Rideau sur le Fesman : grogne, critiques et polémiques prennent le relais de la fête

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Rideau sur le Fesman : grogne, critiques et polémiques prennent le relais de la fête
Au delà des grands concerts de musique et des affiches culturelles, parfois alléchantes, il est vrai, l’évènement aura été surtout marqué, de bout en bout, par la polémique, les critiques, le flou et les questions sur le financement ainsi que les multiples couacs dans l’organisation, qui continuent d’ailleurs, a pu constater la rédaction d’Ouestafnews.

Sur les 16 disciplines au programme pendant près de trois semaines, la musique a tenu le haut de l’affiche, les organisateurs s’étant efforcés de faire venir des célébrités pour une série de concerts « gratuits » qui ont vu le public savourer divers styles de musique, des plus traditionnels au plus modernes, des musiques africaines pures à celles de la diaspora.

Conférences, expositions, cafés littéraires, défilés de mode, etc., ont complété ce tableau largement perturbé toutefois par la grogne de certains artistes et leaders d’opinions locaux, ainsi que par les nombreux dysfonctionnements organisationnels, le tout ajouté à une désaffection de la grande majorité des Sénégalais, plus préoccupés par des problèmes de survie quotidienne ou ayant juste décidé de « bouder » pour manifester leur opposition à la manière dont était géré ce festival.

« Les Africains ont leur culture et ce festival a démontré cela à travers différentes prestations des artistes de renommée internationale », a ainsi affirmé le chanteur congolais Papa Wemba cité dans la presse sénégalaise.

Une telle initiative mérite d’être fortement soutenue, a de son côté plaidé Toumani Diabaté, le virtuose malien de la kora (dont le père Sidiki était déjà présent lors de la seconde édition tenue au Nigeria en 1977) qui estime que « l’Afrique est devenue le sel et l’arôme des festivals organisés un peu partout à travers le monde… ».

La star béninoise Angélique Kidjo renchérit en soulignant que le Fesman est « indispensable pour la jeunesse africaine qui a besoin de se sentir digne de sa culture ».

Mais là où les artistes invités saluent sans retenue l’initiative, leurs « hôtes » sénégalais étaient moins enthousiastes et nombreux à manifester leur mécontentement.

Selon les détracteurs du Festival, le concert de « satisfecit » décernés par les invités trouvent leur justification dans les gros cachets perçus « sur le dos du contribuable sénégalais ». D’ailleurs, le leader de la musique sénégalaise Youssou Ndour, aura marqué l’actualité du Festival hors des scènes par les rebondissements dans ses négociations financières avec les organisateurs, étalées à longueur de colonnes dans la presse locale.

Avant même la fin définitive de l’évènement, son financement a suscité une première valse de polémique lorsque le journal « Le Quotidien » (privé) a lancé dans son édition du samedi 18 décembre : « plus de 48 milliards de FCFA pour les folies de Sindièly Wade », du nom de la fille du président Abdoulaye Wade, adjointe au Délégué général du Fesman, et dont la présence dans l’organigramme de l’évènement a été d’ailleurs fortement décriée par plusieurs acteurs culturels de renom.

Venant à la rescousse de sa fille, le président sénégalais a tenté de clarifier la situation financière en expliquant, selon le quotidien pro-gouvernemental « Le Soleil », que le Sénégal n’a dépensé « que 5 milliards FCFA ».

L’annonce de ce montant ne fera qu’ajouter à la confusion, le Délégué général du Fesman, Abdoul Aziz Sow, ayant, selon « Le Quotidien » avancé le chiffre de 18 milliards FCFA au titre de la participation de l’Etat sénégalais.

Pour le commun des Sénégalais, ces chiffres faramineux restent difficiles à vérifier, mais la polémique « démontre encore une fois que les autorités ont manifestement un problème avec la transparence financière, et c’est très grave », confiait à Ouestafnews Ousmane Sarr, un jeune étudiant de l’Université Cheikh Anta Diop.

L’opposition politique s’est également faite entendre à plusieurs reprises pour contester l’opportunité du Festival et se dresser contre l’utilisation de « fonds publics » dans son organisation. Cette fronde a culminé le 29 décembre 2010 par une marche – interdite, puis dispersée par la police – contre le Fesman et « les gaspillages de la famille Wade », organisée à l’appel de la coalition Benno Siggil Senegal (Unis pour relever le Sénégal), qui regroupe les principaux partis de l’opposition.

Cité dans la presse locale, l’historien Abdoulaye Bathily, une des figures de proue de cette coalition, a ainsi fermement averti que son parti, la Ligue démocratique/Mouvement pour le Parti du travail « veillera à ce que chaque franc du contribuable sénégalais frauduleusement soustrait du Trésor public, détourné ou dilapidé dans le cadre notamment de projets de prestige comme (…) le Fesman soit restitué à la Nation et que les auteurs de telles forfaitures soient attraits devant les tribunaux conformément aux lois du pays».

Il est vrai qu’au moment où, sous les jeux de lumière et devant les écrans géants, festoyaient les festivaliers, les foyers et les entreprises sénégalaises sur l’ensemble du territoire, subissaient encore des délestages prolongés qui ont finalement suscité la révolte des populations de Guédiawaye (banlieue, dakaroise) où des heurts violents ont opposé les forces de l’ordre et les jeunes de la localité durant les derniers jours du festival.

« Le Fesman est certes important en tant qu’il célèbre la culture africaine, mais il faut reconnaître que le contexte dans lequel évoluent les Sénégalais est très difficile et ceux qui donnent comme prétexte la cherté de la vie (pour s’y opposer) n’ont pas tort », affirme Adama Mbodj, un jeune informaticien, rencontré à Golf-sud, un quartier de la banlieue dakaroise.

Hormis ces polémiques sur l’opportunité et la pertinence du Festival, son organisation aura aussi connu plusieurs impairs, dont les annulations et reports répétés d’évènements au programme, le non respect des heures fixées pour les spectacles, les conditions d’hébergement décriées par certains participants ou encore l’absence remarquée de plusieurs personnalités annoncées, comme par exemple, les deux Nigérians Wole Soyinka et Chinua Achebe.

Ouvert le 10 décembre dernier lors d’une cérémonie grandiose, le Fesman a connu quatre années de retard, plusieurs reports, de nombreux cafouillages et de petites mésaventures.

La cérémonie d’ouverture a vu se produire de grands musiciens dont le Camerounais Manu Dibango, la Béninoise Angélique Kidjo, les Sénégalais Youssou Ndour, Ismaël Lo, et Baba Maal lors d’un grandiose spectacle « sons et lumières », préparé par deux artistes, le chorégraphe ivoirien Georges Momboye et le directeur artistique du festival, Kwame Kwei-Armah, Britannique d’origine ghanéenne.

Le Fesman, sigle du Festival, largement utilisé par la presse tout au long de l’évènement ne pouvait être utilisé par les autorités sénégalaise sur aucun des supports officiels, un vieux retraité français se disant « ami » du président sénégalais, leur ayant « interdit » l’usage de ce sigle.

Ce Français, Jean-Pierre Pierre Bloch, avait été pressenti comme coproducteur dans l’organisation de l’évènement avant d’en être dessaisi suite à un contentieux avec les autorités sénégalaises.

Cette troisième édition du festival mondial des arts nègres vient après celle de 1966 organisée au Sénégal par son défunt premier président, Léopold Sédar Senghor -restée dans les mémoires comme un grand moment de l’histoire du Sénégal – et celle de 1977 abritée par le Nigeria.

En raison de sa forte diaspora noire, le Brésil a été désigné par les autorités sénégalaises comme « invité d’honneur » de cette troisième édition, mais les organisateurs qui comptaient sur une présence effective du président Brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, ont dû déchanter.

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