Sénégal : veille de scrutin dans l’angoisse

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A l’origine de ses vives tensions, dans ce qui jadis été présenté comme le « modèle » démocratique africain, la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade, 86 ans, dont 26 passés dans l’opposition et 12 au pouvoir. Sa détermination à briguer un troisième mandat a mis le pays à feu et à sang dès l’annonce de la validation de sa candidature, le 27 janvier 2012, par le Conseil constitutionnel. Du coup, cette institution s’est discréditée auprès de l’opinion, dont une bonne partie n’hésite plus à accuser ouvertement ceux qui sont à sa tête de « corruption ».

La crainte est d’autant plus grande que de lourdes suspicions pèsent sur la transparence du scrutin, le pouvoir en place ayant déjà annoncé sa victoire certaines au premier tour avec un score précis de… 53 % !

A l’élection de 2000, saluée pour sa transparence, et qui a permis à Me Wade soutenu alors par une large coalition, d’accéder au pouvoir, l’opposant qu’il était n’avait réalisé que… 31 %, alors qu’à l’époque il était vu comme le grand espoir pour changer les choses au Sénégal.

Depuis ses principaux alliés l’ont quitté et la colère contre son gouvernement gronde de partout comme en attestent les violentes manifestations populaires du 23 juin, qui ont failli ébranler son régime.

Pour la présidentielle 2012, la campagne électorale qui a démarré dans la violence a pris fin sans grand heurts lors de la dernière journée, mais après avoir été marquée par une violente répression des manifestations des partisans de l’opposition et de la société civile qui rejettent le « troisième mandat ».

Face à cette flambée de violence, marquée par la mort d’au moins une douzaine de personnes dont certaines abattues à balles réelles par les forces de l’ordre, l’Union africaine et la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest ont dépêché une mission d’observation et de paix dirigé par l’ex-chef d’Etat nigérian Olesegun Obasanjo qui est arrivé à Dakar depuis le 21 février.

La plupart des candidats reçus par le président Obasanjo, ont exigé deux choses : le retrait de la candidature de Wade et le report de l’élection présidentielle. Candidat indépendant, le professeur Ibrahima Fall, a jugé que le pays est dans une « situation quasi-insurrectionnelle » qui n’est pas propice à la tenue d’u scrutin.

Ces exigences ont été balayées par le pouvoir. Lors d’une énième rencontre avec la presse à 4 jours du scrutin, le porte-parole du candidat Wade, Serigne Mbacké Ndiaye, a indiqué que ces deux options sont « totalement exclues ».

Porte-parole du M23 (coalition hétéroclite née à la suite des manifestations du 23 juin), Abdou Aziz Diop a plusieurs fois indiqué que le pouvoir en place dispose de « résultats préfabriqués », des accusations que le camp de Wade rejette vigoureusement.

Sur Internet et dans la presse locale des experts ont alerté l’opinion sur les failles du fichier électoral, jugé pourtant fiable par « un audit international », selon le ministre chargé des élections, Cheikh Guèye.

Cette situation électrique, quasi-inédite depuis 1960 fait dire aux analystes que le pays est à un pas du chaos, au moment où les Sénégalais se rendront aux urnes pour choisir leur président.

Le candidat sortant, soupçonné de vouloir installer son fils après son départ, insiste qu’il a encore besoin de « trois années supplémentaires pour terminer ses chantiers », notamment les infrastructures routières dont il fait le point phare de son bilan. Mais ses répliquent en disant que ses douze ans au pouvoir ont fait « régresser le Sénégal, déstabilisé les institutions, installé l’impunité et la corruption…».

Lors d’ un meeting jeudi 23 février 2012 dans son fief de Fatick (centre), le candidat Macky Sall dont les partisans sont aussi convaincus de leur victoire, s’est dit prêt à « marcher sur le palais » si sa victoire est confisquée au soir du 26 février. Avant lui Cheikh Tidiane Gadio a menacé de mettre en place un « Conseil national de Transition » et de rechercher une reconnaissance internationale. Des déclarations qui n’ont fait qu’ajouter à la tension et à la crainte de violences électorales au conséquences incalculables.

Ces deux candidats (Sall et Gadio), comme l’ancien premier Idrissa seck ont la particularité d’avoir tous été des fidèles serviteurs de l’actuel chef de l’Etat avant de tomber en disgrâce et de rallier l’opposition. Avant eux Idrissa seck, ancien premier ministre a subi le même sort et le même parcours.

Dans cette liste des « favoris » de l’opposition, on retrouve aussi Ousmane Tanor Dieng du parti socialiste (ex-parti au pouvoir), Moustapha Niasse, leader l’Alliance des forces de progrès (AFP) ex-allié de Wade à l’élection de 2000. Suivent ensuite une kyrielle de candidats qui pourraient jouer les trouble-fêtes et dont le plus en vue est Cheikh Bamba Dièye, relativement jeune et apprécié par une partie de la population pour son discours appelant à plus d’intégrité dans le gestion de la chose publique.

La plupart des autres candidatures (14 candidatures ont été retenues au total) font presque rire les Sénégalais, et certaines d’entre elles sont soupçonnées d’avoir été suscitées par le pouvoir en place pour grignoter sur les voix de l’opposition.

Au total, ce sont 5,1 millions d’électeurs qui sont attendus pour prendre part au vote, selon le ministre chargé de élections. « Nous sommes fin prêts, Nous attendons les électeurs », a notamment affirmé M. Guèye à la veille du scrutin.

Mais la présence signalée de plus de 400.000 cartes d’électeurs non récupérées par leurs titulaires, ainsi que la découverte dans la cité religieuse de Touba (Centre-Est) d’au moins un « réseau d’achat » de cartes d’électeurs, fait craindre des risques de fraude massive, avec comme probable conséquence une élection contestée et son lot d’incertitudes.

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