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Sénégal : l’opposition dans une bataille à mort pour détrôner la majorité à l’Assemblée 

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Ouestafnews – Pour le pouvoir comme pour l’opposition, les législatives du dimanche 31 juillet 2022 cachent un enjeu de taille. Au-delà de l’élection des 165 députés pour les cinq prochaines années, l’opposition tient à faire de ce scrutin un référendum « pour »  ou « contre » Macky Sall. Pour ce dernier et ses partisans, qui ont déjà reçu une première alerte lors des locales du 23 janvier dernier, il s’agit d’endiguer au plus vite la poussée des opposants afin de permettre au président de terminer son mandat sans trop de difficultés.

Une victoire de l’opposition ce dimanche, imposerait au président Macky Sall une situation inédite au Sénégal : un président face à une Assemblée nationale dominée par l’opposition. Autant dire un carton jaune populaire pour un régime que ses adversaires accusent de tous les maux, allant de la mauvaise gouvernance au népotisme.

Une majorité renouvelée donnerait au pouvoir en place un petit répit et pourrait refréner l’élan d’une opposition qui, depuis les locales, se sent pousser des ailes. Il y a de quoi : sans remporter le scrutin, elle avait gagné dans quelques villes clés dont la capitale, Dakar.

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L’opposition ne cache pas son intention, en cas de victoire, d’imposer au président Macky Sall une « cohabitation » au sommet de l’Etat. Et depuis les juristes de chaque camp se lancent en conjectures et interprétations : qui pour dire que la loi le permet, qui d’autre pour défendre le contraire.

Après 21 jours d’une campagne qui a pris fin le 29 juillet 2022 au soir, il reste aux huit listes candidates d’attendre le verdict des urnes. Même si la campagne a été émaillée de quelques incidents, dans l’ensemble il y a eu plus de peur que de mal, car le pays craignait de sombrer dans la violence. Surtout après l’invalidation de la liste des titulaires de la coalition que dirige Ousmane Sonko, devenu de fait le leader de l’opposition.

Faute de parti dominant, y compris dans le camp présidentiel, les formations politiques se sont regroupées en coalitions pour se donner plus de chances. Huit coalitions ont été ainsi constituées. Des coalitions vivement critiquées par une partie de l’opinion publique. Cette dernière leur reproche de s’être constituées, à quelques petites exceptions près, sur la base d’alliances « contre-nature ». Essentiellement, les partis qui concourent à ce scrutin se sont ligués à partir de calculs politiciens pour se donner plus de chances, plutôt que de s’entendre sur des valeurs partagées ou des projets de société.

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Plus de six millions et demi d’électeurs sont attendus aux urnes pour départager les candidats. Faute de sondages (interdits par la loi), chaque camp annonce déjà son triomphe, le considérant comme acquis.

Confiante en sa victoire, l’opposition invite à « sécuriser le vote ». L’appel a encore été renouvelé à la veille du scrutin par l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Depuis sa sortie de prison, où il avait été envoyé pour des affaires de détournement de deniers publics, il a rejoint l’opposition sous la bannière de la coalition Yaw (Yewwi Askan Wi ou « libérer le peuple », en langue wolof) de l’opposant Sonko.

« Le jour du vote, après avoir accompli son devoir civique, tout le monde doit rester sur place pour sécuriser le vote », lance dans la même foulée, Lamine Thiam, de Wallu Sénégal (sauver le Sénégal, également de l’opposition). Cette coalition s’est constituée autour des militants restés fidèles au Pati démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade qui en est d’ailleurs la tête de liste.

Dans les départements où elles ne sont pas sûres de gagner le vote, pour une raison ou une autre, les coalitions Yaw et Wallu Sénégal se sont engagées à se soutenir mutuellement. Une première au Sénégal.

Infrastructures, arguments de campagne

Du côté de la majorité sortante, on met en avant les réalisations du président Sall sur le plan des infrastructures pour appeler les citoyens à lui renouveler sa confiance. La campagne est menée sous la bannière de Bennoo Bokk Yakaar (BBY, Unis autour du même espoir), la même alliance qui avait conduit Macky Sall au pouvoir il y a exactement dix ans, avant de lui permettre de rempiler pour un deuxième mandat en 2019. Cette coalition est dirigée par l’ancien premier ministre de Macky Sall, Mme Aminata Touré.

Le pouvoir « a beaucoup travaillé pour améliorer les conditions de vie des citoyens », affirme la coalition dans une déclaration citant pêle-mêle les progrès en matière de sécurité publique, de mobilité, de cadre de vie embelli, etc.

Entre les deux principales coalitions, BBY et Yaw, s’est invitée un peu tard la coalition Alternative pour une Assemblée de Rupture (Aar Sénégal). L’acronyme veut dire en wolof protéger le Sénégal. Aar Sénégal est  composée de partis opposés au pouvoir et veut rallier à sa cause tous ceux qui ne se retrouvent pas dans le discours « radical » et « violent » de l’opposition dirigée par Ousmane Sonko. La coalition qui prône une « troisième voie » s’appuyant sur  une démarche plus « républicaine »,  promet de « faire la politique autrement ».

Cette coalition a comme tête de liste, Thierno Alassane Sall, un ancien ministre de Macky Sall, qui a démissionné du gouvernement suite à des divergences avec le président sur la gestion du pétrole. 

Aar, qui se veut une « opposition responsable » et « pacifique » pourrait jouer le rôle d’arbitre dans ces élections, au cas où aucune des deux grandes coalitions n’obtiendrait la majorité absolue.

Face aux craintes de tension, en raison du discours radical d’une frange de l’opposition, la société civile a pris les devants pour en appeler au sens des responsabilités des acteurs politiques et de chaque citoyen. Le Sénégal constitue un « havre de paix dans la sous-région » et « nul n’a le droit de déséquilibrer la paix au Sénégal », avertit Mme Bineta Diop, dans les colonnes de l’édition du 30 juillet 2022 du quotidien d’Etat Le Soleil. Mme Diop est l’envoyée spéciale du président de la Commission de l’Union africaine, par ailleurs présidente d’honneur d’une plateforme regroupant plus d’une cinquantaine d’organisations féminines décidées à « surveiller » le vote.

Cité par la presse locale, la Commission électorale nationale autonome (Cena) a assuré, par la voie de son responsable de la communication que «  le matériel de vote est déjà sur place » dans les centres, « y compris les bulletins de vote ».

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La tenue de ces élections a failli être hypothéquée après le processus de validation des listes. Une bonne partie de l’opposition réunie autour d’Ousmane Sonko dans la coalition Yaw, avait reproché au pouvoir d’être directement à l’origine de l’invalidation, par le Conseil constitutionnel, d’une partie de ses listes électorales. Notamment la liste des titulaires de Yaw. Ils avaient alors engagé un bras de fer avec le régime, accusé de dérives « dictatoriales ». 

Au moins trois morts ont été recensés lors de manifestations de l’opposition durant la période électorale. Il a fallu l’intervention de médiateurs (autorités religieuses, coutumières et de la société civile) pour ramener « à la raison » les acteurs politiques, notamment ceux qui menaçaient d’empêcher la tenue du scrutin.

Outre les listes des quatre coalitions citées plus haut, quatre autres listes sont en course au plan national pour ce scrutin. Ces listes sont présentées par : la coalition Bokk Gis Gis Liggey de l’ancien maire de Dakar et ancien président de l’Assemblée nationale, Pape Diop ; la coalition Bunt Bi du professeur El Hadji Ibrahima Mbow ; la coalition Naatange Askan wi du religieux Cheikh Alassane Sène et la coalition Les Serviteurs-MPR de Pape Djibril Fall, un journaliste et ancien chroniqueur dans une télévision privée dakaroise.

A l’issue du scrutin, 112 députés seront élus à partir de listes représentant les candidats dans 45 départements et dans la diaspora, selon un système majoritaire. Les 53 députés restants seront élus à partir de listes nationales, selon un système proportionnel. Le vote se déroulera dans plus de 15.000 bureaux de vote répartis dans plus de 6.600 centres à travers le pays et à l’étranger.

FD-ON/ts

 

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