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Putschs en Afrique de l’Ouest : l’éternel recommencement ?

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Ouestafnews – La récurrence des putschs dans quelques-uns des pays ouest-africains, est comme une épée de Damoclès qui menace les autres Etats, ainsi que les processus démocratiques en cours.

« Mettre en place une force régionale dont le mandat inclura la restauration de l’ordre constitutionnel partout où il est menacé dans la sous-région » : cet engagement figure au point N°25 du communiqué final du sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tenu à Abuja le 4 décembre 2022. Il s’agit là d’une volonté claire de mettre un terme aux putschs qui secouent cette partie du continent depuis plus de deux ans.

Les ruptures d’ordres constitutionnels survenues au Burkina, en Guinée et au Mali ainsi que celle qui aurait été déjouée en Guinée Bissau rappellent que la consolidation des systèmes démocratiques pluralistes, reste un défi permanent pour les Etats et les sociétés civiles ouest-africains.

Le journaliste Atiana Serge Oulon, membre de la société civile burkinabè, récuse toute généralisation à l’échelle ouest-africaine.

« Cette partie de l’Afrique de l’ouest compte 15 pays et les coups d’Etat ne concernent en fait que trois pays où à tout le moins quatre, en y ajoutant la Guinée-Bissau et son putsch avorté », analyse pour Ouestaf News le directeur de publication du mensuel burkinabè L’Evènement (privé).

Le Dr Saliou Faye, enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop, essaie quant à lui de différencier deux types de putschs.

« Il est possible de distinguer deux types de génération de coups d’Etat en Afrique : une première génération fondatrice ou refondatrice de la démocratie ; une seconde génération qui déconstruit, remet en cause la démocratie », explique-t-il à Ouestaf News.

Ainsi, les putschs survenus au Mali, en Guinée, au Burkina Faso font partie de cette seconde génération, souligne-t-il. Leurs conséquences aboutissent au phénomène de la « dé-démocratisation », une formule empruntée à l’anthropologue Wendy Brown, professeure de sciences politiques à l’université de Berkeley en Californie.

« Les conséquences, c’est aussi l’instabilité et l’insécurité dans lesquelles ces coups d’Etat plongent les Etats avec les incidences dans les domaines politique, institutionnel, économique, social, bref la vie de l’Etat », ajoute l’universitaire sénégalais.

Alioune Tine, directeur-fondateur du Think-Tank Afrikajom Center, estime que l’Afrique de l’ouest est « trop dépendante de la géopolitique et de l’économie politique des grandes puissances. » Or, la démocratie y traverse « une crise sérieuse car elle repose pour l’essentiel sur le jeu de la démocratie électorale qui se nourrit substantiellement de ressentiments, d’exclusions, de populismes. »

Si l’impression d’un recommencement sans fin s’impose, M. Tine la relie à la violation permanente par beaucoup d’Etats du protocole additionnel de la Cedeao sur la bonne gouvernance, « une constitution fantastique ».

A ce propos, « il me semble vain de trouver des remèdes aux coups d’Etat militaires sans régler le casse-tête des coups d’Etat inconstitutionnels habillés en 3e mandat puis normalisés par l’instrumentalisation des institutions. »

« Accrocs au pouvoir » 

Les pouvoirs en place, garants du fonctionnement régulier des institutions, sont considérés comme les premiers responsables de ces dérives, mais pas les seuls. « Il n’y a pas des fautifs d’un côté,et des innocents, de l’autre. L’absence de véritables contre-pouvoirs, la présence d’hommes et de femmes prédateurs aux postes de responsabilités peuvent être des sources de coups d’Etat », souligne le journaliste Atiana Serge Oulon.

L’enseignant-chercheur Saliou Faye suggère de « réécouter le discours inaugural des putschistes dans chaque pays ». Le refrain est souvent le même pour justifier l’arrivée de militaires au pouvoir : mal gouvernance, inaptitude des élus à développer des politiques publiques efficaces au service des populations, corruption, etc.

A ce niveau, « s’il y a une responsabilité des civils, c’est pour moi sous l’angle de l’incapacité des électeurs à choisir de +bons gouvernants+ ».

Sans hésiter, Alioune Tine accuse les « présidents accrocs au pouvoir » d’être la source des instabilités ouest-africaines. Et comme pour renverser l’ordre naturel des choses, il finit par considérer que le coup d’Etat est devenu « le mode de régulation des crises démocratiques », en Afrique de l’ouest.

« Au Mali, les fraudes électorales, l’effondrement de la Cour constitutionnelle et des manifestations puissantes ont généré le putsch des colonels. En Guinée, le 3e mandat et l’autoritarisme d’Alpha Condé ont alerté les militaires. Au Burkina, la question sécuritaire a été le prétexte pour perpétrer deux putschs », rappelle le président d’Afrikajom Center.

Face à cette recrudescence des coups d’Etat, la Cedeao a donc lancé l’idée de créer une force « anti-putsch ». Reste à savoir quelle sera son avenir, voire sa légitimité dans un contexte ouest-africain qui cherche à réinventer son avenir politique. MD/ts

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