Ouestaf News : les sages-femmes au Sénégal sont-elles en nombre suffisant pour couvrir les besoins des populations en matière de santé ?
Marième Fall : en 2000, il y a eu une feuille de route sénégalaise qui recommandait le recrutement de 250 sages-femmes par an. De 2001 à maintenant, cela fait 14 ans durant lesquels il fallait recruter 3.500 sages-femmes. En 2006, 100 sages-femmes ont été recrutées. Cent autres ont été recrutées en 2010, autant en 2011 et en 2012. L’année dernière, 500 sages-femmes ont été recrutées. C’est (Au total) 900 sages-femmes qui ont été recrutées de 2001 à ce jour. Cette année, le gouvernement annonce qu’il va encore recruter 500 sages-femmes.
Ouestaf News : le Sénégal peut-il former 250 sages-femmes par an ?
Marième Fall : l’Etat s’était rendu compte qu’il ne pouvait pas former 250 sages-femmes par an. Il a alors libéralisé la formation, en autorisant l’ouverture d’écoles privées. Il a ensuite organisé un concours ouvrant l’accès au diplôme de sage-femme d’Etat. Sur quelque 900 candidates, seules 250 décrochaient le diplôme chaque année. Aujourd’hui, environ deux mille (2.000) sages-femmes d’Etat sont au chômage. Elles ne sont pas dans le système public. Ni dans le privé. Certaines d’entre elles sont recrutées par des comités de santé. D’autres font du bénévolat dans le système de santé communautaire.
Ouestaf News : combien de sages-femmes sont-elles employées par l’Etat du Sénégal ?
Marième Fall : environ 2.331 sages-femmes sont actuellement dans le système public de santé.
Ouestaf News : quel est le ratio entre le nombre de sages-femmes du pays et la population sénégalaise ?
Marième Fall : Pour l’Organisation mondiale de la santé, il faut six sages-femmes pour mille accouchements. Ici, au Sénégal, nous en sommes à moins de deux pour mille accouchements. Ce ratio est relatif et n’est valable que pour les villes. Celui des zones rurales est plus faible.
Ouestaf News : il semble que certaines parmi vous ne veulent pas servir dans des zones dites « éloignées ».
Marième Fall : les professionnels de la santé doivent être partout au Sénégal, pour qu’on n’ait pas un système de santé « à double vitesse ». Certains agents de santé sont peu enthousiastes pour travailler en milieu rural. Chaque fois qu’on affecte des sages-femmes dans des zones d’accès difficile, certaines d’entre elles viennent demander une réaffectation. Cela me fait me dire qu’il y a des sages-femmes qui ne sont pas désireuses de travailler dans des zones d’accès difficile. Ce sont des femmes mariées pour la plupart, des femmes dont les maris sont souvent dans les villes.
Ouestaf News : ont-elles l’obligation de rester dans ces zones dites d’accès difficile ?
Marième Fall : par le passé, les sages-femmes signaient un engagement décennal, qui les mettait dans l’obligation de servir partout au Sénégal. Actuellement, avec la libéralisation de la formation et les réformes relatives à la pratique du métier de sage-femme, cet engagement n’existe plus. Donc rien n’oblige les sages-femmes à rester là où elles sont affectées. Par ailleurs, le système de santé doit faciliter leur mobilité. Ce n’est pas le cas, et c’est un défaut du système.
Ouestaf News : quelles sont les conséquences de cette situation que vous venez de décrire ?
Marième Fall : elle (…) affecte la santé maternelle et infantile dans les zones d’accès difficile. Elle augmente le taux de mortalité maternelle. Des études ont prouvé que l’accouchement assisté par un personnel qualifié et la planification familiale peuvent réduire la mortalité maternelle.