Usage et trafic de drogue : alerte ( LIBRE OPINION)

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Par Kofi Annan *

Ces dix dernières années, l’Afrique de l’Ouest a réalisé de fragiles progrès dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la croissance économique.

Cependant le trafic international de stupéfiants et les réseaux criminels qui sont aux commandes ébranlent de plus en plus ces avancées. Ces trafics augmentent en effet de manière inquiétante, en particulier ceux de cocaïne et d’héroïne. Près de six tonnes et demi de cocaïne ont ainsi été saisies en 2009, contre seulement 100 kilos il y a dix ans.

L’an dernier, la Banque mondiale a estimé la valeur marchande de la cocaïne écoulée dans la sous-région à 6,8 milliards de dollars (5,2 milliards d’euros). Certes, ce problème ne concerne pas seulement l’Afrique de l’Ouest. Partout dans le monde, le trafic de stupéfiants et le crime organisé présentent un défi pour les démocraties, le droit et la justice. Les pays au sortir de conflits sont encore plus vulnérables : un ordre public ébranlé et l’emprise de la pauvreté facilitent l’infiltration et la corruption – par les réseaux criminels internationaux – de leurs institutions affaiblies.

Trois dangers en particulier découlent de cette menace. Le premier est la corruption. Financée par la drogue, la corruption peut ébranler les institutions d’un Etat naissant, fragiliser sa gouvernance et menacer sa capacité à maintenir l’ordre.

Deuxièmement, les trafiquants peuvent s’associer à d’autres groupes criminels, ou même pire, terroristes, pour déstabiliser la région et étendre leur influence. Enfin, l’impact destructeur des drogues sur la santé et la cohésion des communautés locales est un risque qu’il faut d’urgence prendre en compte. Malheureusement, cette tendance inquiétante est de plus en plus établie.

Selon un récent rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, en 2009, près d’un tiers de la cocaïne sud-américaine destinée au marché européen et ayant transité par l’Afrique de l’Ouest a été consommé sur place.

De nombreuses organisations, telles que les Nations unies et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, ont déjà tiré la sonnette d’alarme. Elles ont averti des risques que la drogue fait peser sur la gouvernance, la sécurité et la démocratie dans nos pays. Certes, les gouvernements de la sous-région ont commencé à agir, mais il est urgent d’accélérer nos efforts et de garantir une réponse cohérente au niveau régional et international.

Nous devons agir pour que les réseaux de trafiquants cessent de freiner le développement politique, économique et social de l’Afrique de l’Ouest. Un effort conséquent, commun et coordonné des Etats de la sous-région est indispensable, avec l’appui solide de la communauté internationale.

En particulier, une plus grande coopération est nécessaire tant avec les pays qui produisent ces drogues qu’avec ceux qui les consomment, afin de neutraliser ces trafics. Pour répondre à ce défi d’envergure, des experts ouest-africains indépendants et des représentants de la communauté internationale se réuniront cette année afin d’évaluer les dangers que pose la drogue à la gouvernance, la sécurité et la démocratie en Afrique de l’Ouest. Cette réunion permettra en particulier de coordonner nos actions et de proposer des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau. Nous avons déjà pu constater les ravages du commerce de la drogue dans d’autres régions du monde.
Nous ne pouvons laisser le trafic de drogue déstabiliser l’Afrique de l’Ouest, relancer la violence et détruire les progrès acquis si difficilement au cours des dernières années. Unissons nos forces afin d’empêcher pareil désastre.

*Ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies (Onu)

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