Last Updated on 29/05/2010 by Ouestafnews
La scène, qui montrait un président sénégalais visiblement agacé, a été retransmise par la Radio télévision sénégalaise (RTS, publique).
La colère du président sénégalais a pour origine une « lettre » publiée dans plusieurs organes de presse sénégalais le 28 mai 2010 dans laquelle l’ambassadeur invitait les autorités sénégalaises à lutter contre la corruption pour assurer « la prospérité » et la « stabilité » du pays.
« La corruption, voire même la perception de la corruption, ainsi que les politiques exécutées de façon inefficace, peuvent facilement ruiner les efforts de développement, détourner les fonds des services de santé, d’éducation et d’autres services vitaux de la communauté, portant préjudice à ceux qui en ont le plus besoin », pouvait-on lire dans la lettre à l’origine de la violente réaction du président sénégalais.
Ces mises au point étaient faites en perspective du financement américain en faveur du Sénégal par le biais du Millenium Challenge Corporation (MCC), qui prévoit d’octroyer au Sénégal quelque 540 millions de dollars (plus de 288,7 milliards au taux d’aujourd’hui) pour de grands projets d’infrastructures.
Mais, a tenu à préciser Mme Bernicat dans sont texte, « pour bénéficier du fonds MCC ou, plus important encore, pour conserver le fond alloué, les pays doivent montrer des résultats positifs de leur politique et s’engager dans la lutte contre la corruption ».
« Vous parlez toujours de corruption !», s’est emporté le président Abdoulaye Wade accusant à son tour les Etats-Unis d’être les seuls à ternir ainsi l’image de son pays alors que, selon lui, d’autre partenaires tels que l’Europe, la Chine, l’Arabie saoudite, etc., apportent plus de contributions au Sénégal sans jamais soulever la question de la corruption.
Les Etats Unis « donnent une image du Sénégal que je n’accepte pas », a poursuivi le président sénégalais, qui ne s’est pas gêné pour demander à la diplomate de notifier de manière « officielle » ses récriminations au gouvernement américain et demander à Washington de retirer son aide au titre du MCC, s’il le souhaite.
Ces tensions entre le Sénégal et les Etats-Unis interviennent quelques mois après la lettre d’un sénateur américain du nom d’Arlen Specter, adressée aux responsables du MCC.
Dans sa lettre le sénateur Specter demandait avec insistance aux autorités américaines en charge du MCC de s’assurer que les fonds alloués au Sénégal étaient bien utilisés.
Auparavant un journaliste américain du « Business Insider », avait lui aussi mis en cause de hautes autorités sénégalaises, les accusant de pratiques de corruption et allant même jusqu’à citer nommément le fils du chef de l’Etat, Karim Wade, et d’autres personnalités proches de la présidence sénégalaise.
Ces accusations du journaliste, vigoureusement rejetées par les principaux concernés, étaient liées au contentieux qui oppose depuis des années Millicom International Cellular (détentrice de la licence de téléphonie mobile Tigo) et l’Etat du Sénégal.
La société de téléphonie mobile accuse les Sénégalais cités dans l’affaire d’avoir voulu lui « soutirer » de l’argent pour « continuer à exercer ».
Du côté sénégalais, on accuse la compagnie d’avoir obtenu sa licence avec le régime précédent (Parti socialiste, au pouvoir avant 2000) à un coût dérisoire.
A cette affaire « Millicom » sont venus se greffer d’autres, plus récentes, souvent relatées par la presse locale sénégalaise et mettant en cause soit de hauts responsables gouvernementaux ou des hauts fonctionnaires, soit des proches de la présidence sénégalaise.
Au moment de la signature du contrat MCC en faveur du Sénégal en septembre 2009 à Washington, la Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, avait pourtant averti la délégation sénégalaise conduite à l’époque par le président Abdoulaye Wade en personne.
« Nous serons vos partenaires, pas uniquement pour aujourd’hui, mais pour des années à venir, pour vous encourager (..) à assurer la bonne gouvernance, à lutter contre la corruption, à rendre chaque aspect des politiques et des pratiques gouvernementales plus transparentes et plus responsables », avait lancé la patronne de la diplomatie américaine à l’endroit du président sénégalais et de sa délégation, selon une transcription de son discours obtenu par Ouestafnews.
Mais lors de sa sortie en face de l’ambassadeur américaine, le président Wade a plaidé « la séparation des pouvoirs » dans son pays, et affirmé avoir transmis tous les dossiers et cas de corruption portés à sa connaissance au ministère de la justice et que sa compétence s’en arrête-là.
Répondant aux propos du président sénégalais, l’ambassadeur Marcia Bernicat, s’efforçant à s’exprimer en français, a expliqué que son « intention n’était pas de porter des accusations », tout en réaffirmant qu’elle était en mission et que le contenu de sa lettre reflétait bien les préoccupations du gouvernement des Etats-Unis.
« Je sais ce qui se passe aux Etats-Unis », a répliqué sèchement le président Wade qui était entouré de ses principaux collaborateurs, selon les images montrés par la télévision sénégalaise.
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