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Recouvrement des biens mal acquis : un travail d’Hercule !

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Ouestafnews- Cinq ans après avoir lancé sa « traque » aux biens mal acquis, contre les dignitaires de l’ancien régime d’Abdoulaye Wade, le Sénégal n’a recouvert qu’une infime partie de ces biens. Le dernier chiffre sur le sujet, révélé par le ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, remonte à 2016. Cité par Africa Check à l’époque, il avance le chiffre de 50 milliards FCFA.

Lire ici le dossier complet 

Les faibles résultats expliquent-ils le silence et la discrétion des autorités sur le sujet ? Toutes les tentatives d’Ouestafnews pour vérifier l’évolution du montant sont restées vaines. Le procureur spécial près de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Abdoulaye Diagne, nous a indiqué, par le biais de son secrétariat, qu’il ne reçoit pas de journaliste. Au niveau de l’Agence judiciaire de l’Etat, notre demande par courrier de complément d’informations est restée sans réponse jusqu’au moment de la mise en ligne de cet article.

Toutefois, le 4 mars 2016 à Paris, l’Agent judiciaire de l’Etat, Antoine Félix Diome, a révélé en conférence de presse, que «l’Etat a commencé à recouvrer ses biens «spoliés» par Karim Wade. Seneplus.com qui reprend ses propos indique que l’ancien substitut du procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), nommé agent judiciaire de l’Etat le 17 juin 2015 «a fait savoir que près de 18 milliards F CFA ont été restitués à l’Etat».

Cependant,  «plus de 7 milliards sont bloqués dans des comptes appartenant à l’ex-ministre d’Etat » dont «les biens immobiliers sont en voie d’être saisis», précisait alors M. Diome. Les 50 milliards FCFA révélés par Me Sidiki Kaba ne représentent qu’un peu plus du tiers du seul montant de 138 milliards que doit Karim Wade à l’Etat après condamnation par la justice.

Le montant recouvré devient encore plus insignifiant, comparé aux centaines de milliards FCFA,  que représentent les montants cumulés des nombreux cas de détournements, de malversations ou de mauvaise gestion cités dans les rapports de l’Inspection générale d’Etat (IGE) entre 2012 et 2015 ainsi que l’unique rapport de l’Ofnac publié en 2016, tous exploités par Ouestafnews dans  le cadre de ce travail.

«Les personnes qui détournent des fonds et qui les blanchissent dans les centres financiers à l’étranger sont assistées d’intermédiaires financiers compétents et qui mettent tout en œuvre pour rendre le traçage des fonds le plus difficile possible », avait averti Yves Aeschlimann, un des experts de l’Initiative « Stolen asset recovery initiative » (Star)  de la Banque mondiale et de l’Onudc (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime) lors d’un séminaire de formation à Dakar en 2012.

Difficile de rapatrier les fonds

Depuis juillet 2012, les autorités sénégalaises ont annoncé avoir démarré une collaboration avec l’initiative Star. Les experts avaient alors conseillé aux autorités judiciaires sénégalaises «de mettre en place un pôle financier et de former des magistrats et des enquêteurs dédiés au recouvrement des sommes détournées », selon des informations relayées par les médias.Difficile de dire la suite donnée à ces conseils, vu le silence des responsables de la Crei et de l’Agence judiciaire de l’Etat sur la question.

Une source proche du dossier a indiqué à Ouestafnews  que les problèmes auxquels le Sénégal est confronté tiennent de la lenteur des procédures, dans le cadre de la coopération judiciaire avec les pays tiers pour rapatrier les fonds cachés.
«Les fonds planqués dans les banques à l’extérieur ne sont pas faciles à recouvrer. Les procédures sont longues car le Sénégal ne peut rien imposer à ses partenaires qui évoluent selon le rythme de leur justice. Et là, on ne peut que faire avec », explique la même source avant de préciser que localement, le recouvrement ne pose pas de problème majeur.

Le statut d’ancien chef d’Etat, un facteur bloquant

Par ailleurs, l’analyse des rapports de l’IGE entre 2012 et 2015  et la suite qui a été donnée à ses recommandations permettent de constater les difficultés à recouvrer certains fonds mis en cause dans les audits. Pire, ces fonds ne font même pas l’objet d’ouverture d’une information judiciaire.

A titre d’exemple, aucune suite n’est donnée aux cas dans lesquels l’ancien président Abdoulaye Wade est cité comme instigateur des faits.  Ainsi, de la page 58 à 62, le rapport 2013 de l’IGE mentionne que l’ancien chef d’Etat était l’instigateur d’une manœuvre frauduleuse» dans un «achat fictif» de 40 véhicules de luxe lors du sommet de l’Organisation de la conférence islamique en 2008.

Une transaction « fictive » qui a coûté au trésor public 3 milliards 700 millions FCFA versés à un ministre de la République pour le compte d’une « société A » (appellation contenue dans le rapport) dont il est le propriétaire et qui aurait préfinancé l’achat des dits véhicules.

Dans la même transaction, l’IGE révèle que le Directeur général d’une autre entreprise, cette fois-ci nommée  « société B » dans le rapport a encaissé sur ordre du président Wade 457 millions 280 mille FCFA auprès du Trésor public. Ceci, en se prévalant de la qualité de fournisseur qui aurait gagné le marché de ces mêmes véhicules.
Le statut d’ancien chef d’Etat de Me Wade semble avoir couvert son ministre et le directeur de la « société B » qui n’ont jamais été inquiétés pour que l’argent mis en cause soit recouvré.

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