Ouestafnews – Le Togo vote ce jeudi 20 décembre 2018 pour des élections législatives dans un climat de tension et de désaccord au sein de la classe politique. Des impairs qui risquent d’entacher la crédibilité du vote et de faire perdurer la crise politique qui sévit dans ce pays depuis septembre 2017.
«Je ne vois pas comment on peut aller à des élections (…) sans avoir eu le rapport des experts électoraux, sans avoir eu les résultats des audits du fichier électoral (…)», se demande le professeur David Dosseh.
Ces interrogations sous forme d’accusation du professeur Dosseh, coordonnateur de la coalition «Togo debout», donne le ton. Interrogée par Ouestaf News, ce responsable de la société civile doute qu’on puisse tenir des «élections transparentes».
De son côté, exigeant l’application des «réformes institutionnelles et constitutionnelles» inscrites dans la feuille de route de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), une coalition de l’opposition regroupant 14 partis politiques (C14) a décidé de boycotter les élections législatives.
«La crédibilité et l’intégrité du processus électoral constituent des conditions nécessaires pour la légitimité du parlement qui sera élu et donc la légitimité des réformes politiques qui seront opérées par ce même parlement», estime Mathias Hounkpé, de l’ONG Open society initiative for West Africa (Osiwa) dans un entretien avec Ouestaf News.
Pour M. Hounkpé, l’absence de ces préalables aura comme conséquence le prolongement de la crise actuelle au-delà des législatives.
Report des élections
Mais pour le gouvernement togolais, un report des élections législatives n’est pas «possible».
«La campagne électorale a démarré et le processus électoral ira à son terme avec la tenue du scrutin législative le 20 décembre 2018», affirme le ministre de la fonction publique togolaise, Gibert Bawara, dans un entretien accordé à RFI, tout en précisant que c’est une décision émanant de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de la Cedeao du 31 juillet à Lomé.
La campagne électorale qui a démarré le 4 décembre pour l’élection des 91 parlementaires à l’Assemblée nationale togolaise, a pris fin le 18 décembre à minuit.
En prélude au scrutin, la campagne électorale a été émaillée de violents affrontements, entre manifestants favorables à l’opposition et forces de l’ordre. Ces violences aurait fait au moins «deux morts», selon le ministère de la sécurité, trois selon un communiqué de la coalition C14.
Le gouvernement togolais a dans un communiqué daté du 8 décembre 2018, fait état de «quatre policiers blessés et 28 manifestants interpellés».
L’opposition a choisi de braver une décision du ministère de l’Administration territoriale qui, à travers un communiqué publié le 05 décembre, a interdit toute manifestation politique pendant la campagne électorale.
La Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) dresse un bilan faisant état de 22 morts, 941 blessés, dont 202 par balles et 472 arrestations, depuis le début d’une longue série de manifestations de l’opposition en septembre 2017.
La LTDH note également que la ville de Sokodé, fief de l’un des principaux partis de l’opposition, a enregistré à elle seule 113 arrestations, 95 blessés dont 77 par balles et 12 morts.
Au pouvoir depuis 2005, le président togolais Faure Gnassingbé, après presque 40 ans de pouvoir de son père, Etienne Eyadéma Gnassingbé, est contesté depuis un an par l’opposition notamment la coalition «C14».
La C14 à l’origine des manifestations réclame entre autres des réformes constitutionnelles pour permettre la limitation des mandats présidentiels et dénonce des irrégularités dans l’organisation des élections législatives.
Elle réclame aussi la restructuration du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), qu’elle a décidé de boycotter, appelant à appliquer la feuille de route de la Cedeao.
Cedeao, une feuille de route incohérente ?
En avril 2017, la Cedeao a désigné lors d’une conférence des chefs d’Etat et de gouvernement à Lomé (Togo) le président ghanéen Nana Akufo-Ado et son homologue guinéen Alpha Condé comme médiateurs dans la crise togolaise.
De cette médiation est née l’adoption, le 31 juillet 2018 d’une feuille de route fixant la date des législatives et proposant des réformes institutionnelles. Mais cette feuille de route de la Cedeao est source de «blocage», selon M. Hounkpé.
«Cette feuille de route prévoyait des réformes et avait en même temps fixé une date pour les législatives sans fixer une chronologie entre les réformes et les élections. Comme si on pouvait organiser les élections et après faire les réformes», explique-t-il.
Dans sa feuille de route, la Cedeao a exhorté le gouvernement togolais à «procéder à la révision intégrale du fichier électoral en vue de l’organisation, le 20 décembre 2018, des élections législatives».
L’organisation régionale a également demandé à l’Etat togolais «d’accélérer les procédures judiciaires (concernant) les personnes arrêtées lors des manifestations politiques et d’étudier la possibilité de mesures additionnelles en faveur de ses personnes».
Pour le Prof. Dosseh, il s’agit d’un texte dont les dispositions sont bafouées.
«Les dispositions qui parlaient de la libération des détenus politiques et les dispositions qui parlaient de la nécessité de faire des réformes avant de passer aux élections. Toutes ses dispositions sont constamment violées», a insisté le coordonnateur de la coalition «Togo debout».
Dans la même logique que l’analyste politique Mathias Hounkpé, le Professeur Dosseh souligne aussi une «grosse insuffisance» de cette feuille de route dépourvue de chronogramme.
Des «réformes indispensables pour la crédibilité des législatives» ont été élaguées par la Cedeao, renchérit M. Hounkpé. Parmi ces réformes, il note «la restructuration de la Commission électorale, la révision intégrale de la liste électorale et également la réforme du Conseil constitutionnel qui est le juge du contentieux électoral», précise l’analyste politique.
ON/mn
Voulez-vous réagir à cet article ou nous signaler une erreur ? Envoyez-nous un message à info(at)ouestaf.com.