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Vaccination anti-Covid-19 : rumeurs et crainte des effets secondaires ralentissent la campagne

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Ouestafnews – Contre le Covid-19, les Sénégalais se vaccinent. Mais les discussions sur les effets secondaires polluent la campagne de vaccination, renforcent le scepticisme et la réticence. Selon une étude d’Afrobarometer, publiée en mars 2021, 79% des Sénégalais restent hésitants.

« Le vaccin contre le Covid-19, je n’en prendrai pas, même si on le rendait obligatoire », déclare Babacar Sané, venu accompagner sa femme pour une visite prénatale, au Centre de santé Nabil Choucair de la Patte d’Oie, un quartier à l’entrée de la périphérie dakaroise.

Pourtant, pour n’avoir pas porté de masque, ce vendeur de bois d’une quarantaine d’années n’a pu accéder à l’intérieur du centre de santé. Qu’à cela ne tienne ! Il préfère attendre sa femme à la porte d’entrée du centre de santé plutôt que de porter un masque ou encore se faire vacciner. Son argument : « c’est un simple rhume qu’on dramatise » !  

A côté de lui, Mor Sène, laveur de véhicules, abonde dans le même sens. « Avec tout ce qui se dit sur les vaccins, non merci », lance-t-il de manière sarcastique avant d’ajouter qu’il a même entendu que « des personnes sont décédées après avoir reçu le vaccin ».

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Il est vrai qu’un organe de presse dakarois (L’Observateur, privé) a précipitamment annoncé trois cas de décès liés aux vaccins, suscitant l’émoi auprès de la population. L’annonce a été très vite démentie par le ministère de la Santé le 16 avril 2021. Selon les services du ministère, un dispositif de pharmacovigilance a été déjà mis en place pour un suivi des personnes qui ont reçu leurs premières doses du vaccin AtraZeneca.

« Nous n’avons pas encore eu une seule personne décédée après la prise des vaccins Sinopharm ou AstraZeneca », a défendu le directeur de la prévention, Dr Mamadou Ndiaye, lors de la présentation du bulletin épidémiologique quotidien sur le Covid-19 le 16 avril 2021, devant la presse locale.   

Le Coordonnateur national de la vaccination, Dr Ousseynou Badiane cité par la presse locale, a de son côté admis que le Sénégal a effectivement enregistré 53 hospitalisations de personnes ayant pris le vaccin. Parmi elles, neuf cas graves et trois décès. Toutefois, s’empresse-t-il de préciser : « il n’y a pas encore de relation de cause à effet. Une enquête est ouverte par un comité d’experts indépendants pour établir le lien ou non avec les vaccins injectés ».

« Les gens doivent comprendre que les effets (du) Covid-19 sont pires que ceux du vaccin », a précisé à Ouestaf News, Pr Tandakha Dièye, immunologue et membre du groupe d’experts du Comité consultatif pour la vaccination au Sénégal. 

La réticence de certaines populations à aller se faire vacciner n’est que « le prolongement des peurs et frustrations que la mauvaise gestion politique de cette pandémie a suscité en amont », explique le socio-anthropologue, Pape Serigne Sylla, chercheur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris (France).

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Pour sa part, l’enseignant-chercheur en communication, Dr Sahite Gaye pense que « la durée de la pandémie n’a pas facilité la tâche ». Selon ce dernier, il convient de prendre en compte « la question de la désinformation qui est au cœur de cette attitude réfractaire ».

De manière générale, la réticence aux vaccins anti Covid-19 en Afrique était prévisible, selon le docteur Gaye.

On se souvient que lors de la première vague meurtrière de la pandémie en avril 2020, des médecins européens, notamment Camille Locht, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, France) et Jean-Paul Mira, chef de service de réanimation de l’hôpital Cochin à Paris, cités par la BBC Afrique, avaient suggéré, sur une chaine française, de procéder, en Afrique, à des essais cliniques visant à déterminer si un vaccin contre la tuberculose s’avérerait efficace contre le Covid-19.

D’après Dr Gaye, depuis cette sortie, le vaccin est devenu un des thèmes centraux des « Fake news » en lien avec le Covid-19.

 Les Sénégalais, les plus sceptiques

Une étude d’Afrobarometer, publiée début mars 2021, réalisée dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Libéria, Niger, Sénégal et Togo), indique que la plupart des personnes sondées, affirment ne pas faire confiance à leur gouvernement pour garantir l’innocuité des vaccins.

Intitulé « Qui veut du vaccin anti-Covid-19 ? », ce rapport souligne que seules quatre personnes sur dix seraient susceptibles d’essayer de se faire vacciner. Au Sénégal, ce ratio est encore plus faible, seule une personne sur cinq serait prête à prendre un vaccin anti Covid-19.  

En Afrique de l’Ouest, les Sénégalais (79%) et les Libériens (66%) sont les plus sceptiques à l’idée de se faire vacciner, indique le document.

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Une étude du Bureau de prospective économique (BPE) du Sénégal, rattaché au secrétariat général du gouvernement, publiée en mars 2021, indique que 65% des personnes interrogées justifient leur réticence au vaccin à cause des risques liés aux effets secondaires, 8,3% du fait de la non dangerosité du Covid-19 et 6,2% invoquent la rapidité de fabrication des vaccins.

Les effets indésirables des vaccins anti-Covid-19, notamment de l’AstraZeneca, ont conduit plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, à suspendre la vaccination. L’Afrique du Sud craignait des cas de thrombose (coagulation sanguine qui entraîne la formation de caillots) chez certaines personnes vaccinées, comme il a été noté en Allemagne et en Espagne, deux pays qui avaient « temporairement » suspendu l’administration de ce vaccin.

Au Sénégal, malgré la polémique au niveau mondial, les autorités sanitaires ont décidé de maintenir la vaccination avec le vaccin AstraZeneca. « Il n’y a pas d’arguments scientifiques avérés par rapport à un quelconque effet secondaire indésirable » de ce vaccin, avait indiqué le directeur de la Prévention, Dr Mamadou Ndiaye, cité par BBC Afrique.

Nombre de vaccinés en baisse

Le Sénégal a reçu 200.000 doses de vaccin Sinopharm et plus de 324.000 doses d’AstraZeneca dans le cadre de l’initiative Covax de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), dont le but est d’assurer aux pays pauvres l’accès à la vaccination. 

Il a débuté sa campagne de vaccination le 23 février 2021. A la date du 30 avril 2021, le pays a vacciné 413.031 personnes sur toute l’étendue du territoire, selon les statistiques du ministère de la Santé et de l’Action sociale.

Une analyse des statistiques de la campagne de vaccination effectuée par Ouestaf News permet de conclure que cette polémique de mi-avril 2021 a eu un impact sur les performances de la campagne.  

En 52 jours, entre le 23 février et le 15 avril, la campagne a permis de vacciner 379.900 personnes, soit une moyenne de 7.305 personnes par jour. Cette moyenne a vertigineusement chuté pendant les 16 jours qui ont suivi la polémique. C’est-à-dire, du 16 avril au 1er mai (16 jours), seules 33.131 personnes ont pu être vaccinées soit 2.070 par jour.

Le gouvernement sénégalais avait pour objectif de faire vacciner en priorité les personnels de santé et les personnes âgées et atteintes de comorbidité, soit 3% de la population. La campagne de vaccination a ensuite été élargie à « 20% de la population » car « des gens prioritaires ne se présentaient pas », dans les centres de vaccination, souligne le Coordonnateur national de la vaccination, Dr Ousseynou Badiane, cité par l’Agence France-Presse.  

C’est le cas au niveau du centre de santé de Hann Maristes. La vaccination s’y poursuit mais sans grand rush, a pu constater un reporter d’Ouestaf news.

Curieusement, dans certains points de vaccination, les doses commencent à manquer. Selon le Pr Tandakha Dièye, interrogé par Ouestaf News cela pourrait signifier que « les gens sont allés se faire vacciner » dans ces centres de vaccination. 

Au centre de vaccination du centre de santé Nabil Choucair de la Patte d’Oie, il n’y a plus de vaccins disponibles. « Je suis venue me faire vacciner mais on m’a dit que le vaccin Covid-19 est fini depuis quelques jours », se plaignait Mati Diagne, une quinquagénaire rencontrée sur place le jour du passage d’un reporter d’Ouestaf News. Une information confirmée par le service d’accueil à d’autres personnes venues se faire vacciner.

ON/fd/ts


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