Last Updated on 17/11/2022 by Ouestafnews
Ouestafnews – En attendant la « grande marche » qu’il prévoit d’organiser, le Collectif pour la libération de Pape Alé Niang a donné le ton ce mercredi 16 novembre 2022. C’était lors d’un rassemblement sur l’esplanade de la Maison de la Presse à Dakar. Un seul slogan à la bouche : « libérez Pape Alé Niang ».
Ils sont venus. Ils ont arboré leurs brassards rouges en guise de protestation. Ils exigent la libération de Pape Alé Niang.
Directeur de publication du site Dakar Matin, Pape Alé Niang a été interpellé le 6 novembre 2022 par des éléments de la Sureté urbaine de Dakar. Il est poursuivi, selon ses avocats, pour « divulgation d’informations non rendues publiques par l’autorité compétente et de nature à nuire à la défense nationale » ; « recel de documents administratifs et militaires » et « diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques ». Le mis en cause a été placé sous mandat de dépôt le 9 novembre par le procureur de la République.
Au-delà de la personne du journaliste, l’arrestation de Pape Alé Niang est « une atteinte délibérée (…) aux droits et libertés consacrés par la constitution du Sénégal », estime Momar Ndiongue, intervenant au nom du collectif qui regroupe des associations de presse.
M. Niang a été arrêté après avoir commenté sur sa chaine YouTube, ce que lui-même a présenté comme étant le contenu d’une « enquête interne » de la gendarmerie portant sur une affaire qui met en cause l’opposant politique Ousmane Sonko accusé de viol et de menace de mort par une employée d’un salon de massage à Dakar.
Ce qui aurait pu rester un simple fait divers tient le pays en haleine depuis mars 2021, l’accusé ayant pris pour ligne de défense qu’il s’agit d’un complot.
L’arrestation de M. Niang est intervenue trois jours après l’audition sur le fond d’Ousmane Sonko par le juge d’instruction, le 3 novembre 2022 dans le même dossier. M. Sonko est sous contrôle judiciaire depuis mars 2021.
Pape Alé Niang avait publiquement déclaré être l’ami de M. Sonko en précisant qu’il « assume » cette amitié.
Au-delà de l’affaire Pape Alé Niang, les journalistes et autres militants des droits humains qui se battent pour sa libération, s’inquiètent aussi de l’état de la liberté de presse et d’expression dans un pays souvent décrit comme un modèle de démocratie en Afrique de l’ouest.
« On pense avoir eu des acquis mais ça recommence toujours », se désole le président d’honneur de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (LSDH), Me Assane Dioma Ndiaye. Ce dernier répondait aux questions d’Ouestaf News lors du rassemblement tenu dans une ambiance plutôt bon enfant.
Venu soutenir « le combat pour les libertés », Me Ndiaye suggère à la presse sénégalaise de repenser ses stratégies de combat face aux gouvernants.
« La plupart des journalistes arrêtés au Sénégal depuis 2000 l’ont été sur la base de dispositions de droit commun et non de textes de lois qui encadrent l’exercice de la profession de journaliste », précise l’avocat.
Pour lui, on peut « invoquer les principes » mais l’attitude des pouvoirs en place demeure déterminante quant au respect des libertés.
Pourtant, le président sénégalais Macky Sall, avait lors d’un entretien sur une chaine de télévision étrangère en octobre 2015, déclaré qu’on ne verra jamais un journaliste mis en prison pour « délit de presse » durant son mandat. Il avait insisté en précisant qu’il ne serait jamais démenti.
En juillet 2019, le journaliste Adama Gaye, opposé au régime de Macky Sall, avait été arrêté chez lui par la police sénégalaise. Il était poursuivi pour « offense au chef de l’Etat et diffusion de propos contraires aux bonnes mœurs » avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Il vit en exil depuis.
Le Sénégal est 73e sur 180 pays à travers le monde dans le classement 2022 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF). En 2021, le pays était 49e place.
Dans son combat en faveur de Pape Alé Niang, le collectif de la presse sénégalaise est soutenu par d’autres organisations dont notamment RSF, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (Cenezo) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) basé aux Etats-Unis.
« Il est anachronique de voir un journaliste en prison dans un pays comme le Sénégal (…) doté d’un paysage médiatique pluriel et foisonnant », a souligné le responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong, qui a pris part au rassemblement à la Maison de la Presse.
FD-ON/ts
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