Présidentielle en Guinée : le pays prend rendez-vous avec l’histoire

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L’élection du 27 juin 2010, que les observateurs qualifient de « premier scrutin libre et transparent » depuis l’indépendance était attendue depuis la mort du président Lansana Conté en décembre 2008, qui avait laissé la place à une transition militaire, euphorique à ses débuts mais qui a vite tourné au chaos. La Guinée venait de rater un tournant.

Mais en réalité, la Guinée a souvent raté ses rendez-vous avec l’histoire, depuis son héroïque et spectaculaire accession à l’indépendance en 1958 sous la direction de Sékou Touré, en passant par le décès 50 ans plus tard de son deuxième président, le Général Lansana Conté, décès dont on pensait qu’il allait immédiatement ouvrir enfin une nouvelle ère pour la Guinée.

Pays potentiellement le plus riche d’Afrique de l’ouest par ses ressources minières et énergétiques, la Guinée, avec une population de près de 10 millions de personnes, ne devance pourtant en 2009 qu’une douzaine de pays sur la base de l’indice du développement humain (170ème sur 182).

L’élection du 27 juin 2010, que les observateurs qualifient de « premier scrutin libre et transparent » depuis l’indépendance était attendu depuis la mort du président Conté, qui avait laissé la place à une transition militaire, euphorique à ses débuts mais qui a vite tourné au chaos.

Fait important : l’élection se déroule sans candidat sortant, l’actuel dirigeant de la transition, le général Sékouba Konaté, ne se présentant pas.

La pléthore de candidats en lice (24), malgré l’exigence d’une caution financière relativement élevée (40 millions de CFA) témoigne, selon les analystes d’un « regain d’espoir et de confiance en l’avenir » qu’offre cette élection, considérée comme la première « élection réellement pluraliste en Guinée ».

Cette pléthore de candidats est également le reflet d’un certain appétit du pouvoir, dans un pays où le contrôle du pouvoir d’Etat a été assimilé durant ces 25 dernières années au « contrôle » de ses richesses, selon l’analyse du desk politique d‘Ouestafnews.

De l’indépendance en 1958 à nos jours, aucun des dirigeants guinéens n’a pu faire bénéficier à ses concitoyens de l’immense potentiel en ressources naturelles dont regorge leur pays, qui à lui seul concentre 2/3 des réserves mondiales de bauxite, sans compter, l’or, le diamant, le fer, etc., contenus dans son sous-sol en plus d’un climat favorable à l’agriculture et d’une hydrographie avantageuse.

Si le premier président de la Guinée indépendante, Sékou Touré, avait du fait de son isolement conservé intactes ces richesses potentielles, le régime de Lansana Conté en a par contre abusé à son seul profit et au profit de ses soutiens, nationaux comme étrangers.

Selon plusieurs médias guinéens et internationaux, l’élection « historique » comme la qualifient certains observateurs, devrait se jouer entre cinq « favoris », tous de vieux routiers de la politique guinéenne, et parmi lesquels figurent quatre ex-premiers ministres ayant servi sous le régime du défunt Général Lansana Conté et qu’on accuse de s’être enrichis sur le dos du peuple guinéen et de partager le bilan désastreux du régime de feu le général Lansana Conté.

Les quatre ex-premiers ministres, quasiment tous des sexagénaires, sont Sidya Touré (65 ans), François Lonsény Fall (61 ans), Lassana Kouyaté (60 ans) et Cellou Dalein Diallo (58 ans).

Le cinquième candidat est « l’opposant de toujours », Alpha Condé (72 ans). Mais pour ce scrutin-ci, il est considéré par ses adversaires politique comme un « candidat de la France », pays dont les relations avec la Guinée, du fait d’une histoire mouvementée, restent ambigües.

A côté de ce quinté que les médias placent volontiers en tête, figurent d’autres personnalités marquantes de « l’ère Conté », dont notamment El Hadji Mamadou Sylla (50 ans), pendant longtemps à la tête du patronat guinéen et ami du défunt chef d’Etat. Il est considéré par certains comme la première fortune de la Guinée.

Aboubacar Somparé (66 ans), ancien président de l’Assemblée nationale, aurait dû accéder à la magistrature suprême à la mort de Lansana Conté pour assurer l’intérim. Il avait préféré faire profil bas, laissant la porte ouverte aux militaires dirigés par Moussa Dadis Camara, aujourd’hui exclu du jeu politique et exilé à Ouagadougou, officiellement pour cause de « convalescence », mais en réalité un exil forcé pour l’empêcher de se présenter à l’élection.

A coté de ces figures bien connues de la vie politique locale, on retrouve de nouveaux noms, inconnus de la grande majorité des Guinéens, mais que l’on présente volontiers comme des technocrates à l’image de Boubacar Bah et Ibrahim Abe Sylla, deux candidats issus de la diaspora, qui ont fait l’essentiel de leur carrière aux États-Unis. Ils comptent créer la surprise ou à tout le moins monnayer leurs voix, en cas de deuxième tour.

Mais, les analystes les plus sérieux se demandent si leur « virginité politique » fera le poids, devant les vieux routiers en lice.

Seule femme dans la compétition, Daraban Saran Kaba, sera la première guinéenne à se présenter à une présidentielle. Pharmacienne de formation, elle a beaucoup travaillé dans la société civile avant de descendre dans l’arène politique.

La campagne électorale ouverte depuis un mois, s’est déroulée sans violence en dépit de la grande passion que suscite cette élection à deux tours, pour laquelle se sont inscrits plus de 4,2 millions d’électeurs (près de la moitié de la population), à l’intérieur de la Guinée et dans des pays étrangers où existe une forte diaspora guinéenne.

La préférence « ethnique », souvent citée par des analystes comme un des paramètres de ce scrutin, est pourtant surclassée par le discours rassembleur tenu jusqu’ici par les différents candidats, qui privilégient tous « la réconciliation » et « la reconstruction » d’un pays ravagé par des décennies de mauvaises gestion.

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