Relations Afrique – UE : les APE toujours en panne, relations commerciales en baisse et confiance « au plus bas »

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Relations Afrique – UE : les APE toujours en panne, relations commerciales en baisse et confiance « au plus bas »
Les négociations sur les APE (lancées depuis 2003 pour la région Afrique de l’Ouest) visent à établir un régime commercial de « libre-échange » entre les pays d’Europe et les Etats ACP (Afrique-Caraïbes- Pacifique).

« On ne peut pas s’engager dans un accord aussi complexe que les APE et en tirer profit », a affirmé lors d’une conférence tenue à la mi-décembre 2010, Cheikh Tidiane Dièye de l’ONG Enda-Tiers Monde. Comme plusieurs autres acteurs de la société civile africaine, cette ONG basée à Dakar s’oppose à la signature des APE dans leur forme actuelle, estimant qu’ils constituent un frein à l’intégration et à l’industrialisation des pays africains.

Cette opposition a fait retarder les échéances et poussé l’Union européenne à conduire des négociations « bilatérales » avec certains pays comme la Côte d’Ivoire et le Ghana en Afrique de l’Ouest, les obligeant à signer des accords dits « intérimaires ».

« On sait que la Commission de l’Union européenne est en train de faire des pieds et des mains pour pousser la Côte d’Ivoire à démarrer sa libéralisation », a expliqué M. Dièye, par ailleurs membre du comité de négociation sur les APE entre l’Afrique de l’ouest et l’Union européenne. Toutefois, en dépit de la signature de l’accord intérimaire par la Côte d’Ivoire, ce dernier pays frappé par une crise politique qui vient de s’aggraver à la suite d’une élection présidentielle aux résultats contestés, n’est toujours pas entré dans la phase de mise en œuvre.

Mais, avertit l’expert, une éventuelle exécution des APE intérimaires signés par la Cote d’ivoire et le Ghana risque d’être préjudiciable à l’intégration régionale au niveau de l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao, 15 pays).

« Tous les chefs d’Etats, les hauts fonctionnaires et les négociateurs de l’Afrique de l’ouest ont dit à l’Union européenne de renoncer à imposer à la Côte d’Ivoire l’ouverture de son marché parce que cela créerait beaucoup de difficulté à l’intégration régionale, le Ghana est aussi dans cette situation… », a-t-il notamment affirmé

Pour l’économiste sénégalais Chérif Salif Sy, les APE ne peuvent pas marcher parce qu’étant régie par le libre-échange, or « la démonstration est suffisamment faite que le libre-échange qui se fonde sur des avantages comparatifs est antinomique avec la coopération ».

Au delà des négociations sur les APE, experts et décideurs sont unanimes à reconnaître « l’échec » des relations entre l’Europe et l’Afrique. Cet échec est notamment caractérisé par la chute continue du volume des échanges commerciaux entre les deux continents alors que ceux avec les pays émergeants ne cessent de croître.

« En 35 ans le commerce entre l’Afrique de l’ouest et l’Europe est passé de 75 % à 32 % (du total de leurs) importations comme exportations, cette décroissance s’est faite plus ou moins dans les mêmes proportions dans les autres régions africaines », indique Enda-Tiers Monde dans un de ses documents. Cette situation résulte principalement de l’essor des échanges sino-africains qui, selon la même source, sont passées de « 55 milliards de dollars en 2006 à 106 milliards de dollars en 2009 ».

D’ailleurs s’interrogent les auteurs du document, « pourquoi rentrer dans un accord de libre –échange avec un partenaire dont les parts ne cessent de baisser, quant on sait que celui –ci se ferait au bénéfice de partenaires qui sont en constante évolution ?».

Ce constat unanime de l’échec dans les relations entre l’Europe et l’Afrique est aussi partagé par quelques experts européens, notamment au niveau du Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM, selon son sigle en anglais).

« L’Union européenne souffre toujours d’un déficit énorme de crédibilité aux yeux des pays ACP et en Europe même beaucoup ont perdu foi en un partenariat futur entre les deux entités », écrit le Centre basé à Bruxelles dans une note faisant la synthèse d’un rapport produit en décembre 2010.

Selon les analystes de l’ECDPM, «un changement subtil » s’est produit sur le continent africain et « l’Europe n’est plus perçue comme le partenaire extérieur le plus important ».

« Les difficiles négociations sur les APE ont créé une ligne de fracture, même si le but est de renforcer les relations économiques entre ces pays et l’Union européenne, c’est plutôt l’effet inverse qu’on observe actuellement », affirment les auteurs du rapport.

Le leader libyen Mouammar El Khadhafi ne disait pas moins lorsqu’il déclarait à l’occasion du dernier sommet Afrique-Union européenne tenu à Tripoli en novembre 2010 que « le partenariat économique entre l’Europe et l’Afrique est un échec ».

Un avis que partage l’ONG Enda –Tiers monde lorsqu’elle suggère qu’il est temps d’admettre que « les relations économiques entre l’Europe et l’Afrique, sous leur formes traditionnelles et postcoloniales ont atteint toutes leurs limites ».

Même si l’on reconnait aujourd’hui l’échec des accords commerciaux de Cotonou (signés en juin 2000), leur substitution par les APE tels que proposés par l’Europe n’est pas « acceptable », avait indiqué le président sénégalais Abdoulaye Wade en 2007, à la veille du premier délai retenu pour leur signature.

De l’avis des analystes, les APE ont permis aux pays ACP, notamment ceux d’Afrique (et pour la première fois depuis les indépendances )de dire « non » à des accords soumis par les anciennes puissances coloniales.

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