Ouestafnews – Les autorités burkinabè accusent l’ONG International NGO Safety Organization (Inso) d’espionnage et ont arrêté huit de ses membres depuis fin juillet 2025. L’organisation, basée à La Haye (Pays-Bas), rejette ces accusations qu’elle juge infondées.
« Cette organisation non-gouvernementale constituait un réseau d’espionnage au Burkina Faso », accuse le ministre de la Sécurité, Mahamadou Sana, lors d’une conférence de presse organisée à Ouagadougou, le 7 octobre 2025. Il a expliqué que l’ONG, officiellement chargée de former et d’appuyer les acteurs humanitaires sur les questions sécuritaires, a, en réalité mené une « collecte systématique d’informations sensibles » sur le pays.
Les travailleurs de l’Inso sont accusés d’avoir recensé des itinéraires et compositions de convois militaires, noté les positions et mouvements des forces de défense et de sécurité ainsi que des volontaires pour la défense de la patrie. Les autorités burkinabè leur reprochent également d’avoir enregistré les coordonnées GPS des zones d’affrontement avec des groupes armés et dressé le bilan des attaques survenues dans différentes régions.
Dans sa prise de parole, le ministre de la Sécurité affirme que ces données étaient centralisées à l’étranger et pouvaient être exploitées par des puissances étrangères au détriment de la sécurité nationale du Burkina Faso.
Un arrêté pris le 31 juillet 2025 avait suspendu les activités de l’ONG pour une durée de trois mois. Le gouvernement accusait l’organisation de « collecte de données à caractère sensible sans autorisation préalable et ce, contrairement à son objet d’aide humanitaire ».
À la même période, le gouvernement avait révoqué les autorisations d’exercer de plusieurs associations dont des organisations non gouvernementales (ONG) internationales pour « non-respect des textes régissant le fonctionnement des associations et ONG ».
Pour le cas de l’ONG Inso, malgré cette décision, le gouvernement reproche à certains de ses responsables de poursuivre des activités clandestines de collecte d’informations et d’organisation de réunions.
Plusieurs membres de l’organisation ont été ainsi arrêtés depuis la suspension des activités de celle-ci, fin juillet 2025. Parmi eux, le directeur pays, Jean-Christophe Pégon (Français), son adjointe Aminata Marianne Guissé (Franco-sénégalaise), le directeur des programmes, Thomas Muzik, (Tchèque), ainsi qu’un ressortissant malien et quatre Burkinabè.
Tous doivent être traduits devant le procureur pour « espionnage » pour les ressortissants étrangers et « trahison » pour les Burkinabè, conformément aux dispositions du code pénal, précise le ministre de la Sécurité.
Détaillants les éléments de l’enquête, les autorités assurent par ailleurs que l’ONG avait mis en place un système de collecte reposant sur des relais locaux, recrutés parmi d’anciens militaires, des commerçants, des enseignants et des infirmiers vivant dans des zones exposées aux violences. Ces agents ont été rémunérés par des salaires jugés « mirobolants » afin de faciliter la transmission d’informations, souligne le ministre Sana.
De son côté, l’Inso, à travers un communiqué publié le même jour – 7octobre 2025 – et consulté par Ouestaf News, rejette catégoriquement cette version des faits. L’organisation rappelle qu’elle est une structure humanitaire à but non lucratif, présente dans plus de vingt pays.
L’Inso défend que son rôle est de fournir des informations non confidentielles aux ONG afin d’améliorer la sécurité des employés des organisations humanitaires sur le terrain. L’ONG insiste sur le fait que les données qu’elle collecte sont accessibles publiquement et ne visent qu’à prévenir les risques liés à l’insécurité, notamment dans les zones de conflit.
Inso affirme également avoir coopéré pleinement avec l’enquête et tenté d’ouvrir un dialogue direct avec le ministre de la Sécurité, sans succès. Elle estime que l’assimilation de son travail humanitaire à des activités de renseignement est non seulement « infondée » mais également dangereuse, car elle expose davantage les humanitaires présents sur le terrain.
L’organisation dit poursuivre ses efforts pour obtenir la libération de ses huit collaborateurs détenus, parmi lesquels son directeur des programmes, arrêté à Ouagadougou début septembre alors qu’il espérait rencontrer les autorités pour résoudre le différend.
Cette affaire survient dans un contexte où la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis près de trois ans, a renforcé son discours souverainiste et anti-impérialiste, tout en rompant avec plusieurs partenaires occidentaux, au premier rang desquels la France.
Cette affaire rappelle la méfiance accrue du régime burkinabè à l’égard des ONG internationales. Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, plusieurs organisations ont vu leurs autorisations suspendues ou retirées, au nom de la souveraineté et de la lutte contre l’ingérence étrangère.
En restreignant l’espace d’action des ONG, le gouvernement risque de fragiliser la capacité des acteurs à intervenir dans des zones déjà très exposées aux violences, dans un contexte sahélien marqué par l’insécurité et les besoins croissants d’aide des populations déplacées.
De leur côté, les autorités font de la lutte contre le terrorisme et de ses sources de financement une priorité. Les ONG internationales, elles, déjà confrontées à des conditions de plus en plus restrictives, voient leur présence remise en cause.
HD/fd
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