Ouestafnews – Accidents mortels, éclairage insuffisant, embouteillages, cherté des tarifs : les Sénégalais ont toujours trouvé des raisons de fulminer contre l’entreprise Eiffage qui gère l’autoroute à péage reliant Dakar à la nouvelle ville de Diamniadio (sortie Est de Dakar) et au nouvel aéroport de Diass, à une cinquantaine de km de la capitale sénégalaise.
Un accident de la route dans lequel un artiste, Papis Baba Mballo a trouvé la mort, aura été l’impair de trop. Depuis, nombre de voix, relayées par les médias et sur les réseaux sociaux s’en prennent personnellement au Français Gérard Senac, accusé de mépriser les sénégalais.
Selon les témoignages recueillis après l’accident mortel, l’artiste est décédé après que le véhicule dans lequel il voyageait en provenance de l’aéroport ait croisé le 5 mai 2018, un troupeau de vaches « en divagation » sur l’autoroute. Deux autres personnes qui accompagnaient le chanteur ont été blessées et transportés à l’hôpital.
La mort de l’artiste a suscité une forte indignation et fait remonter toute la colère que les Sénégalais ruminent depuis des années contre Eiffage, l’entreprise française détentrice de la concession de l’autoroute à péage.
Sous la houlette d’un ex-député, Cheikh Omar Sy, un groupe de citoyens a annoncé le lancement d’un Collectif contre les Abus de l’Autoroute à Péage.
« Nous devons mener le combat pour notre dignité et pour le respect de nos droits, étant donné que nous avons contribué à hauteur de 75% de nos impôts pour la réalisation de cet ouvrage privé », indique M. Sy.
Des avocats et aussi des défenseurs des droits de l’Homme ont apporté leur soutien à ce collectif qui compte déposer une plainte contre l’entreprise française.
Un mauvais exemple de partenariat public-privé ?
Cette infrastructure routière, construite alors que l’ex-président Abdoulaye Wade étai au pouvoir, est le produit d’un partenariat public-privé (PPP) d’un montant de 380,2 milliards FCFA, dont 181 milliards injectés par l’Etat sénégalais contre 61 milliards pour Eiffage. Le reste du financement étant assuré par la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et l’Agence française de développement (AFD).
Ce montage fait dire aux critiques qu’en fin de compte, Eiffage tire trop de profits d’un ouvrage pour lequel son apport demeure minime.
Depuis le début, les usagers contestent le niveau des tarifs jugés « excessifs ». Le trajet de 36 km, allant de Dakar à Diamniadio, coûte en aller simple 1400 FCFA.
L’ouverture du nouvel aéroport a nécessité un nouveau tronçon de 36 km. Ce dernier a été ajouté en 2016 et coûte aux usagers 1600 FCFA. Au total, pour rejoindre l’aéroport de Diass à partir de Dakar, l’usager devra débourser 3000 FCFA.
En comparaison, les observateurs donnent l’exemple de l’autoroute Casablanca-Rabat (87 Km) avec son tarif de 1300 FCFA. En Côte d’Ivoire, le trajet Abidjan-Yamoussoukro (240 km) revient à 2500 FCFA.
Certains n’hésitent d’ailleurs pas à dire que c’est le péage « le plus cher du monde ». Même s’il est difficile de confirmer ou d’infirmer cette affirmation, elle reflète à elle seule le niveau d’exaspération des Sénégalais.
En plus de ses tarifs jugés onéreux, l’autoroute, aux yeux des usagers qui se plaignent de l’obscurité qui règne sur une bonne partie du tronçon, n’offre pas de garanties sécuritaires.
Réagissant à l’indignation collective de ses compatriotes, le président sénégalais n’a pu s’empêcher d’évoquer « la nécessité absolue de sécuriser le parcours de l’autoroute à péage ».
« Il n’est pas possible de laisser des animaux transpercer le dispositif de sécurité », a déclaré le président Macky Sall, dans des propos relayés par les médias locaux ce 7 mai 2018.
Mais l’annonce la plus importante faite par le président sénégalais, c’est celle de revoir la concession accordée par son prédécesseur à Eiffage pour une durée de 30 ans.
« J’engage le gouvernement de hâter le pas sur la révision de la concession de l’autoroute et sur la nécessité de la révision tarifaire sur l’ensemble du tronçon », a déclaré le président Sall.
« Notre pays ne peut plus supporter encore longtemps cette tragédie à grande échelle due le plus souvent à des négligences humaines et à des carences manifestes dans la gestion des risques », a déclaré dans une tribune parue dans la presse en ligne, le président de l’Association nationale des élus départementaux du Sénégal, El Malick Mbaye.
Dans un entretien avec la RFM (radio privée), Didier Payerne, directeur opérationnel de l’autoroute à péage, annonce que «l’éclairage devrait être mis en place dans un proche avenir».
A la décharge de l’entreprise française, certains observateurs critiquent aussi le comportement inadéquat de certains automobilistes qui ne respectent pas les limitations de vitesse.
Pour ce qui est de l’obscurité, Ibrahima Ndongo, un expert en sécurité routière, souligne que l’éclairage des autoroutes, particulièrement en rase campagne n’est pas obligatoire.
Nonobstant, le président Macky Sall qui fait face à la grogne de ses compatriotes, a dû demander l’éclairage complet sur tout le tronçon de l’autoroute à péage. Et certains médias n’ont pas hésité à en faire désormais une «affaire d’honneur» opposant le chef de l’Etat à Gérard Sénac, l’entrepreneur français patron d’Eiffage, jugé «condescendant» à l’égard des autorités sénégalaises.
MN-ON
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