Ouestafnews – Au Sénégal, les gestionnaires des programmes de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose, bousculés par la pression financière exercée par la pandémie au Covid-19, ont dû faire de la gymnastique avec leurs budgets pour s’adapter à une réalité inattendue.
Même au plus fort de la pandémie à Coronavirus, M. Diagne (il n’a pas voulu préciser son prénom) dit n’avoir pas eu de problème d’accès à ses antirétroviraux (ARV). « Au début du Covid-19, nous nous sommes un peu inquiétés, mais nous avions régulièrement eu nos ARV auprès des relais communautaires », s’est réjoui cet homme de 40 ans qui vit avec le VIH depuis plusieurs années.
Vendredi 4 février 2022 à 10h. Devant le bureau du Dr Thierno Dia, pas de file d’attente. Dr Dia est responsable du suivi des personnes vivant avec le VIH et de la distribution des ARV au Centre de santé de Keur Massar, en banlieue de la capitale, Dakar. Selon le médecin, il reçoit d’habitude entre 2 à 10 patients par jour. Mais « cela n’a rien à avoir avec la pandémie. Les patients ont toujours reçu leurs ARV », s’empresse-t-il de préciser.
Toutefois, Dr. Dia admet que l’approvisionnement en ARV pédiatrique a, quant à lui, connu une rupture. « Il y avait vraiment beaucoup de rupture à ce niveau. Parce que pour les enfants de moins de 30 kg, les formules d’ARV diffèrent selon le poids des patients », explique le praticien.
Au niveau du Réseau national des associations de personnes vivant avec le VIH/sida (RNP+Sénégal), la pénurie du début de la pandémie a été vite maitrisée. « La pénurie n’a pas trop affecté les malades dans le suivi de leur traitement. Nous avons mis en place une stratégie de dispensation d’ARV dans toutes les régions en procédant aux visites à domicile », indique la présidente du RNP+ Sénégal, Mme Soukèye Ndiaye.
Si les patients n’ont pas eu de difficultés d’accès aux médicaments, la pandémie de Covid-19 a cependant failli enterrer les plans d’action de plusieurs structures sanitaires au Sénégal. L’Alliance nationale des communautés pour la santé (ANCS) et le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) ont été contraints de prendre en compte cette crise et de s’adapter.
« Nous avons dû suspendre beaucoup de programmes sur lesquelles nous travaillions avant le Covid-19 », explique à Ouestaf News Massogui Thiandoum, directeur technique de l’ANCS.
Face à la brutalité et à la violence de la crise, des partenaires financiers de l’ANCS ont décidé de réorienter leur aide vers la lutte contre le Covid-19, selonThiandoum.
Plus chanceux, le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), a pu mener « à terme et à date prévue » la plupart de ses activités, selon Romain Kaly, son responsable administratif et financier.
En 2021, le PNLP a même pu bénéficier de fonds additionnels « pour endiguer les méfaits liés au Covid-19 ».Une partie des économies réalisées a servi à participer à la lutte contre le Covid, indique Romain Kaly.
Les fonds sont devenus très limités à cause du Covid-19. Mais« les ressources souvent orientées contre cette pandémie, la lutte contre la tuberculose et le paludisme a continué malgré la baisse de fréquentation des structures de santé », explique Idrissa Mané, Coordonnateur du projet Global Fund TB/Malaria à World Vision Senegal.
« Nous avons procédé à une replanification de programmes avec un focus sur les activités qui ont un impact direct sur la lutte contre la tuberculose et le paludisme », ajoute M. Mané.
Pour la tuberculose, Ouestaf News a contactée à plusieurs reprises par mail et par téléphone, la direction du Plan national de lutte contre la tuberculose (PNT) mais aucune suite n’a été donnée à ses questions.
Mais du côté des patients tuberculeux on déclare avoir un accès facile aux traitements malgré la pandémie.
Malade de tuberculose ganglionnaire, cette quinquagénaire qui a requis l’anonymat, indique qu’elle ne rencontre aucun problème d’accès à ses médicaments au centre de Keur Massar où elle suit son traitement.
« Malgré les moyens déployés pour mener à bien les luttes contre le sida, le paludisme et la tuberculose, l’impact du Covid-19 a été dévastateur », note Massogui Thiandoum, directeur technique de l’ANCS.
« Le défi pour nous tous, c’était de ne pas croiser les bras. La continuité des services et soins de santé est un élément fondamental dans un système de santé. Si les services s’arrêtent, le système de santé s’écroule », souligne Thiandoum.
Au Sénégal comme ailleurs en Afrique, la vérité est que, Covid ou pas, la santé publique et son financement restent un défi majeur pour les gouvernements africains qui ne leur accordent que peu d’importance. Pourtant ces mêmes Etats s’étaient tous engagés à Abuja en avril 2001 à consacrer 15 % de leur budget à la santé. Le Sénégal n’en est encore qu’à 10%. Seule la Tanzanie a atteint cet objectif d’au moins 15%. En 2020, le Nigéria n’a alloué que 4,1% de ses dépenses totales à la santé.
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