Ouestafnews – En avril 2025, une responsable d’association de malades a soutenu que le Sénégal ne comptait « que quatre hôpitaux » disposant d’un service de rhumatologie. Ouestaf News a vérifié cette allégation.
La déclaration a été faite par Dédé Didi, de l’association sénégalaise des malades de polyarthrite rhumatoïde. Ses propos ont été rapportés par le site sénégalais d’information Rewmi dans un article mis en ligne le 13 avril 2025.
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire qui ne se guérit pas. Chez les personnes qui en souffrent, le système immunitaire s’attaque aux articulations, causant des douleurs, des raideurs ou même des déformations au niveau des zones des articulations : mains, poignets, genoux, pieds, par exemple.
Selon Rewmi, Dédé Didi s’exprimait à l’occasion d’une cérémonie de don de médicaments et elle a indiqué « qu’il n’y a que quatre hôpitaux qui ont un service de rhumatologie » au Sénégal.
D’où vient ce chiffre ?
Jointe par téléphone par Ouestaf News, Dédé Didi a confirmé les propos qui lui ont été attribués. Son association, baptisée Polyarthrite rhumatoïde Sénégal (PRS), a ensuite transmis à Ouestaf News une réponse écrite pour en préciser le contexte. « La déclaration de Mme Didi s’inscrit dans le cadre d’une sensibilisation sur la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune chronique qui nécessite un suivi spécialisé en rhumatologie » et elle s’est exprimée en se fondant sur son « expérience de terrain », a indiqué PRS.
D’après cette expérience, a ajouté l’association Polyarthrite rhumatoïde Sénégal, quatre « hôpitaux publics proposent des services ou consultations spécialisés en rhumatologie » au Sénégal. Elle a cité quatre hôpitaux publics : le Centre hospitalier universitaire de Fann, le Centre hospitalier national Aristide Le Dantec et l’Hôpital Principal de Dakar, tous trois situés dans la capitale sénégalaise, ainsi que l’Hôpital Dalal Jamm, à Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar.
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L’Hôpital Aristide Le Dantec a été fermé en août 2022 pour être reconstruit, et ses personnels, ses patients et ses matériels ont été transférés vers d’autres établissements hospitaliers. Le chantier de reconstruction a été lancé en septembre 2022 et l’hôpital remis à neuf devait initialement être livré en décembre 2023, selon les autorités. Mais les travaux ont accusé du retard et devraient durer trois ans de plus, ont rapporté en avril 2025 des médias privés sénégalais citant le maître d’ouvrage délégué par le ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale, le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis).
Les données officielles
Pour les besoins de cet article, Ouestaf News a contacté Dr Ousmane Dia, directeur des Établissements publics de santé au ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale. Dr Dia a transmis à Ouestaf News un document daté du 18 avril 2025 détaillant l’état des services de rhumatologie dans les Établissements publics de Santé – les EPS – dans le pays.
Huit de ces établissements réalisaient « des consultations en rhumatologie » à la date indiquée, peut-on lire dans ce point sur la « situation des rhumatologues au niveau des EPS » au Sénégal.
Les huit hôpitaux publics concernés sont de niveaux 1, 2 et 3.
Les hôpitaux publics font partie des établissements publics de santé, d’après des documents officiels concernant la carte sanitaire du Sénégal. Les EPS comprennent aussi des établissements « non hospitaliers » offrant des services spécialisés comme « la gestion des approvisionnements et des stocks de médicaments » et « la transfusion sanguine et produits dérivés ». Les hôpitaux publics sont classés par niveau, le plus élevé étant le niveau 3.
Hôpitaux publics de niveaux 1, 2 et 3
L’hôpital public de premier niveau (ou EPS 1), à vocation départementale, offre des soins courants afin de prévenir les maladies, de réduire leur gravité ou de guérir les malades, par exemple en administrant des médicaments, en effectuant des opérations chirurgicales ou des transfusions de produits sanguins. Il offre aussi des soins spécialisés, c’est-à-dire effectués par un personnel médical spécialisé, est-il expliqué dans un de ces documents officiels.
L’hôpital public de niveau 2 (EPS 2) est à vocation régionale. Il offre tous les types de soins d’un hôpital public de niveau 1 mais aussi « des soins spécialisés plus élargis » ainsi que des soins en faveur de malades victimes de séquelles ou encore d’infirmité partielle ou totale.
Quant à l’hôpital public de niveau 3 (EPS 3), il est à vocation nationale et offre tous les types de soin d’un EPS 2, mais aussi des soins hautement spécialisés : médecine, chirurgie, obstétrique, psychiatrie, soins palliatifs… « Il peut mener des activités d’enseignement, de recherche encadrée et de formation, en collaboration avec les universités, les instituts et les écoles de santé, et autres structures de recherche », précise le ministère de la Santé.
Rhumatologues dans le public
Au total, treize rhumatologues étaient en activité dans huit hôpitaux publics de référence dans le pays à la date du 18 avril 2025, d’après le document de la Direction des Établissements publics de santé au Sénégal transmis à Ouestaf News.
Selon cette note, seul l’Hôpital Aristide « Le Dantec dispose d’un service de rhumatologie » à part entière. Dans les sept autres établissements publics de santé concernés, la rhumatologie est intégrée aux services de médecine interne, d’orthopédie ou de traumatologie.
Neuf rhumatologues sont déployés dans les hôpitaux publics de niveau 3 : quatre à l’Hôpital Le Dantec, trois à l’Hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, et les deux autres répartis entre le Centre hospitalier universitaire de Fann et l’Hôpital général Idrissa Pouye, à Dakar, détaille le même document. Pour les hôpitaux de niveau 2, seul le Centre hospitalier régional de Fatick (centre du pays) compte un rhumatologue permanent.
Les autres rhumatologues assurent leurs consultations dans trois hôpitaux publics de niveau 1 : le centre hospitalier dit Institut d’hygiène sociale (ex-Polyclinique) à Dakar, l’Hôpital Ndamatou à Touba (centre du pays), et le Centre hospitalier départemental Thierno Mouhamadoul Mansour Barro de Mbour (environ 80 km à l’est de Dakar).
Dr Ousmane Dia, le directeur des Établissements publics de santé, a par ailleurs précisé à Ouestaf News qu’un centre national de rhumatologie est prévu à Diamniadio, près de Dakar, sans plus de détails.
Général Mame Thierno Dieng, médecin militaire sénégalais et ancien directeur de l’Hôpital Principal de Dakar, a confirmé à Ouestaf News l’existence d’un service de rhumatologie dans cet établissement depuis 2021. « À mon arrivée en 2019, l’hôpital n’en avait pas. C’est moi qui ai mis en place ce service » et « depuis 2021, nous disposons de locaux fonctionnels pour un service autonome », a assuré général Dieng.
Bémol de syndicats
Les assurances des autorités sénégalaises ont été nuancées par des syndicats du secteur de la Santé, qui n’ont cependant pas démenti les chiffres officiels.
Joint par Ouestaf News, Mballo Dia Thiam, président de l’Alliance des syndicats autonomes de la Santé (Asas-And Gueusseum, « Ensemble pour faire bouger les choses ») au Sénégal, ne s’est pas prononcé sur le nombre d’hôpitaux disposant d’un service de rhumatologie. Il a soutenu que l’accès à la rhumatologie reste limité et inégalement réparti sur le territoire.
Toutefois, a affirmé ce responsable syndical, le débat dépasse la rhumatologie. « Nous ne pouvons pas nous focaliser uniquement sur cette spécialité dans nos revendications. Le pays manque cruellement de spécialistes dans presque toutes les disciplines : pédiatrie, gynécologie, médecine physique… ».
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Mballo Dia Thiam a également dénoncé des problèmes structurels dans le secteur de la santé au Sénégal, dont la fuite des cerveaux et la reconversion de spécialistes en gestionnaires, ce qui affaiblit les capacités de formation.
« Plusieurs de nos grands spécialistes sont devenus directeurs d’hôpitaux. Résultat : on perd un expert dans sa spécialité, mais aussi un formateur. Quand quelqu’un qui a Bac + 12 quitte la pratique pour devenir gestionnaire, c’est une double perte. D’ailleurs, en rhumatologie, nous ne disposons pas de chiffres. Faute de spécialistes pour assurer la relève et faire de la recherche, il n’existe que des estimations, jamais de chiffres précis », a déclaré M. Thiam.
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Allégation incorrecte
En avril 2025, une responsable d’association de malades de polyarthrite rhumatoïde a soutenu que le Sénégal ne comptait « que quatre hôpitaux » disposant d’un service de rhumatologie. Son association a ensuite précisé qu’elle entendait par là que seuls quatre « hôpitaux publics proposent des services ou consultations spécialisés en rhumatologie » au Sénégal. Des allégations inexactes, d’après la vérification d’Ouestaf News.
Selon des chiffres du ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale, à la date du 18 avril 2025, huit hôpitaux publics du pays disposaient de services de rhumatologie à part entière ou intégrés à d’autres services. Un ancien directeur d’hôpital public a précisé à Ouestaf News que son établissement a un service de rhumatologie autonome et fonctionnel depuis 2021.
Une organisation syndicale du secteur de la Santé a indiqué à Ouestaf News que l’accès à des services de rhumatologie était inégal à travers le Sénégal, une situation qui concerne plusieurs spécialités médicales et ce, « dans presque toutes les disciplines ».
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