Par Docteur Ismaila Sangharé (*)
Les différentes crises pétrolières qui ont jalonné l’histoire économique ont présenté le monde comme un stock «fin d’énergies» et qu’à force d’y puiser, on finira par le vider. Le pétrole, en particulier, va donc finir un jour et le monde en sera pénalisé. La vérité est que la science économique présente le monde comme un catalogue fourni d’énergies, même si ces énergies ne se valent pas à cause de leur différence de densité et de renouvellement. En particulier, le pétrole qui peut se prévaloir d’ « énergie-roi » peut être concurrencé, sous certaines conditions, dans certains de ses usages par d’autres énergies telle que le charbon, le gaz naturel, la biomasse…..Ces conditions se rapportent aux prix du pétrole, qui, lorsqu’il est très élevé, rend ainsi cette substitution possible.
Comment évolue le prix du pétrole à long terme ?
Le prix du pétrole se situe dans une perspective croissante dans le long terme qui garantit la rentabilité des autres énergies pour la pérennisation de la croissance mondiale, conformément à la théorie de Holtelling qui en 1931 ouvrit l’étude de cette catégorie de bien dans un article intitulé « The economics of exhaustible resources » publié dans the journal of political economy.
Pour que le charbon, le gaz naturel ou autre biomasse puissent se substituer au pétrole, il faut un surcroît d’investissements qui pousse le prix du pétrole à augmenter sans cesse dans le temps. Le prix du pétrole est donc croissant dans le long terme ; et ce trend, c’est-à-dire cette tendance à l’augmentation rentabilise même les champs pétroliers jadis en déclin qui retrouvent une nouvelle jeunesse. Le pétrole ne s’épuise pas facilement. Par exemple au Congo comme ailleurs, la croissance du prix du pétrole empêche le pétrole de « finir » trop rapidement ou de manière précipitée. Un puits pétrolier qui se trouve fermé, n’est pas géologiquement vidé de son contenu, de ses accumulations puisque le taux de récupération appliqué à un puits pétrolier oscille 5 à 30%, laissant une quantité de près de 70% sous terre après « épuisement ». Ces puits qui sont fermés pour des raisons de rentabilité peuvent encore produire, en cas d’amélioration de cette rentabilité, dans l’hypothèse d’une augmentation des prix.
Comment évolue le prix du pétrole à court terme ?
La question posée est fondamentale puisqu’elle se présente comme une question sans cesse d’actualité. A court terme, le pétrole est un champ de spéculation et d’instabilité. Il sort du champ de la stabilité et de la fixité. Il est ainsi fréquent que les pays qui le produisent et le commercialisent, s’exposent à des variations brusques et spontanées de ses cours. Son marché physique, matérialisé par l’équation offre/demande, ne comptant que pour moins de 10% des transactions. Le reste du commerce et des échanges sur le pétrole relève de l’irréel et de la spéculation boursière et sort ainsi son prix du cadre de l’offre et la demande. Ce prix reste sujet à des oscillations de plus ou moins grandes amplitudes, dans le court terme avec quelquefois des amplitudes de plus de 2 à 3 ans. Le prix du pétrole croit dans le temps en se rapprochant du coût de l’énergie de substitution, mais à court terme, il subit les variations à la hausse et à la baisse de manière quasi sinusoïdale.
Dans un tel contexte comment les pays qui financent leurs programmes d’investissements par les recettes issues de l’exploitation de cette matière doivent-ils minimiser l’impact de ces « sauts » des cours ? Il faut d’abord retenir qu’aucun pays producteur ne peut échapper à cette instabilité tant elle est inscrite dans l’essence voire la quintessence de cette ressource. Le pétrole est instable et fluctuant en raison de la forte demande qui se porte sur lui et du caractère aléatoire de son offre.
A ces facteurs, il faut surtout ajouter la psychose et la spéculation qui font du prix du pétrole une variable plus virtuelle que réelle. A court terme, le prix du pétrole ne reflète pas la vérité du marché. On s’en réjouit quand le contexte est haussier mais il ne demeure jamais à long terme. Ainsi fatalement, à une période haussière succède souvent une période baissière aux effets « douloureux » des suites de la mise en œuvre par les Etats des politiques de « Stop and Go » où alternent les phases de croissance et de décroissance de l’économie.
La nécessité apparaît ainsi d’en amoindrir la douleur et garantir aux Etats la continuité de leurs efforts d’investissements. Il faut souligner à cet égard que les pays producteurs comme les Etats- Unis, la Grande Bretagne ou l’Allemagne (grands producteurs de charbon) ne sont jamais définis comme « pays pétroliers » et leurs budgets ne subissent pas ou presque pas les contrecoups des baisses des cours. C’est la voie à suivre pour les autres Etats qui, en suivant les enseignements de la théorie des ressources non renouvelables développée par Hotelling, doivent investir en priorité dans l’après-pétrole, en faisant que « les ressources pétrolières aident les recettes non pétrolières a les dépasser dans les budgets des Etats ». Les recettes non pétrolières envisagées ici sont celle de l’économie réelle. Telle est donc la loi fondamentale : préparer l’après- pétrole et investir en priorité dans l’économie réelle, dans l’économie durable.
(*) Docteur Ismaila SANGHARE est un économiste, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar-Sénégal), il est spécialisé en Politique économique et développement
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