Ouestafnews – Des pertes estimées à plus de 310 milliards de dollars sur les recettes provenant de la vente de billets d’avions, soit une chute de 55% comparée aux recettes de 2019, voilà un des premiers bilans de la pandémie sur le transport aérien dans le monde. L’Association internationale de transport aérien (IATA) qui fournit ces chiffres, a dû les revoir à la hausse en avril 2020, lorsque l’Afrique a rejoint le reste du monde avec des mesures drastiques pour faire face à la pandémie, mesures qui ont affecté le secteur du transport aérien.
Frontières fermées, restrictions sur les voyages, avions cloués au sol, annulation de toutes les grandes rencontres internationales : la scène semble surréaliste mais est bien réelle. C’est celle du premier trimestre de l’année 2020 qui aura porté un rude coup au transport aérien partout dans le monde.
Résultat : faillites des compagnies les plus fragiles, pertes financières énormes chez les autres entraînant l’annulation des commandes chez les gros constructeurs et des licenciements massifs. Le climat a dépassé la morosité et il souffle un vent de panique chez tous les acteurs du transport aérien.
L’Afrique n’est pas épargnée et le bilan pourrait y être encore plus catastrophique, quand on connaît la faiblesse structurelle et la fragilité des compagnies aériennes africaines.
« Les compagnies aériennes du continent africain, prises collectivement, sont quasiment les seules à continuer à perdre de l’argent », souligne dans une tribune Ibra Birane Wane, un expert sénégalais du secteur qui a travaillé dans plusieurs compagnies et qui dirige aujourd’hui la société « Aviation and Co ».
Selon M. Wane, le trafic aérien post Covid-19 va se contracter « durablement » en raison d’une « méfiance » des voyageurs qui va s’installer, de la réduction des déplacements professionnels, et également le « tassement de la demande touristique, va accentuer la baisse du trafic ».
« Tous les analystes, y compris les dirigeants de grands groupes de transport aérien prédisent qu’il faudra compter au moins trois ou quatre ans pour retrouver le niveau d’activité d’avant crise du Covid-19. (…) Cette contraction du trafic provoquera inévitablement une concurrence exacerbée, toutes les compagnies allant à la recherche de la même clientèle rétrécie dans un monde ouvert », explique M. Wane dans sa tribune publiée par l’Enquête, un quotidien privé sénégalais.
Les Etats africains, pour stopper la propagation du Covid-19 et pour limiter les sources de contamination venues de l’extérieur, ont procédé à la suspension de vols et à la fermeture des aéroports (ainsi que les frontières terrestres, maritimes et fluviales). Ces mesures draconiennes ont entrainé l’annulation des vols à l’extérieur et à l’intérieur du continent.
Selon l’IATA, la pandémie du Covid-19 pourrait infliger pour l’année 2020 une perte d’environ 3,618 milliards FCFA pour l’ensemble des compagnies opérant en Afrique, près de 1% des pertes à l’échelle mondiale.
Lors d’un sommet « Aviation Africa », organisé les 4 et 5 mars 2020 à Addis-Abeba (Ethiopie), le vice-président Afrique de l’IATA, Raphaël Kuuchi, affirmait que « les premières estimations indiquent que 400 millions de dollars pourraient être perdus pour la deuxième semaine de février 2020 », selon des propos rapportés par l’Agence Ecofin.
Avec près de 95% des compagnies à l’arrêt, c’est une perte d’environ sept milliards de dollars de revenu passager que prévoit l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), qui regroupe 45 compagnies du continent.
C’est le cas des grandes compagnies africaines, notamment South African Airways, clouée au sol et menacée de faillites, et Ethiopian Airlines, qui annonce de grosses pertes financières.
« C’est une grande catastrophe pour les compagnies africaines dont les avions ne décollent plus. Elles n’ont plus de revenus, dans le même temps, elles subissent des coûts incompressibles », souligne le secrétaire général de l’AFRAA, Abderrahmane Berthé, cité par Africanews.
Les compagnies en attente de soutien…
Cette situation devrait inciter les gouvernements africains à envisager « une compensation des pertes inévitables, l’allègement des coûts d’exploitation exogènes et la subvention des compagnies aériennes africaines afin d’assurer la viabilité de l’industrie », plaide l’AFRAA, au moment où la plupart des compagnies africaines sont actuellement en crise.
L’IATA avait lancé le même plaidoyer au niveau mondial, en avril.
Et sans un soutien coordonné des Etats, la plupart des compagnies aériennes du monde seront en faillite, selon le Centre pour l’Aviation (Capa, sigle en anglais), l’une des sources d’information sur le marché de l’aviation et des voyages.
« Si les compagnies aériennes africaines ne reçoivent pas de soutien, elles vont se retrouver en situation d’insolvabilité, d’ici fin juin 2020 », avertit Abderrahmane Berthé.
Début avril 2020, le gouvernement ghanéen avait décidé du report de six mois des échéances de remboursement des emprunts bancaires par les compagnies du secteur de l’aviation civile.
Au Sénégal, le ministre du Tourisme et des transports aériens, Alioune Sarr, avait annoncé une subvention de 77 milliards FCFA qui s’inscrit dans le cadre du Plan de résilience économique et social (PRES).
Quant à l’Egypte, elle a annoncé le report de six mois du paiement des factures des services publics pour les compagnies aériennes du secteur privé.
Toutefois, « les aides indispensables des pouvoirs publics ne sauraient suffire à régler les problèmes qui se posent ; elles maintiennent les transporteurs en vie, elles ne suffissent pas, au plan conceptuel, à se projeter favorablement dans l’ère post Covid-19 », explique le directeur général d’Aviation and Co, Ibra Birane Wane.
Dans ces circonstances, selon M. Wane, les compagnies les mieux outillées dans la stratégie de la distribution internationale s’en sortiront le mieux, « pour le reste, l’hécatombe continuera ».
Emplois menacés…
« Le Groupe Air France-KLM qui vient pourtant de recevoir la promesse d’une aide massive de ses Etats (sous forme de prêts) envisage une réduction de 20% de ses capacités à partir de 2021 ! C’est qu’il est très conscient des enjeux du futur », souligne l’expert.
Et pourtant l’Organisation international du Travail (OIT) avait prévenu que le secteur des transports aériens, l’un des secteurs les plus touchés par la pandémie du Covid-19, court un risque élevé de hausse de licenciements et de réduction des salaires.
Selon une étude de l’IATA, deux millions d’emplois dans le secteur des transports aériens sont actuellement menacés sur le continent africain au moment où les suspensions de vols et fermetures des frontières aériens sont toujours en vigueur.
La contribution économique du secteur des transports aériens en Afrique est estimée à 169 milliards de dollars, ce qui représente 7,1% du PIB continental. Il emploie quelques 24,6 millions de personnes, selon un communiqué conjoint signé par l’IATA, l’AFRAA, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le Conseil mondial du voyage et du Tourisme (WTTC) et l’Association des compagnies aériennes d’Afrique australe (AASA), daté du 06 mai 2020.
« Les licenciements de personnels et réductions de flottes actuelles (…) sont mis en œuvre, non pas pour s’adapter au contexte actuel, mais bien pour entrer dans le futur post Covid-19 », explique Ibra Birane Wane.
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