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Quelles options stratégiques, Quel dispositif opérationnel et quels choix tactiques face à Boko Haram ? (Libre opinion)

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Le présent article n’a pas pour objectif de se substituer aux stratèges et tacticiens dument mandatés pour lancer le processus de  planification pour la lutte contre Boko Haram, mais de participer au débat à partir de la perspective « d’un homme de l’art », qui ne marche pas mais sait  pourquoi les autres marchent,  agissant comme  un consultant « free lance » sur un sujet qui défraie la chronique   et suscite l’intérêt général en Afrique depuis les prises de positions des pays limitrophes et de l’Union Africaine sur la question. C’est tout simplement un exercice intellectuel pareil à celui des entraineurs de football à la veille d’une compétition et n’a donc aucun impact sur la conduite des opérations.

Qui est BokoHaram ? Quelles sont ses modes opératoires ? Comment prendre en compte la menace au plan stratégique, opérationnel et tactique ? Telles sont les questions qui méritent d’être posées et que se poseront tous les stratèges et tacticiens penchés sur le  « bac à sable » des centres d’opération qui détiennent  les informations critiques permettant de bâtir une stratégie conforme à la volonté politique des pays concernés.

Boko Haram est un groupe armé particulièrement violent qui, opère dans le septentrion Nigérian dans l’Etat du Bornou. Fort de ses succès face a l’Armée nigériane, le groupe a étendu ses opérations vers les pays frontaliers de sa zone de prédilection.

Boko haram, en haoussa  « l’éducation occidentale est un pèche » désigne aussi « les élites occidentalisées corrompues » ! Cette définition permet  d’appréhender  le mode opératoire privilégié du groupe tourné vers les attaques contre le système éducatif du Nigéria !
Dans le bilan macabre de Boko Haram figurent  les 276 lycéennes enlevées et « qui seront vendues au nom d’Allah » selon le chef du mouvement Abubakar Shakau dans un défi à la Communauté Internationale,  un chiffre cumulé de 2500 victimes civiles de 2011 à 2014 dont 176 enseignants dans des attaques contre les principales villes et localités du Nord et les actions terroristes dans les villes selon des sources concordantes.

Historiquement Boko haram  appelé « Jamma’atu  Ahlis  Sunna Lidda’ Awati Wal –Jihad » ( Groupe Sunnite pour la Prédication et le Jihad » est un mouvement « salafiste jihadiste » ayant pour objectif l’application de la sharia dans tout le Nigéria fondé par Mohamet YUSUF en 2002 dans la capital du Bornou, Maiduguri, prônant un islam rigoriste et radical. Le mouvement est  associé aux thèses d’Al-Qaïda et de l’Etat Islamique sans pour autant partager leur  stratégie internationaliste. Boko Harm entretiendrait  des liens avec AQMI et aurait  participé en 2012 à la guerre au Mali à coté du MUJAO selon différentes sources !

Le mouvement a débuté les affrontements avec les Force de Défense et de Sécurité nigérianes en 2004 sans que le gouvernement ne prenne au sérieux « ce groupuscule d’illuminés »  qui en 2009 mettra à rude épreuve les forces nigérianes par une série  d’attaques  faisant des centaines de morts des deux cotés et occasionnant  la capture de son chef qui sera exécuté dans des conditions non encore éclaircies.  

A l’issue de ces confrontations, Boko Hram se disperse au Niger et au Tchad pour se réorganiser  et refaire surface en 2010 par des attaques spectaculaires notamment celle de la prison de Bauchi et du l’Etat major de la Force Internationale.
Avec l’arrivée d’Abubacar Shekau  à sa tête, Boko haram se signale par des attaques à la bombe contre les églises et les bâtiments officiels et des attentats suicide qui font des centaine s de morts.

En 2013, l’Armée nigériane subit des revers inquiétants face à Boko Haram qui prend d’assaut des bases militaires, incendie des villes et villages et organise des attaques simultanées contre les principales villes du Nord notamment la capitale Maiduguri et étend ses opérations   au  Tchad, au Niger et plus tard au Cameroun !  

Une analyse des forces en présence permet de comprendre la dynamique du conflit
D’un coté Boko Haram qui jouit  d’une relative liberté de manœuvre dans le Nord-est et qui est passé du harcèlement et des incidents  isolés contre les forces nigérianes  à la planification et à la conduite de campagne militaire à des échelons jamais encore observée pour un groupe non étatique en Afrique !

Cette posture,  Bok Haram le doit probablement  au manque d’organisation et  d’efficacité  des forces nigérianes mais surtout à des capacités militaires  surprenantes pour une force d’opposition  en Afrique  depuis le Front Patriotique Rwandais (FPR) et son ancêtre la National Révolution Army (NRA) de Musévéni en Uganda.

On trouve dans Boko Haram les fonctions opérationnelles  essentielles qui mesurent l’efficacité dans la conduite des opérations militaires qui sont :

-La masse : prés de 30.000 combattants selon les estimations

-La puissance de feu : Boko dispose VTT équipés d’armes collectives et d’Engins Blindés Légers. L’attaque de la caserne de Giwa à Maiduguri en 2013, l’assaut  de la base de Baga, quartier général de Force Multinationale occupé par les forces nigériane en 2015 est une preuve de la capacité de Boko à appliquer une puissance de feu supérieure sur une « cible dure » !

-Le Renseignement : fondé sur la proximité avec la population musulmane fortement majoritaire dans la zone

-La manœuvre/la mobilité /flexibilité : la capacité de  « Boko » d’attaquer dans différentes directions et de faire face    non seulement à l’Armée Nigériane au Sud mais au forces des pays frontaliers au Nord et à l’Est

-Le soutien Logistique : en « vivant sur la population et sur l’ennemie » en application  des principes de  la stratégie indirecte  et en se donnant la possibilité d’exploiter sa profondeur stratégique au Nord pour ouvrir des axes de ravitaillement à partir  du Niger, du Mali, de l’Algérie et de  Libye dont les pans entiers sont occupés par des forces d’opposition,  alliées objectifs de Boko Haram.

-Le Commandement, le Contrôle, la Coordination et l’Information (C3I) : démontré par la capacité de Boko à lancer des attaques simultanées  contre les forces régulières des différents pays limitrophes et en même temps à mener des actions terroriste sur les arrières. « Boko » bénéficie aussi d’un bon réseau d’information quand on voit la rapidité avec la quelle le Chef du mouvement prend des positions sur les déclarations des principaux leaders politiques concernant le conflit !

Face à Boko Haram on trouve les forces nigérianes et celles des pays limitrophes.
Le Nigéria a déployé dans la zone, selon la revue «  Military Balance »,  la 7eme Division Terrestre forte de 8500 hommes organisée en 09 bataillions et composée de la 1ere Division mécanisée de Kaduna et la  3eme Division Blindée de Jos.

La dispersion des unités dans la zone d’opération et la concentration du gros des effectifs pour  la défense de la capital Maiduguri, dont la prise serait un revers majeur pour les forces nigérianes, laisse une portion congrue aux opérations offensive et défensives dans la profondeur   contre Boko Haram  et explique en partie la supériorité de Boko Haram sur le terrain.

A cela s’ajoutent le manque de morale des unités nigérianes et surtout l’absence de volonté politique d’écraser le groupe liée peut être  au dilemme du Président chrétien  Goodluck Jonathan (qui a manqué de chance cette fois ci !) qui perçoit le risque pour l’unité nationale de vouloir causer un bain de sang contre une organisation d’obédience musulmane. Les stigmates du Biafra sont encore frais dans les mémoires !

A coté de l’Armée nigériane se trouvent  les forces de soutien des pays limitrophes qui mènent leur combat en conformité avec la sacrosainte « intangibilité des frontières » qui limitent leurs actions et confine  l’option stratégique de ces pays au  principe de «  sécurité national », socle sur lequel repose   la doctrine d’emploi des forces dans les pays respectifs,  au détriment de « la sécurité collective ».

Ainsi chaque pays s’occupe de « son bout de  Boko Haram » et le conflit ressemble à la tragédie des « Horaces »dans laquelle la coalition  des pays limitrophes  serait trop forte pour Boko Haram mais trop faible  individuellement   face aux capacités que Boko Haram,   n’étant  pas tenu par le principe de  «  l’économie des forces »,  est capable de déployer face à chaque front,  par la combinaison des  feux et du mouvement dont le groupe a largement  démontré  la maitrise.

Conscient de cette faiblesse,  les pays limitrophes ont décidé,  sous le leadership du Tchad, de donner une réponse globale à la menace et ont obtenu le soutien de l’Union  Africaine par la décision d’envoi d’une force de 7500 hommes lors du son dernier sommet.
Il reste aujourd’hui a donner corps à cette volonté d’unité d’action contre la menace par une approche stratégiques basée le renforcement des relations civilo-militaires pour isoler Boko Harm de son milieu naturel dans la zone d’opération, un dispositif  opérationnel facilitant la coordination des actions par l’unicité du commandement et l’interopérabilité des forces et  des choix tactiques cohérents qui exploitent  les faiblesses critiques et les limites  de Boko Haram !

Ainsi au  plan de l’organisation administrative il s’agira de réarticuler le commandement territoriale, dans chacun des pays dans  les régions en contact direct avec la zone d’opération, en les subdivisant en de nouvelles unités administratives épousant les contours de nouvelles zones militaires.

Ensuite chaque pays définirait  une profondeur de 100 à 200 km kilomètres par rapport à la frontière centrée sur le Lac Tchad. Cette ceinture de 100 à 200 kilomètres carrés sera  destinée à isoler Boko Haram et formerait  une zone d’opération unique  sous le commandement d’un Etat major interarmées.

Au plan tactique, la poussée devra se faire vers le  Nord pour obliger  Boko Haram  à une défense du fort au faible et un repli tactique vers une gouttière dans la profondeur stratégique de 400 kilomètres menant au désert Libyen et traversant le Niger. Pendant ce temps  la frontière avec l’Algérie sera « fermée » par les force algériennes et la frontière malienne sécurisée par  l’opération  « Barkhane ».

Dans ce schéma les forces déployées par l’Union Africaine serviront à renforcer les unités  au sol de l’opération « Barkhane » et à prendre en compte les opérations humanitaires au Niger en priorité, au Tchad et au Cameroun ensuite  qui vont enregistrer un afflux de réfugiés probablement comparable à l’exodus par le pont de Rusomo lors du génocide rwandais en 1994 !  

Ainsi face à Boko haram,  l’unité d’action demeure la seule réponse et le choix de la « sécurité collective » au  détriment de la  « sécurité nationale » le seul choix politique et la seule option  stratégique permettant de détruire ou de mitiger la menace pour éviter l’émergence d’ une autre coalition des forces d’opposition qui opèrent dans la bande  Sahélienne.  
La nature ayant horreur du vide, ce sera soit une prise en compte globale du phénomène  « Jihadiste »,  soit la persistance d’une menace globale sur toute la sous région.   

Mamadou Adje
 


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