Ouestafnews – La liberté d’opinion et d’expression est un droit reconnu au Togo. Elle est garantie par la Constitution et protégée par d’autres lois, ainsi que les textes internationaux que le gouvernement a ratifiés, comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Mais, les affaires judiciaires récurrentes dans lesquelles sont cités des citoyens, des acteurs de la société civile ou encore des professionnels des médias, pour leurs interventions sur les réseaux sociaux, relancent la question de la liberté d’expression sur Internet et de sa régulation.
La constitution togolaise dispose, en son article 25, que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression. L’exercice de ces droits et libertés se fait dans le respect des libertés d’autrui, de l’ordre public et des normes établies par la loi et les règlements ».
Aujourd’hui, cette liberté trouve son terrain de prédilection sur les réseaux sociaux qui constituent un véritable espace où les citoyens s’informent et s’expriment. Que ce soit Facebook, Twitter, Instagramm, Youtube, Tik-Tok, etc., les réseaux sociaux sont devenus pour nombre de gens, de grands espaces de discussions, qui offrent la possibilité à des millions de personnes d’être interconnectées et de dialoguer, indépendamment de leur situation géographique.
Avec ces plateformes, chacun peut prendre la parole, derrière son ordinateur ou son smartphone, sans passer ni par un intermédiaire, ni un média. Avec une efficacité redoutable, on y diffuse les indignations de toutes sortes. Chacun peut y donner ses opinions, y évoquer ou dévoiler sa vie, ses souffrances, ses drames et émotions.
Dopé Digo, étudiant à l’Université de Lomé, affirme que les réseaux sociaux constituent sa seule source de distraction : « si je m’ennuie, il suffit de prendre mon téléphone. Je discute avec mes amis. Je regarde mes fils d’actualité surtout sur Instagram et Facebook et je laisse des commentaires. Je poste également de temps en temps des photos, des informations utiles, mes coups de gueule etc. Bref je fais beaucoup de choses sur les réseaux sociaux ».
À l’échelle mondiale, des statistiques sur l’usage d’Internet publiées par « We Are Social » et « Hootsuite » dévoilent que 4,95 milliards utilisateurs de réseaux sociaux sont comptabilisés en janvier 2022. Le Togo n’est pas en reste, et les Togolais ne se privent pas de saisir l’opportunité.
Reste la question complexe de l’encadrement de la liberté d’expression sur ces réseaux sociaux. Au Togo, l’actuel Code pénal prévoit des dispositions en cas de dérives.
Emprisonnement et amendes
L’article 497 du nouveau Code pénal indique que « la publication, la diffusion ou la reproduction par quelque moyen que ce soit de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle trouble la paix publique ou est susceptible de la troubler, est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 500.000 à 2 millions de FCFA (750 à 3 000 euros) ou de l’une de ces deux peines ».
Ces nouvelles dispositions, les citoyens en font régulièrement les frais. M. Missiagbeto, homme politique, accusé de publication de fausses nouvelles pour avoir relayé des informations circulant de façon virale sur les réseaux sociaux a été arrêté à son domicile le 17 mai 2021 par les éléments de la police et dans la foulée a été condamné à 48 mois d’emprisonnement dont 24 assortis de sursis.
Il y a également eu le cas de l’activiste politique Fovi Katakou déposé le 14 décembre 2021 à la prison civile de Lomé et libéré six jours plus tard sur décision du procureur de la République. Le Togolais en situation de handicap a été poursuivi notamment pour « apologie de crime, délits, incitation à la révolte contre l’autorité de l’État pour ses postes sur les réseaux sociaux ».
Au Togo, les artistes, web-activistes ou encore les « blogueurs » font, comme c’est la tendance partout ailleurs, des directs sur Facebook ou d’autres réseaux sociaux et y sont suivis par des milliers de personnes. Les propos tenus via ces réseaux sont souvent au centre des controverses qui conduisent les protagonistes devant les tribunaux.
Un togolais vivant en France, ayant comme pseudo « Aristo le Bledard », connu pour ses directs spectaculaires et comiques, populaire sur Facebook, a des problèmes avec la justice sur plainte d’une de ses compatriotes pour des propos tenus par l’artiste sur les réseaux et jugés diffamatoires par sa compatriote
On se rappelle également de l’arrestation en 2021 de l’artiste du nom de Papson Moutite qui a déclaré publiquement et en direct sur les réseaux sociaux que le footballeur international togolais Emmanuel Adebayor a truqué les compteurs de la Compagnie énergie électrique du Togo (CEET).
Les journalistes ne sont pas en reste. Même si le Code de la presse du Togo ne prévoit plus de peine privative de liberté depuis 2004, mais les journalistes qui s’expriment sur les réseaux sociaux ne sont pas couverts par cette disposition. Lorsque les faits se déroulent sur les réseaux sociaux, le législateur applique le droit pénal.
Pour les défenseurs de la liberté d’expression, il est exagéré d’arrêter et d’emprisonner des gens qui s’expriment sur les réseaux sociaux. Certains de ses militants soutiennent que l’État en profite pour arrêter les hommes politiques et journalistes jugés « dérangeants ».
Ce point de vue ne fait pas l’unanimité. D’autres estiment qu’il est important de connaître les limites de la liberté d’expression sur le web. Selon eux l’Internet ne doit pas être un monde de non droit où on s’attaque en toute liberté aux honnêtes citoyens sans pouvoir être inquiétés.
Même chez les activistes du web, tous ne sont pas pour une liberté et une impunité absolue dans ces espaces.
« Le fait d’être sur Internet renforce une sorte de sentiment d’impunité dû à l’anonymat » indique Serges Yana, web-activiste qui explique que « ces abus peuvent prendre des formes multiples telles que le non-respect des droits d’auteur, le cyber harcèlement, l’atteinte aux mineurs, l’incitation à la haine ou la mise en danger d’autrui par le partage de données personnelles ».
« Et, même si ces actions sont commises en ligne, elles peuvent avoir des conséquences bien réelles. Il faut dont absolument punir les auteurs pour décourager d’autres personnes à ne pas faire la même chose », poursuit le web-activiste.
Il préconise que les promoteurs de ces réseaux sociaux exercent un contrôle et une censure beaucoup plus accrue face à des dérives et contenus potentiellement dangereux. Selon lui, ils doivent promouvoir, maintenir et encadrer la liberté d’expression sur leurs plateformes et définir au sein de leur communauté des standards par lesquels ils tentent d’offrir un espace de liberté d’expression, tout en écartant les éventuels abus liés à l’utilisation de leurs services.
DA/ fd/ts
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