Ouestafnews – La crise sanitaire due au Covid-19 a fortement affecté le secteur du tourisme et de l’hôtellerie partout dans le monde. L’Afrique de l’ouest n’y a pas échappé, et plus particulièrement dans les trois pays du Sahel déjà livrés à l’insécurité que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Dans ces trois pays, la filière était déjà sous le coup d’une insécurité depuis une décennie. Le Covid-19 est venu plonger le malade dans l’agonie.
Compagnies aériennes à l’arrêt, suspensions d’activités, rythme de travail au ralenti dans les réceptifs hôteliers, licenciements en série, pertes chiffrées en dizaine de milliards de FCFA : le bilan est déjà lourd pour le secteur de l’hôtellerie et du tourisme. L’annonce de ce qui ressemble à une « deuxième vague », si elle se réalise, risque d’achever un secteur chancelant, durement touché par la pandémie.
Au Niger, les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le virus (restriction des voyages, des rassemblements et des spectacles, entre autres) ont conduit à la « fermeture totale de certaines entreprises du secteur », affirme Anafi Souleymane, directeur de l’Agence de la promotion du tourisme du Niger (APTN). Il intervenait lors d’un débat en ligne organisé le 8 décembre 2020 par Ouestaf News dans le cadre de son Forum Ouestaf sur le thème : « Hôtellerie et tourisme face au Covid-19 dans le Sahel : état des lieux et leçons à retenir ».
« L’impact du Covid-19 a été sévère pour les entreprises du secteur touristique et les mesures que nous devons prendre doivent être assez durables pour permettre à certaines (entreprises) de se relever », soutient M. Souleymane. Il précise que de mars à avril 2020, la pandémie du Coronavirus a occasionné une perte de plus de 11 milliards FCFA et la suspension de 14 mille emplois dans le secteur du tourisme de son pays.
Le 19 mars 2020, le gouvernement du Niger avait mis en place une série de mesures de prévention pour contenir la propagation de la pandémie du Covid-19, notamment la fermeture des frontières terrestres et aériennes du pays.
« Certains restaurants ont fermé d’eux-mêmes, faute de clients, ce qui est la conséquence directe du confinement et de l’instauration du couvre-feu », regrette Mme Dia Amina Abdoulaye Koutoubi, directrice générale de l’Hôtel Aliya à Niamey.
Plusieurs grandes chaines d’hôtel ont également été touchées. Selon Mme Dia, même si la plupart des hôtels de Niamey sont restés ouverts, c’est avec un faible taux d’occupation.
« Pour mon cas, j’avais un taux d’occupation de zéro pour cent d’avril à juin, ensuite moins de 10% jusqu’à ce jour », témoigne la directrice générale de l’Hôtel Aliya, en précisant que « 80% de son personnel est en chômage technique ».
Au Niger, 81 hôtels ont déclaré une fermeture provisoire à Niamey et une soixantaine ont suspendu leurs activités dans les régions. « Le reste, même s’ils ne l’ont pas fait, sont fermés », précise le Directeur de l’Agence de la promotion du tourisme.
Une étude sur « Impact du Covid-19 sur la croissance économique au Niger », révèle que les premiers secteurs à être touchés, par les mesures de confinement, sont le transport, l’hôtellerie ou encore le tourisme, « avec des annulations » de certaines activités.
« Certains analystes craignent fortement la faillite de plusieurs entreprises et l’accentuation du chômage, compte tenu des mesures de confinement », indique ce rapport qui date du 15 mai 2020.
Pourtant, en mars 2020, le gouvernement nigérien a adopté des mesures d’allègement fiscales, notamment, la réduction à 10% de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) et l’exonération de l’impôt forfaitaire (IMF) au titre de l’exercice 2020 dans le secteur de l’hôtellerie. Il a également décidé la suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant trois mois jusqu’au 30 juin 2020 pour les agences de voyages.
Des mesures d’atténuation sans effet
A l’instar du Niger, les mesures de restrictions prises par le gouvernement burkinabè pour endiguer la propagation du Cvod-19 ont eu « un impact néfaste sur l’activité du tourisme » dans le pays, souligne Geoffroy Sibidé Leman, directeur de Développement de l’industrie touristique (DDIT). Il estime à 15 milliards FCFA les pertes causées par les mesures de distanciation sociale, l’interdiction des regroupements de plus de 50 personnes. Les hôtels et restaurants au Burkina ont «perdu 80% de leur chiffre d’affaire », selon le patron du tourisme burkinabè.
« Actuellement, nous sommes à 30% des hôtels et restaurants fermés. Et pour l’emploi, chaque hôtel a compressé plus de 50% de ses employés », renchérit Mme Olivia Bayala, Secrétaire générale de l’Association des hôteliers et restaurateurs du Burkina Faso.
Toutefois, Geoffroy Sidibé Leman précise que « seules trois notifications de fermeture d’hôtels ont été reçues au niveau du ministre du tourisme, contre 47 pour les agences de voyages et de tourismes ».
En avril 2020, le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré avait annoncé lors d’un discours à la nation une série de mesures visant à atténuer les effets économiques négatifs de la pandémie du Covid-19 sur les activités des contribuables.
Toutefois, Mme Olivia Bayala indique que hormis la TVA qui est passée de 18 à 10% « les mesures prises pour atténuer l’impact du Covid-19 au sein des entreprises touristiques ne sont toujours pas effectives ». Tout comme elle déplore la lourdeur des conditions fixées par l’Etat pour l’accès à certains financements.
Tourisme interne ?
Pour Geoffroy Sibidé Leman, cette crise sanitaire a montré que « nous devons centrer nos intérêts sur la promotion du tourismes interne ». « Une réponse communautaire (des acteurs du secteur touristique) à cette crise serait une bonne solution pour les années à venir ».
Le directeur du Développement de l’industrie touristique au Burkina Faso estime qu’« ouvrir les frontières terrestres entre les Etats, peut donner une bouffée d’oxygène ». C’est dans ce sens que Mme Bayala, invite « l’Uemoa et la Cedeoa (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) à « créer des circuits inter-régionaux et essayer de développer le tourisme à l’intérieur de la sous-région au lieu de fermer les frontières ».
La directrice générale de l’Hôtel Aliya de Niamey, Dia Amina Abdoulaye Koutoubi, note quant à elle le besoin de « diversifier nos offres en appuyant les acteurs à créer de nouveaux produits touristiques et culturels ». A preuve, « au Niger, 70% des clients sont des étrangers », conforte Anafi Souleymane, Directeur de l’APTN.
Pourtant, le 7 décembre 2018, les ministres en charges du Tourisme des Etats membres de l’Uemoa, avaient approuvé un « projet de directive portant harmonisation des stratégies de développement touristiques au sein de l’Uemoa ».
Ils avaient également approuvé un « projet de règlement relatif aux agences de voyages et tourismes au sein de la zone » économique et « le projet de règlement relatif aux établissements touristiques d’hébergement ».
ON/fd/ts.
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