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Guinée – Présidentielle : partis suspendus, leaders exilés… qui pour défier Doumbouya ?

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Ouestafnews – Après le référendum constitutionnel de fin septembre 2025, la Guinée s’achemine, avec beaucoup d’incertitudes, vers une élection présidentielle le 28 décembre 2025. Même si la nouvelle constitution lui donne droit de briguer le suffrage des Guinéens, le général Mamadi Doumbouya n’a toujours pas fait de déclaration à ce sujet. Il s’y ajoute cette grosse question :  les partis les plus représentatifs étant suspendus et la plupart des leaders en exil, qui pourra défier Doumbouya lors du prochain scrutin ?

« Pour être réaliste, je ne vois pas aujourd’hui d’homme providentiel capable de le (Mamadi Doumbouya) défier », estime d’emblée l’analyste politique Moussa Samoura, interrogé par Ouestaf News.

La présidentielle est prévue le 28 décembre 2025 selon un décret présidentiel du 27 septembre 2025.

Avec cette élection, la junte au pouvoir espère en finir avec la transition militaire, amorcée après le coup d’État de septembre 2021 qui a mené le général Mamadi Doumbouya au pouvoir.

Sous pression de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), les putschistes du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), avaient, dès leur arrivée au pouvoir, signé une Charte de la Transition. Avec celle-ci, le président Doumbouya avait promis de rendre le pouvoir aux civils dans un délai de deux ans. Quatre ans plus tard, cette promesse n’est pas encore tenue.

Le pouvoir politique est toujours entre les mains des putschistes même si un vote référendaire a récemment offert une nouvelle constitution qui a redessiné le cadre institutionnel du pays. Depuis, tout s’est accéléré : en l’espace de deux jours, la Constitution a été promulguée et la date de la présidentielle annoncée.

Dans un entretien accordé à Ouestaf News, le politologue, Kabinet Fofana estime que la diligence dans la mise en œuvre d’un calendrier traduit « une volonté d’en finir avec la transition et de retourner à l’ordre constitutionnel ».

M. Fofana, par ailleurs directeur de l’Association guinéenne de science politique, rappelle que le processus de retour à un ordre constitutionnel « a connu du retard et ce regain d’intérêt » permet aux autorités de la transition « d’accélérer les choses ».

D’autant plus que cette nouvelle Constitution semble libérer le général Doumbouya de certains points de la Charte de la transition et surtout de sa promesse de laisser le pouvoir aux civils. Désormais, rien n’interdit à Doumbouya et aux membres du gouvernement de transition de se présenter à la présidentielle.

Pour Aissatou Chérif Baldé, leader du mouvement Alliance du peuple pour le changement (APC), le référendum constitutionnel était « une façon de demander au peuple de Guinée s’il était pour la candidature de Mamadi ou non ». Selon elle, « ce n’est pas un retour à l’ordre constitutionnel, c’est plutôt une façon de légitimer son pouvoir ».

Une opposition en ruine

L’opposition, privée de manifestations depuis 2022, accuse le général Mamadi Doumbouya de vouloir écarter les candidats crédibles. Trois des principales formations politiques ont été suspendues en août 2025 par le ministère de l’Administration du territoire et la Décentralisation pour des « manquements » à la Charte des partis politiques, quelques jours avant l’ouverture de la campagne référendaire.

Parmi elles, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), dont le leader, Cellou Dalein Diallo, est en exil depuis 2022. Longtemps figure centrale de l’opposition guinéenne, son parti demeure affaibli par la suspension et l’éloignement de son leader.

Le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG-Arc-en-Ciel), l’ancien parti au pouvoir d’Alpha Condé, lui aussi en exil, vit une situation similaire. Bien qu’il conserve une structure militante solide à l’échelle nationale, le RPG a perdu sa position dominante depuis la chute du régime en 2021.

La formation de Rafiou Sow, Parti du Renouveau et du Progrès (PRP), complète la liste des trois partis majeurs suspendus par la junte.

Aissatou Chérif Baldé rappelle que « les partis qui ont été suspendus représentent à peu près 90 % de l’électorat guinéen ». Elle estime qu’organiser des élections « sans ces grands partis politiques, c’est aller droit au mur. »

Tous ces partis frappés de sanctions temporaires, sont privés de toute possibilité d’organiser des réunions politiques ou de mener campagne pendant la durée de leur suspension.

Ces suspensions n’empêchent pas, pour le moment, ces partis de participer à la prochaine élection car elles « ne sont pas définitives », analyse Moussa Samoura, chef du département de science politique à l’Université Mahatma Gandhi de Conakry. Selon lui, normalement, « d’ici décembre, on s’attend à ce qu’elles soient levées ».

Toutes ces hypothèses laissent intacte la question centrale : celle de l’adversaire de poids pouvant faire face au général Doumbouya ? Le politologue Kabinet Fofana reste prudent : « c’est difficile de dire aujourd’hui qui pourrait le défier ». Selon l’analyste politique, il faut d’abord voir les partis et candidats en lice pour le prochain scrutin.

Même si les partis suspendus retrouvent leurs droits de mener des activités, leur capacité à faire campagne demeure incertaine, estime Kabinet Fofana.

Pour le moment, le Bloc libéral (BL), dirigé par Faya Lansana Millimono reste l’un des rares partis d’opposition à mener des activités sur le terrain. Il s’est distingué récemment en étant la seule formation à avoir officiellement battu campagne pour le « Non » lors du référendum constitutionnel de septembre 2025.

Bien que cette situation ait donné une certaine visibilité au parti, le Bloc libéral reste encore loin de la capacité de mobilisation des grandes formations comme l’UFDG ou le RPG.

A Conakry, le dépôt des candidatures est déjà lancé et certains partis non suspendus ont désigné leurs candidats et transmis leurs dossiers à la Commission de réception et de validation des parrainages.

La Direction générale des élections (DGE) a, le 7 octobre 2025, mis en place une commission de réception et de validation des parrainages, ainsi qu’une commission financière. En revanche, aucune date n’a encore été fixée pour la clôture du dépôt des candidatures à la présidentielle.

La suspension des trois partis de l’opposition dont l’UFDG et le RPG est censée prendre fin vers la fin du mois de novembre 2025. Mais entre la fin de leur suspension et le 28 décembre, « ces partis seront-ils capables de présenter leurs candidats et de participer à la prochaine élection », s’interroge le politologue ?

La DGE a annoncé avoir enregistré plus d’une cinquantaine de dossiers de candidature. Cependant, d’après les médias locaux, aucun acteur majeur de la scène politique guinéenne ne figure parmi les candidats.

Kabinet Fofana estime que « si les autres leaders restent absents », des figures comme Ousmane Kaba, déjà candidat par le passé, « pourraient émerger » pour en profiter. Ousmane Kaba est le président du Parti des démocrates pour l’espoir (Pades) et a été deux fois candidat à la présidentielle.

Dans la cinquantaine de candidatures déjà déclarées, au moins seize se présentent en tant qu’indépendants et parmi eux des militants de partis suspendus.

Le général Doumbouya n’a pas encore déclaré sa candidature, mais ses partisans mènent une campagne de communication et parfois des marches pour le convaincre à prendre part à cette présidentielle.

 « En voyant la réalité politique, tout porte à croire que la candidature de Doumbouya ne fait plus l’ombre d’un doute », estime Moussa Samoura, chef du département de science politique à l’Université Mahatma Gandhi de Conakry.

Selon lui, le chef de la junte part avec une avance considérable « parce que les institutions de la transition sont sous son contrôle ». Toutefois, nuance-t-il, « je ne peux pas dire que le jeu est fait à l’avance ».

Kabinet Fofana semble abonder dans le même sens estimant qu’« on ne devrait pas prendre le résultat du référendum comme un baromètre pour mesurer la popularité du président ».

Surtout que le président Doumbouya a préféré, après le référendum constitutionnel, passer d’abord par l’élection présidentielle avant les élections locales et législatives.

HD/fd/ts


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