Sénégal-Tchad : fin du feuilleton Habré ?

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Des accusations de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité » et d’actes de torture pèsent sur l’ex-président, acculé par une forte coalition d’associations et d’organisations de la société civile. Cette coalition dirigée par Human Rights Watch met depuis des années la pression sur le gouvernement du Sénégal et mène un lobbying intense pour attraire Habré en justice.

« Il n’y a plus d’obstacle », a déclaré à la presse, la ministre sénégalaise de la Justice, Aminata Touré, à l’issue de la signature de cet accord qui marque une étape de plus vers l’épilogue probable de la saga Habré.
Par ses déclarations, la nouvelle équipe au pouvoir à Dakar, semble plus encline à en finir avec cet imbroglio juridique, qui a nécessité la modification de la Constitution sénégalaise, fait l’objet de plusieurs décisions de justice, mais qui reste toujours à trancher.

La signature de cet accord annonce les prémices de la « victoire » des ONG et des militants de droits de l’Homme qui ont pendant plus de dix ans ont remué ciel et terre pou envoyer Habré devant les tribunaux.

« Nous sommes aujourd’hui plus près de la justice », a déclaré Alioune Tine, président de l’association Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), basée à Dakar. Cité dans un communiqué de Human Rights M. Tine ajoute que « nous comptons sur le Sénégal et sur l’Union africaine pour agir rapidement dès maintenant et pour faire débuter le procès de Habré avant le décès d’autres survivants ».

Avant même ce tout-dernier développement, le ton avait été donné début juin 2012 par le nouveau président sénégalais, Macky Sall dans une interview pour l’hebdomadaire Jeune Afrique. Le président Sall avait alors annoncé la tenue du procès à Dakar, conformément au mandat que l’Union africaine avait donné au Sénégal en 2006. Cette annonce avait suscité un nouvel espoir dans les rangs des « associations de victimes » et des puissantes ONG qui les soutiennent.

Cependant la célérité avec laquelle le nouveau président agit dans cette affaire, suscite des interrogations chez certains, qui soupçonnent « des vautours autour du procès Habré ».

« Il faut rechercher la réponse dans un deal plus large que le candidat Macky Sall a dû conclure avec les ennemis de Hissène Habré en contrepartie de leur soutien », affirme ainsi Dr Souleymane Issa Saleh, chercheur en sciences politiques, dans une Tribune Libre largement diffusée dans la presse en ligne sénégalaise avant même l’annonce officielle de la signature de l’accord entre le Sénégal et l’U.A.

Retraçant le background de ce feuilleton juridico-médiatique dans un long article d’opinion publié par le site internet du journal nigérian, Daily Trust, Idang Alibi estime que le procès de Habré doit aussi faire la lumière sur l’implication de certains pays occidentaux, notamment la France et les Etats-unis

« Habré fut soutenu ouvertement par la France, ensuite par les Américains qui ont entrainé et équipé ses forces de sécurité en perspective de leur guerre contre le régime de feu Mouamar Gaddafi », souligne-t-il.

Mais l’imbroglio politico-judiciaire n’est qu’un bout de l’affaire. L’autre pendant tient aux finances. Le Sénégal a clairement affirmé qu’il ne dispose pas des moyens pour financer tout seul un procès qui pourrait durer plusieurs années et nécessiter le déplacement de centaines de témoins, dont la plupart ne vivent pas au Sénégal.

L’Etat sénégalais avait fixé en 2010 les montants nécessaires de 11,4 millions de dollars ( près de 6 milliards FCFA selon les taux actuels). Lors de sa récente visite, Hillary Clinton avait promis près de 500 millions de FCFA de contribution américaine. Le Tchad avait depuis longtemps promis de mettre 2 milliards FCFA sur la table. D’autres bailleurs comme l’Union européenne avait fait des promesses, mais, selon l’ancien président du Sénégal, Abdoulaye Wade, ces promesses n’ont jamais été suivies d’effet.

« Au fil des ans, la communauté internationale a joué un rôle crucial en pressant le Sénégal à traduire Habré en justice (…) étant donné la nature potentiellement historique de ce procès et les avancées rapides du Sénégal, nous espérons que les donateurs accepteront d’aider au financement du nouveau tribunal», a plaidé Reed Broody, cité par le site internet de son organisation Human Rights Watch.

Plusieurs sources estiment le nombre d’assassinats commis par le régime de Habré à plusieurs milliers. En 2000, les tribunaux sénégalais s’étaient déclarés incompétents poussant les plaignants à se rabattre sur la justice belge qui a en 2005 lança finalement un mandat d’arrêt contre Hissène Habré. La justice tchadienne, quant a elle, a prononcé en août 2008 une peine de mort par contumace, pour d’autres crimes qui n’ont rien à voir avec ceux pour lesquels il est poursuivi dans cette affaire.

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