« Si Macky Sall avait épargné la totalité des salaires de sa vie professionnelle que nous lui connaissons (…) cela ne ferait pas un milliard. Loin de là. Cela n’expliquerait alors pas le patrimoine qu’il nous a déclaré. Traque pour traque, pourquoi ça ne serait pas traqué», a lancé Idrissa Seck.
L’ex-premier ministre faisait allusion au faramineux patrimoine personnel de huit milliards de FCFA déclaré par l’actuel chef de l’Etat sénégalais après son élection, et dont l’origine intrigue nombre de Sénégalais tout en nourrissant de vifs débats dans les salons dakarois.
Mais M. Seck, son accusateur du jour n’est pas non plus blanc comme neige. Alors premier ministre de Wade, Idrissa Seck, fut lui-même destitué par Wade, accusé d’avoir détourné des dizaines de milliards de francs CFA de fonds publics. Il fut emprisonné pendant plusieurs mois avant d’être libéré. Le pouvoir en place n’a pas manqué de le lui rappeler d’ailleurs, par la voix de… Souleymane Jules Diop, un de ses anciens conseillers qui a rejoint le camp de l’actuel pouvoir.
Le quatrième acteur de cette série, tragicomique, avec comme nœud des histoires de détournement d’argent, de retournements de veste, de trahison et de règlement de compte, n’est autre que Karim Wade, fils du président Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, il croupit en prison, accusé lui aussi d’avoir détourné des centaines de milliards FCFA en fonds publics. Il attend son procès qui ne devrait plus tarder et lors duquel il devra justifier la provenance du patrimoine que les enquêteurs lui attribuent.
Avant de rentrer au pays, son père a réitéré sa conviction qu’il est un « prisonnier politique », oubliant que le jeune employé de banque qu’était son fils avant sa nomination comme conseiller puis tout-puissant ministre de son père, faisait déjà l’objet de suspicion, alors même qu’il était au cœur du pouvoir.
Dans un entretien à Radio France international (service public français), Abdoulaye Wade a clairement fait savoir qu’il rentre au bercail entre autres raisons pour apporter son soutien à son fils qu’il juge victimes d’une « chasses aux sorcières » déclenchée par Macky Sall.
L’autre grande bataille, en arrière-plan du retour de Wade, ce sont les prochaines élections locales, prévues au mois de juin 2014 et que le pouvoir en place compte utiliser dans sa stratégie de « massification ».
Le retour de Wade, politicien retors, a revigoré ses sympathisants et plus encore ce qui reste de ses militants au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS), tous assommés qu’ils étaient depuis qu’ils ont perdu le pouvoir. Ils veulent profiter de ce retour de leur mentor pour jeter les bases de la refondation d’un parti laminé par la défaite, dispersé par les querelles d’egos, et dont quelques figures emblématiques ont déjà rejoint l’actuel pouvoir : pour échapper à d’éventuelles poursuites judiciaires après avoir pillé le pays, disent leurs détracteurs.
Un meeting prévu dans le cadre de l’accueil « massif » que les militants du PDS prévoyaient pour leur leader, a été interdit par le préfet de Dakar pour « risque d’entrave à la libre circulation des personnes et des biens ». Les citoyens, y compris ceux qui ne soutiennent pas Wade, estiment qu’il s’agit là d’un excès de zèle qui n’avait pas de raison d’être.
Tout en disant prendre acte de cette décision, le PDS, n’en dénonce pas moins un manquement démocratique. Un vrai de retour de bâton pour des gens qui il n’y à guère encore, bandaient les muscles et jouaient aux petits arrogants lorsqu’ils étaient au sommet du pouvoir.
La passion que provoque ce retour d’Abdoulaye Wade, n’épargne pas la sphère médiatique, faisant la Une de la majorité des quotidiens du pays, au détriment des « problèmes sérieux » des Sénégalais, comme le font remarquer quelques citoyens actifs sur les réseaux sociaux.
L’éditorialiste de Sud quotidien, Malick Ndaw, dans une plume au vitriol décrit le retour comme une « escroquerie politique ». Et il poursuit : Abdoulaye Wade fait dans « l’amnésie » volontaire.
« C’est avec lui que la corruption, le népotisme – voire la dictature – avaient écrit leurs lettres de noblesse dans ce pays qu’il a dirigé pendant douze longues années et, avaient fini d’inspirer les diplomates étrangers qui ont même inventé la formule poétique du “coefficient d’évaporation” pour évoquer l’argent détourné », rappelle l’éditorialiste de Sud dans ce texte peu tendre avec l’ex-président.
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