Last Updated on 18/12/2015 by Ouestafnews
L’arrivée à terme en ce mois de décembre 2015 d’un procès marathon qui a opposé l’Etat fédéral nigérian à un jeune militant de la cause
biafraise.
Défenseur acharné de la cause biafraise, Nnamdi Kanu (né en 1970 dans l’état dAbia), possède aussi la nationalité anglaise. Il est membre fondateur du mouvement Peuple indigène du Biafra (IPOB, sigle en anglais).
Ce mouvement dénonce, selon son site web, « l’occupation » et la « servitude » auxquelles sont soumises les communautés autochtones du sud-est du Nigeria.
Le mouvement de Kanu, affirme compter des adeptes dans une vingtaine de pays à travers l’Afrique et le monde.
Sur le réseau social Facebook, différentes pages animées par le mouvement IBOP ou ses sympathisants revendiquent des milliers de membres sans qu’on puisse en vérifier l’exactitude et l’authenticité.
Réveil de l’insurrection
Accusé de « conspiration », et d’« appartenance à une organisation illégale », de « terrorisme » et de « financement du terrorisme », Kanu a finalement obtenu un non-lieu prononcé le 16 décembre 2015.
Arrêté depuis le 14 octobre 2015 dans un hôtel à Lagos, sa détention a suscité un fort mouvement de contestation au Nigeria avec des
manifestations publiques dans la capitale économique Lagos, mais aussi dans des villes comme Enugu, Port Harcourt…
L’ampleur des réactions a surpris beaucoup d’observateurs. L’influence du mouvement IPOB dans le « Biafraland » n’ayant jamais été jaugée auparavant.
IPOB est aussi le promoteur de Radio Biafra, dont Kanu lui-même est le directeur, une station basée à Londres depuis 2013 et dont l’audience est aussi amplifiée par la diffusion sur internet.
Très peu connu du grand public avant son procès, Nnamdi Kanu, et son mouvement réussissent aujourd’hui à se présenter en porte flambeau de la cause biafraise.
Un retour sur la scène publique qui va sans doute compliquer davantage la tâche déjà ardue du président Muhammadu Buhari qui doit tenir la promesse faite à ses compatriotes d’éradiquer la violente insurrection de Boko Haram.
Nnamdi Kanu ne se contente pas de l’audience que lui confère Radio Biafra, l’homme écume régulièrement les grandes villes européennes et américaines pour mobiliser les Igbo (18% de la population et principale ethnie du Sud-est) qui, selon les sécessionnistes, sont victimes de « marginalisation et d’injustice » depuis l’indépendance du Nigeria.
Pourquoi sous Buhari ?
Le soudain réveil des velléités sécessionnistes des Biafrais est aussi source d’inquiétude pour Muhammadu Buhari, comme le démontre de Nnamdi Kanu opéré par le Department of secret service (DSS), la police secrète nigériane.
La plainte des Igbo contre « la marginalisation » de leur communauté a pris une nouvelle tournure avec l’élection de Buhari, un ressortissant du nord.
Plusieurs associations originaires du Sud-est, ont déploré la faible présence des Igbo dans l’actuel gouvernement.
« Rien n’a changé depuis 1967 », telle une rengaine la formule revient fréquemment dans les forums et les réseaux sociaux pour justifier la résurrection du Biafra.
« 80% des votes qui ont conduit Buhari au pouvoir provient du nord du Nigeria, ce qui signifie qu’une bonne de la nation notamment le Sud lui est défavorable », analyse le politologue nigérian Adekoya Boladale dans un texte transmis à Ouestafnews.
« Le Biafra est une mémoire qui ne peut être étouffée », a dit dans un entretien avec la télé privé Channels, le prix Nobel de littérature, Wole Soyinka. L’écrivain qui fut à l’époque emprisonné pour connivence avec les leaders biafrais, appelle le gouvernement de Buhari à dialoguer avec les militants biafrais.
Toutefois des organisations Igbo ne sont pas d’accord avec l’agitation actuelle qui a sorti des tiroirs le drapeau vert et noir du Biafra. Cité par le quotidien the Vanguard, Chuks Ibegbu, membre du Igbo lobby group pense que « la situation actuelle ne rend pas service à la communauté Igbo ».
Mais pour le président Buhari, pas question de céder aux démons de la division. « Notre nation vient de célébrer les 55 ans de son indépendance politique et elle restera indivisible malgré les nombreux et douloureux défis », affirmait Buhari dans un discours tenu le 16 novembre 2015 à Abuja.
Survivance d’une triste mémoire
La triste histoire du « Biafra » commence en 1966. Un coup d’Etat militaire qui a coûté la vie à plusieurs cadres, dont le premier ministre, en majorité originaires du nord du pays, et qui allait changer le cours de l’histoire au sein de cette ex- colonie fraîchement libérée de la tutelle britannique.
Le soupçon placé sur des officiers d’origine Igbo, comme étant derrière ce putsch, a par la suite donné lieu à des massacres (30.000 morts, selon Wikipédia) de membres de ladite ethnie établis dans le
nord du pays, (majoritairement peuplé de Haoussa et de peuls
musulmans), et d’où était originaire le premier ministre Abubakar
Tafawa Balewa, tué au cours des événements avec plusieurs autres cadres nordistes.
En réponse au massacre des siens, Odumegwu Ojukwu (mort en 2011) alors lieutenant – colonel de l’armée fédéral, déclarait en mai 1967 l’indépendance de la partie sud-est nommée Biafra, donnant lieu à une sanglante guerre civile, qui allait durer jusqu’en décembre 1969,après avoir entraîné la mort d’un million de personnes.
Territoire de 77,310Km2, le Biafra est le berceau de la richesse pétrolière du pays. Il regroupe aujourd’hui les Etats de Bayelsa, Anambra, Rivers, Abia, Delta, Enugu, Ebonyi, Rivers Cross, Imo et Akwa Ibom.
45 ans après cette tragédie, la flamme sécessionniste n’est toujours pas éteinte, comme le démontre les milliers de sympathisants de IPOB, réunis par la magie des réseaux sociaux.
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