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Sénégal : ces régions où l’on va à l’hôpital pour… mourir !

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Ouestafnews – Insuffisance d’agents de santé, sous-équipement, manque d’infrastructures sanitaires…Pour les régions « périphériques » du Sénégal, c’est une réalité quotidienne. Ici on va à l’hôpital pour y mourir, ou presque, comme le montre ce texte produit dans le cadre de notre série sur les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest, réalisée avec le soutien de la fondation Osiwa.

Les régions dont il s’agit sont généralement les plus éloignées de la capitale, Dakar. Premières victimes de cette situation d’inégalité que l’Etat observe sans réagir : les femmes et les enfants.

Déficit criard d’équipements

« Les régions dites périphériques se singularisent par un déficit en ressources humaines qualifiées (…). Le personnel paramédical est réduit à son strict minimum », explique à Ouestaf News le médecin Boly Diop de la Division de la santé de la reproduction, au ministère de la Santé et de l’Action sociale.

Dans ces régions, selon le Dr Diop, « il n’existe pas de médecins spécialisés en neurologie, neurochirurgie, pneumologie, otorhinolaryngologie (les maladies de l’oreille, du nez ou du larynx, Ndlr), la néphrologie, l’urologie, etc ».

Les régions les plus touchées sont Matam (extrême nord), Tambacounda (à l’est), Kédougou (au sud-est), Kolda et Sédhiou (au sud). Ces quatre régions sont les moins équipées des 14 régions du pays, selon le Dr Diop. « Elles sont vastes et ont les densités au kilomètre carré les plus faibles du pays », ajoute le Dr Diop, par ailleurs vice-président du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames).

« En dehors de Tambacounda, aucune de ces régions n’est équipée d’un scanner ou d’une machine d’hémodialyse, par exemple », signale-t-il.

Dans ces régions constate Dr Boly Diop, « le matériel de travail fait défaut (…) Il existe plusieurs blocs réservés aux césariennes, mais ils ne fonctionnent pas, faute de matériel adéquat et d’agents. Les femmes et les enfants continuent à payer un lourd tribut à cette situation. »

Elles meurent à l’hôpital

A cause de l’état des infrastructures et de l’insuffisance du nombre d’agents de santé, la région de Matam fait partie des plus affectées par la mortalité maternelle et infantile, selon son médecin-chef, Doudou Sène.

« En 2014, dans la région, au moins 54 femmes sont mortes en couches. Quarante d’entre elles ont perdu la vie dans les locaux de l’hôpital régional », a-t-il dit au quotidien sénégalais L’Observateur, en février 2015.

Au moins 203 enfants mort-nés ont été dénombrés durant la même année, dans cette région où 162 enfants ont eu une durée de vie ne dépassant pas 30 jours, en 2014, selon le docteur Sène.

La région de Matam est emblématique, mais n’est pas un « cas isolé », selon des informations rassemblées par Ouestaf News.

Par exemple, ce n’est qu’en mars 2015, qu’un gynécologue a été envoyé à Matam, qui n’en avait pas depuis… trois ans, selon le médecin-chef.

Agents très peu motivés

L’hôpital régional de Matam emploie sept sages-femmes, qui sont confrontées à « une surcharge de travail », leur nombre étant insuffisant.

On ne peut manquer de s’interroger sur ce « déficit » en ressources humaines, alors que de jeunes médecins diplômés de l’Université ou des infirmiers, sages-femmes et autres techniciens de santé sont au chômage et en très grand nombre dans le pays.

« Parce qu’il est difficile de trouver des gens qui acceptent de venir dans des régions très éloignées de Dakar. Dans les régions périphériques, les conditions de travail sont extrêmement difficiles et les agents de santé sont très peu motivés », tente d’expliquer le médecin-chef de Matam.

« Certains agents de santé sont peu enthousiastes pour travailler en milieu rural. Chaque fois qu’on affecte des sages-femmes dans des zones d’accès difficile, certaines d’entre elles viennent demander une réaffectation », renchérit la présidente de l’Association des sages-femmes du Sénégal, Marième Fall.

Il n’est pas sûr que ce soit la seule raison, mais toujours est-il que cette situation « affecte la santé maternelle et infantile dans les zones d’accès difficile. Elle augmente le taux de mortalité maternelle », selon la sage-femme.

600 médecins au chômage

« L’Etat doit veiller à une répartition équitable des ressources humaines sur toute l’étendue du territoire », recommande le Dr Diop du Sames. Il estime que « cela passera par le recrutement des médecins au chômage, dont l’effectif est de 600 au moins(…) Leur recrutement réduirait le déficit en ressources humaines ».

Autre exemple typique du manque de vision au niveau de l’Etat : deux centres de santé construits dans deux villes de la région de Matam – les communes de Matam et de Ranérou – par l’Etat du Sénégal et la Banque africaine de développement (BAD) restent encore sans personnel médical, alors qu’ils ont été « réceptionnés » par les autorités depuis trois ans !

Conséquence de cette situation, selon le docteur Sène, « la région de Matam est la plus affectée par la mortalité maternelle, après celle de Kédougou, d’après le recensement général de la population et de l’habitat de 2013. »

Petite lueur d’espoir pour Matam, 21 sages-femmes y ont été affectées le 31 mars 2015 par le ministère de la Santé et de l’Action sociale, dans le cadre d’un partenariat entre l’Etat du Sénégal et… une ONG américaine.

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