Ouestafnews – « L’Afrique est notre voisin le plus proche ». Ainsi parle la chancelière allemande Angela Merkel dans un discours à la clôture du sommet du G20, tenu à Hambourg (Allemagne) du 07 au 08 juillet 2017. Une métaphore qui traduit la nouvelle démarche de l’Allemagne, désireuse également d’avoir son rôle à jouer dans un continent désormais objet de toutes les convoitises.
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Présent à cette rencontre, le chef de l’Etat guinéen, Alpha Condé, par ailleurs président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat de l’Union africaine (U.A), a salué la démarche de la chancelière, qualifiant notamment le « G20 Compact With Africa » (CWA), initié par Mme Merkel de « tournant ».
Ce CWA, c’est l’initiative lancée par l’Allemagne à l’occasion de sa présidence du G20 pour démontrer son intérêt pour l’Afrique.But du CWA : « intensifier la coopération avec l’Afrique », selon le ministre allemand des Finances Wolfgang Schauble.
Avant même le sommet du G20, le gouvernement fédéral allemand a multiplié les rencontres avec les dirigeants africains. A titre d’exemple, la tenue d’un mini-sommet sur le thème «Partenariat africain G20 : investir dans un avenir commun ».
« Compact du 20 » ou « Plan Merkel » pour l’Afrique ?
Cette rencontre organisée les 12 et 13 juin 2017 à Berlin, avait réuni les chefs d’État de neuf pays africains (Côte d’Ivoire, Egypte, Ghana, Guinée, Mali, Niger, Rwanda, Sénégal, Tunisie), ainsi que des investisseurs et des représentants d’institutions financières internationales.
Lors de cette rencontre, l’idée d’un plan « Merkel pour l’Afrique » a aussi été lancée, sans qu’on en définisse les contours et sans être sûr qu’il s’agit d’une autre appellation du CWA que veut promouvoir l’Allemagne auprès de ses partenaires du G20. La formule prêtée au président ivoirien Alassane Ouattara qui participait à la rencontre a en tout cas fat mouche même si elle reste à ce jour sans véritable contenu.
En mars 2017, s’est aussi tenue une rencontre inédite : le premier forum économique Afrique-Allemagne qui a vu la participation de 18 pays africains. De l’avis de beaucoup d’observateurs il s’agissait-là d’un pas de plus dans les relations entre l’Afrique et l’Allemagne, géant européen dont les exportations vers l’Afrique ne dépasse guère les 3%.
Jusqu’ici, la politique africaine de l’Allemagne a tourné autour de deux points : l’aide au développement et la lutte contre la corruption.
Quant aux relations diplomatiques et commerciales, elles sont certes établies avec la plupart des pays africains mais les échanges se faisaient majoritairement, et pendant longtemps, avec une petite poignée de pays représentant les économies les plus fortes du continent, Algérie, Libye, Nigeria et Afrique du Sud.
L’immigration en filigrane
Le Compact With Africa, quant à lui mise particulièrement sur la promotion des investissements privés sur le continent afin de susciter une croissance économique forte et durable. A terme il est escompté un climat économique plus favorable et à même de fournir de l’emploi à la jeunesse africaine.
Pour la chancelière allemande, citée par Euronews, « s’il y a trop de désespoir en Afrique, alors évidemment des jeunes vont se dire qu’ils vont aller chercher une nouvelle vie ailleurs. Mais si nous travaillons ensemble pour aider vos pays, nous créerons plus de sécurité pour nous même et pourrons mettre un terme au trafic illégal d‘êtres humains ».
Pour nombre d’observateurs africains, seule cette présence en filigrane de la question de l’immigration justifie l’initiative de la chancelière. Prévenir la migration africaine vers l’Allemagne, à un moment où ce pays fait l’objet de vives critiques de la part de ses voisins européens en matière d’immigration.
Pour le politologue sénégalais, Sileymane Sokome, basé en Allemagne, l’initiative Allemande est à encourager mais il s’empresse d’ajouter qu’elle n’est pas synonyme de développement pour l’Afrique.
« Il faut souligner que l’émergence ou le développement de l’Afrique dépend des Africains et non du plan Merkel ou d’autres bailleurs », a soutenu M. Sokome dans un entretien accordé à Ouestafnews.
De son côté l’analyste politique kenyan, Jacob Kayenya, se montre plus radical en prédisant un « échec cuisant ».
« L’Afrique du 21ème siècle nécessite des approches sérieuses et multiples pour résoudre les problèmes qui la tourmentent (…) Vous ne pouvez pas tout simplement décider qu’une solution règlera tous les problèmes auxquels font face les 54 pays africains. Chaque problème nécessite un plan adapté », a-t-il estimé selon des propos rapportés par le site Euroactive.
Contactée par Ouestafnews, l’Ambassade de la république fédérale d’Allemagne à Dakar, souligne qu’il s’agit d’une démarche commune et d’une approche partenariale. « Plusieurs pays africains dont le Sénégal, ont déjà conclu un compact adapté à leur besoins », a précisé l’ambassade par courriel.
Ce qui est déterminant, selon la représentation diplomatique allemande au Sénégal, c’est que la mise en œuvre du compact s’oriente vers les besoins du pays concerné.
« Ces priorités nationales sont dans une première étape à négocier avec des organisations internationales. Par la suite suivront des contacts avec des partenaires privés potentiels et des investisseurs », explique l’ambassade.
Une présence militaire aussi
En dehors du domaine économique, l’Allemagne s’implique aussi désormais dans les crises en Afrique notamment au Mali. En 2014, la première puissance européenne a envoyé plus de 70 conseillers militaires au Mali dans le cadre de la participation à la brigade franco-allemande à l’EUTM Mali (European Union Training Mission in Mali, la mission de formation de l’Union européenne au Mali).
Selon la chaîne France 24, cet effectif est allé crescendo, au point que l’Allemagne est devenue l’une des nations phares de la Mission des Nations Unies au Mali (Minusma)
Au mois d’octobre 2016, Angela Merkel avait effectué mini-tournée africaine de trois jours. La chancelière allemande s’est ainsi rendue au Mali – une première pour le pays qui n’avait jamais reçu la visite d’un chef de gouvernement allemand- avant de poursuivre sa visite au Niger.
L’objectif premier de ces visites, selon la chancelière, était de répondre aux défis de l’immigration et du terrorisme, devenus la priorité numéro un du pays. Hormis ces deux pays en proie au terrorisme et qui constituent également le point de passages de beaucoup de migrants, d’autres pays de la sous-région voient leur relation avec l’Allemagne opérer un nouveau tournant.
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