Ouestafnews – Quelle appréciation faites-vous du déroulement de la phase des dépositions?
Monseigneur Nicodème Barrigah-Benissan – A la date du 17 décembre 2010, où la phase des dépositions s’est achevée, nous avons exactement recueilli 18571 dépositions. La phase des dépositions a commencé en août et était prévue pour durer 4 mois. Mais face à l’affluence, nous avons dû prolonger l’opération pour trois semaines. Je voudrais préciser, par ailleurs, qu’à l’évaluation faite par les Nations Unies, les Commissions Vérité recueillent généralement entre 7 000 et 20 000 dépositions (…). Je ne peux que féliciter tous ceux qui ont permis de réaliser cette performance. A commencer par la centaine d’agents que nous avons recrutés, formés et déployés sur toute l’étendue du territoire national (…).
Ouestafnews – Quel traitement ferez-vous concrètement des dépositions recueillies ?
Mgr N.B-B – La phase des dépositions est consacrée au recueil, au traitement et à l’analyse des témoignages des victimes et des témoins des abus politiques et des violences des droits de l’homme commis au Togo entre 1958 et 2005 pour établir un état des lieux circonstancié sur la nature, l’étendue et les causes des actes de violence à caractère politique commis par le passé au Togo et reconstituer le contexte dans lequel ces violences se sont produites. Les fiches de déposition recueillies sont déjà en phase de dépouillement. Après le dépouillement, nous procéderons à la constitution d’une base de données dont la gestion automatisée sous protocole sécurisé permettra non seulement de centraliser toutes les données, mais aussi d’avoir de nombreuses perspectives dans l’analyse des données.
Ouestafnews – Quelles sont les étapes qui suivront celle des dépositions ?
Mgr N.B-B – Après les dépositions, nous procèderons aux investigations qui permettront de vérifier la pertinence et la vérité des données recueillies lors des dépositions : c’est une phase d’enquête très importante qui sera conduite par une équipe pluridisciplinaire d’experts locaux et internationaux ; la validité de notre mission dépend pour une bonne part de la qualité de leurs travaux. Nous envisageons aussi, après les investigations de procéder à des auditions publiques ou à huis clos pour les cas les plus emblématiques dont les protagonistes auront marqué leur accord : ces séances de confrontations, nous permettront, je l’espère, de faire notre catharsis et de préparer nos cœurs au pardon demandé, donné et reçu, qui est le seul gage de la Réconciliation avec le changement des mentalités. C’est après ces deux phases que la CVJR s’attellera à faire au gouvernement les propositions de mesures à prendre pour la réparation des préjudices subis par les victimes et des recommandations portant sur le sort à réserver aux auteurs des violations des droits de l’homme les plus graves, les mesures à prendre pour éviter la répétition de ces actes de violences ainsi que les initiatives à prendre pour lutter contre l’impunité et renforcer la réconciliation nationale.
Ouestafnews – Au regard des leçons tirées de cette phase, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes susceptibles d’être confrontés durant la suite du processus réconciliation et comment comptez-vous les résoudre ?
Mgr N.B-B – Je crois que la première difficulté a été liée à la participation. La persistance de la tension politique et les séquelles liées aux développements historiques récents du Togo ont contribué à alimenter la méfiance vis-à-vis de la CVJR. Mais avec le démarrage de notre campagne de sensibilisation en stratégie avancée avec les Organisations de la Société Civile et dans les médias, la méfiance s’est estompée. Ensuite il y a le problème de la mobilisation des ressources financières qui ne sont pas toujours à la hauteur de nos attentes. Mais ici aussi avec l’engagement de l’Union Européenne aux cotés des autres Partenaires Techniques et Financiers, nous savons pouvoir mettre en œuvre notre agenda.
Ouestafenws – Qu’attendez-vous des Togolais pour la réussite de la phase qui suivra celle des dépositions et de l’ensemble du processus de réconciliation ?
Mgr N.B-B – Que les Togolais puissent se donner la main pour le pardon, accepter, malgré le passé qui nous a divisés, que nous puisons œuvrer pour la pacification des cœurs, le pardon et la réconciliation.