationalité australienne a déchiré un coin de ce voile mystérieux. Dans une interview avec la radio publique australienne (ABC), l’homme qui a récemment séjourné au Nigeria suite au rapt de jeunes filles de Chibok en avril 2014 par Boko Haram, accuse des opposants politiques d’être les bras financiers de la secte. Selon lui, il existe un vaste réseau servant Boko Haram et qui au-delà des figures politiques compte aussi dans ses rangs des « établissements financiers ».

Même s’il est loisible de se poser des questions sur la crédibilité de cet expert (conseiller occulte du président Goodluck Jonathan, chargé de négocier la libération des otages de Chibok) et de ses dires, sa sortie a jeté un pavé dans la mare du vaste paysage politique nigérian. Face à la presse, le président de la grande coalition, de l’opposition, le All Progressive Congress (APC), John Odigie-Oyegun a écarté toutes les accusations proférées par cet expert qui fait partie selon lui d’un vaste système mis en place par le gouvernement fédéral pour salir l’opposition dans la perspective de l’élection présidentielle, prévue début 2015.

Que fait l’armée nigériane ?

Les hésitations et parfois le refus de combattre de l’armée fédérale constituent un des écueils empêchant une lutte efficace contre la « secte » armée. L’inefficacité de l’armée est telle que malgré l’état d’urgence en vigueur dans l’état de Borno, les militaires n’ont pu empêcher le rapt des collégiennes à Chibok. Dans les témoignages relayés par les médias, il est souvent mentionné l’abandon des camps ou la fuite tout simplement des soldats nigérians lors des attaques de Boko Haram.

En dépit d’un budget de 6 milliards de dollars alloué à la Défense, il est toujours question d’argent dans la grande muette et face aux assauts répétés et victorieux de Boko Haram, de hauts membres de la hiérarchie militaire sont montés au créneau pour dénoncer le manque d’équipements des troupes.

« Pas question de combattre Boko Haram, les mains nues », lisait-on récemment dans la presse locale qui reprenait ainsi le slogan de soldats nigérians à la limite du découragement. Selon le quotidien privé « Daily Sun », 18 soldats passeront bientôt devant le Tribunal militaire de Kaduna (Nord), pour répondre des délits de mutinerie. Ce même tribunal a aussi condamné pour indiscipline, un lieutenant-colonel à un an de prison ferme et un commandant a subi un déclassement en grade.

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