Mathias Hounkpé – Cette question appelle une réponse à plusieurs niveaux. Premièrement, il faut dire que, même si la tendance dans la région et ailleurs en Afrique Sub-Saharienne est à la pléthore de candidatures aux élections présidentielles, le cas béninois est (et a quasiment toujours été) tout de même particulier. Par exemple, pour ne prendre que l’exemple de l’année 2015, le nombre de candidats aux présidentielles organisées en Afrique était de 30 en République Centre Africaine, de 14 au Nigéria et au Burkina Faso, de 8 au Burundi, en Guinée et en Tanzanie et de 7 en Côte d’Ivoire. Dans le même temps au Bénin, à l’exception de 1991 et de 1996 où le nombre de candidats était de 6 et 7 respectivement, les candidats aux élections présidentielles sont passés à 17, 26, 14 et 33 en 2001, 2006, 2011 et 2016 respectivement.Comme on peut aisément le remarquer, la pléthore de candidatures aux élections présidentielles semble être une véritable spécificité du Bénin.
Deuxièmement, il est important de souligner qu’à ce jour, les électeurs ont toujours donné le sentiment de savoir faire la différence entre les “candidatures sérieuses” et les “candidatures fantaisistes”. Par exemple, depuis 1991 quand le Bénin a renoué avec la démocratie, les 4 premiers au 1etour de chaque présidentielle totalisent plus de 85% des suffrages exprimés. Cela veut dire, par exemple, qu’en 2006, les 22 candidats restants (sur les 26) se sont partagé moins de 15% des votes. Le résultat ne risque pas d’être substantiellement différent pour la présidentielle de 2016 malgré les 33 candidats en compétition. Ceci est rassurant par rapport au risque de confusion au niveau des électeurs que l’on pourrait craindre lorsque le nombre de candidats est trop élevé.
L’attraction de cette campagne reste Lionel Zinsou, le candidat du pouvoir. Pensez-vous qu’il aura la partie facile face à des hommes comme Abdoulaye Bio-Tchané ?
Il n’aura pas du tout la tâche facile parce que, pour la première fois depuis 1991, il y a au moins 4 autres candidats (contre au plus 3 par le passé) qui sont aussi perçus comme des favoris pour cette présidentielle. Il s’agit de Koupaki, Bio-Tchané, Talon et Ajavon. Cependant, M. Zinsou part avec un avantage sur les autres favoris. Si l’on se base sur les résultats des élections de 2015 (législatives et communales et locales), M. Zinsou est soutenu par 3 des 4 premières forces politiques du pays.
Il est en effet soutenu par les Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE, la coalition au pouvoir et la 1e force politique du Bénin dont il est le candidat), le Parti du Renouveau Démocratique (PRD, le parti de l’actuel président de l’Assemblée nationale), et la Renaissance du Bénin (RB) qui sont les 3e et 4e forces politiques du pays. Malgré cet avantage, le jeu demeure très ouvert. Pour diverses raisons, il est difficile de dire à ce stade comment est-ce que les soutiens des grandes formations politiques à M. Zinsou se transformeront en votes par les citoyens. Ceci d’autant plus que des contestations ont été observées dans toutes les formations politiques qui lui ont exprimé leur soutien. Et quoi qu’on dise, les électeurs demeurent libres de leurs choix indépendamment des consignes de vote des leaders politiques.
L’autre nouveauté c’est la présence de Patrice Talon et de Sébastien Ajavon. Ces hommes d’affaires ont -ils une chance quelconque ?
Ils ont des chances et de mon point de vue, il est possible que l’un des deux se retrouve au 2e tour. Même s’ils n’ont pas le soutien de grandes formations politiques, l’expérience a montré au Bénin qu’un candidat peut bien être qualifié pour le 2e tour et même gagner la présidentielle sans le soutien de grandes forces politiques. C’était le cas du président sortant, M. Boni Yayi, en 2006 quand il est arrivé 1e au premier tour, alors qu’il n’était soutenu par aucune des grandes formations politiques en ce moment-là. Au-delà de ce qui précède, il faut noter qu’ils font partie des candidats qui ont pu faire campagne à travers tout le pays. Mieux, il est important de mentionner que M. Ajavon et Talon disposent de l’une des ressources les plus essentielles pour gagner les élections au Bénin, à savoir les ressources financières. A mon avis, il serait imprudent de ne pas les prendre au sérieux.
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