Ouestafnews – Un rapport du Policy Center for the New South (PCNS), un think tank marocain, publié en juillet 2025, alerte sur une évolution inédite du terrorisme au Sahel. Le groupe terroriste Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) utilise désormais des drones de manière systématique pour mener des attaques meurtrières au Mali, au Burkina Faso et au Togo. Intitulé « Lutte contre la prolifération des drones du JNIM au Sahel », le document alerte sur l’essor de l’usage de ces engins.
Depuis sa première frappe confirmée en septembre 2023 à Bandiagara, au Mali, le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) a réalisé plus d’une trentaine d’attaques, dont 82 % ont été enregistrées après mars 2025, selon le rapport du Policy Center for the New South (PCNS), un think tank marocain. Une évolution rapide qui témoigne, selon le document, d’un changement tendant à confirmer que l’usage des drones par le JNIM n’est plus expérimental, mais intégré à une véritable doctrine de guerre.
Le rapport publié en juillet 2025révèle aussi que le JNIM, aux côtés du Front de libération de l’Azawad (FLA), est aujourd’hui le seul groupe armé en Afrique, « et l’un des rares au monde », à mener des opérations aériennes par drones de manière soutenue dans plusieurs pays : le Mali, le Burkina Faso et le Togo.
Parmi les attaques de drones les plus récentes et marquantes qui lui sont attribuées, figurent celles menées dans les villes de Boulkessi et Tiby (juin 2025) ou Dioura (mai 2025) au Mali ; de Loroum (avril 2025) et Koumbri (juin 2025) au Burkina Faso et celle de Djignandjoaga (avril 2025) au Togo. Ces frappes, souvent coordonnées avec des assauts au sol, font partie de la nouvelle stratégie militaire du groupe terroriste.
L’étude souligne également que cette militarisation technologique s’est faite avec des moyens modestes mais redoutables. Le JNIM s’appuie sur des drones civils du commerce qu’il modifie pour y intégrer des explosifs, souvent « artisanaux ». Grâce à l’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle hors ligne et d’outils disponibles en open source, le groupe parvient à contourner les systèmes de brouillage, à planifier des trajectoires et à frapper des cibles hautement sécurisées, précise le rapport.
« La barrière technique à la frontière semble s’être effondrée », avertit le rapport, précisant que ces outils sont désormais suffisants pour mener des opérations de plus en plus létales.
Cette montée en puissance ne reste pas sans réponse sur le terrain, comme en témoigne la récente alerte lancée par les autorités régionales de Kayes (Mali) après les attaques de début juillet 2025. Le Gouverneur avait mis en garde contre l’usage non contrôlé de drones civils, désormais considérés comme un risque potentiel dans un contexte sécuritaire tendu. Il a demandé à tous les détenteurs de drones de restreindre leur utilisation et de se référer aux autorités militaires avant tout vol.
Mais au-delà de la simple dimension technique, le rapport met en avant une stratégie plus large. Le JNIM filme ses attaques et les diffuse dans un format très similaire à celui utilisé par les forces armées étatiques, notamment le Burkina Faso. Il s’agit, selon le document, d’un outil de communication destiné à « démontrer la puissance du groupe » et « à influencer les perceptions locales ». A travers la propagande des images de drone, le JNIM cherche « remettre en question les discours de supériorité de l’État », lit-on dans le texte.
Le rapport revient également sur la collaboration décisive entre le JNIM et le FLA. Ce dernier, qui fut le premier à utiliser des drones de manière structurée dans le Nord-Mali, aurait contribué au transfert de compétences techniques vers le JNIM.
L’ancien commandant du FLA, le colonel Hussein Ghulam, désormais associé à plusieurs frappes majeures, incarne ce passage de relais, selon le rapport. Son nom est lié à des attaques meurtrières comme celle menée contre le centre d’entraînement de Tiby en juin 2025, où plus de 30 recrues ont été blessées, lit-on.
Cette montée en puissance du JNIM à travers les drones ne s’arrête pas aux trois pays actuellement ciblés. Le rapport note des signaux clairs d’expansion vers le Niger, le Bénin et potentiellement d’autres États côtiers.
Face à cette menace, les armées sahéliennes peinent à réagir efficacement. Des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont acquis des drones militaires turcs pour faire face à la menace terroriste, selon l’Institut d’études de sécurité (ISS). Toutefois, d’après le rapport du PCNS, leurs capacités de détection et de neutralisation de drones légers restent limitées.
Les systèmes anti-drones, rares et coûteux, restent hors de portée, financière surtout, pour plusieurs États sahéliens. Le rapport prévient que « sans intervention coordonnée, la menace évoluera probablement plus vite que ce que les systèmes actuels peuvent suivre ou contrer ».
Le PCNS formule une série de recommandations, allant de la création d’une force de réponse régionale spécialisée dans les contre-mesures anti-drones à l’investissement dans des technologies locales adaptées, en passant par des exercices tactiques en conditions réelles et l’analyse systématique des drones capturés.
Cette alerte intervient alors que la Confédération des États du Sahel (Mali, Burkina Faso et Niger) a annoncé, en début d’année 2025, la mise en place d’une force conjointe de 5 000 hommes. Un premier pas vers une réponse commune ?
Mais au vu de la rapidité avec laquelle le JNIM adapte et déploie ses moyens, la réponse sécuritaire devra aller au-delà des seules logiques militaires. C’est aussi une bataille de technologie qu’il faut désormais mener. La guerre au Sahel est-elle en train de changer de visage ?
HD/md
Voulez-vous réagir à cet article ou nous signaler une erreur ? Envoyez-nous un message à info(at)ouestaf.com.