Nigeria : pourquoi Boko Haram n’est-il pas encore défait ?

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Le président Buhuri au centre de commandement de l’armée à Maiduguri (Nord-est) le 28 novembre 2018, Une visite destinée à remobiliser les troupes qui ont subi beaucoup de pertes humaines suite à de multiples attaques de Boko Haram. Image/Capture d’écran/ compte Twitter/présidence.

Ouestafnews – Dès son accession à la présidence du Nigeria en 2015, Muhammadu Buhari avait promis la « fin » de Boko Haram, faisant de la lutte contre ce groupe armé une de ses priorités. Alors que le Nigéria se dirige vers une nouvelle élection présidentielle prévue en février prochain, le statu quo demeure et les attaques meurtrières des insurgés connaissent un regain.

Entre novembre et début décembre 2018, les attaques meurtrières de Boko Haram se sont intensifiées avec comme principales cibles les cantonnements de l’armée nigériane dans le nord du pays notamment dans les états de Borno et de Yobe. Depuis juillet, pas moins de 19 attaques ont été répertoriés, selon l’AFP.

L’insurrection de Boko Haram dure depuis 2009, avec des milliers de morts déjà répertoriés.

Adepte de la réponse armée, l’ancien général Muhammadu Buhari avait même déplacé le centre de contrôle et de commandement de l’armée d’Abuja à Maidiguri, dans  l’Etat de Borno (nord-est), fief de Boko Haram.

Pour le journaliste et chercheur nigérian, Mayowa Tijani la réponse militaire seule ne viendra pas à bout de cette violence.

«La stratégie militaire doit aller main dans la main avec une stratégie de contre-idéologie », a-t-il déclaré à Ouestafnews. Pour M. Tijani qui a couvert ce conflit dans le nord, les recrues de la secte proviennent essentiellement des masses « non éduqués et souffrant de chômage ».

«Sans des efforts véritables dans le domaine de la formation et de l’emploi particulièrement dans le nord du pays, Boko Haram aura toujours des adeptes », pense-t-il.

Selon des chiffres officiels, entre 2011 et 2015, durant le magistère du président Goodluck Jonathan, le Nigeria a dépensé 16 milliards de dollars en achats militaires.

On se rappelle qu’au cours de cette période, un milliard de dollars avait disparu dans opération d’achats d’armes en provenance d’Afrique du Sud.

«Plus nous dépensons en armement, plus Boko Haram se radicalise et ils ont encore cet avantage d’une meilleure connaissance du terrain par rapport à l’armée », estime M Tijani.

Ancien gouverneur de la banque centrale sous Goodluck Jonathan et aujourd’hui Emir de Kano (une des chefferies traditionnelles les plus importantes du Nigeria, située dans le nord du pays), Muhammadu Sanussi fait aussi partie de ceux qui pensent que la force seule ne suffira pas.

«Le discours sécuritaire ne doit pas être séparé du discours sur le développement et la pauvreté », a affirmé l’Emir, lors d’une conférence sur Boko Haram, tenue à la mi-novembre 2018 à Kano.

Menace sur la présidentielle

 En 2016, le président Buhari avait annoncé que Boko Haram était «techniquement défait». A deux mois de la présidentielle, c’est plutôt le contraire qui se remarque. Boko Haram, un temps affaibli par des dissensions internes n’a rien perdu de ses capacités opérationnelles, au point que des craintes légitimes pèsent sur les élections générales de février prochain.

Le président Buhari qui va briguer un second mandat, devra faire avec les critiques des opposants sur le dossier de l’insurrection.

Pour le président sortant, qui compte briguer un second mandat, il n’est pas question de fléchir. Lors d’une visite, effectuée le 28 novembre 2018 au centre de commandement de l’armée à Maiduguri, le chef de l’Etat a encore insisté sur sa volonté de venir à bout de Boko Haram.

«Nos troupes ne doivent pas se disperser, chacun doit être pleinement engagé dans ce devoir qui consiste à effacer Boko Haram de la surface de la terre», avait-il déclaré aux soldats.

Candidat à la prochaine présidentielle, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, a récemment dénoncé le manque de moyens conséquents à la disposition de l’armée.

Pour Peter Ayodele Fayose, membre de l’ex-parti au pouvoir, le Parti populaire démocratique (PDP, opposition), l’administration Buhari doit aujourd’hui avouer son «échec» face à Boko Haram.

En neuf ans d’insurrection, les attaques attribuées à Boko Haram ont fait 27.000 morts et 1.8 millions de déplacés, selon une estimation souvent reprise par des officiels nigérians.

 

MN/on/ts

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