Sénégal : viols et meurtres en série ravivent le débat sur la peine de mort

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Dakar, mars 2019/Image/Ouestafnews

Ouestafnews – Une série d’actes violents enregistrés depuis le début de l’année 2019, notamment des cas de viols et de meurtres, ont ravivé le débat sur la peine de mort au Sénégal. Chez les défenseurs de la peine capitale, on sonne la mobilisation depuis la tentative de viol, suivie du meurtre d’une jeune fille de 23 ans dans l’est du pays.

Bineta Camara, assassinée par un « ami » de sa famille à Tambacounda (Est du Sénégal) le 18 mai 2019, n’était pas la première victime. Mais son cas est devenu emblématique et aura servi à sonner la mobilisation d’une opinion publique encore sous le choc, et qui l’exprime quotidiennement, parfois violemment, via les médias et les réseaux sociaux.

Sur ce post Facebook, ce citoyen se prononce pour un rétablissement de la peine de mort.

Contrairement aux nombreuses victimes anonymes enregistrées un peu partout dans le pays depuis des mois, la défunte demoiselle était la fille d’un responsable du parti au pouvoir et directeur d’une des grandes agences étatiques. Son statut de jeune fille voilée (symbole pour certains d’un respect strict de préceptes islamiques) aura aussi contribué à émouvoir des Sénégalais qui disent en avoir assez de l’insécurité galopante.

Dans la même semaine que le meurtre de Bineta Camara, le cadavre d’une dame de 35-40 ans a été découvert le 19 mai dans un marché à Ouakam, un quartier de Dakar, selon la presse locale. La police soupçonne qu’elle a été violée avant d’être assassinée. A Thiès (70 km de Dakar), et durant la même semaine, c’est une jeune fille du nom de Coumba Yade qui a également été «violée puis tuée à coup de couteau».

Cette série macabre continue d’émouvoir l’opinion, et chacun y va de ses condamnations et de ses solutions. Parmi les solutions, celles qui prônent un retour à la peine de mort, abolie par le pays depuis 2004.

Favorable à cette idée, le président du Forum du justiciable, une ONG locale, Babacar Bâ justifie sa position par le fait que la lutte contre la criminalité dans le pays «est devenue inefficace par rapport à la recrudescence des violences, des meurtres et viols».

Référendum ?

Dans un entretien avec Ouestaf News, il défend farouchement la peine de mort, car estime -t-il celle-ci est «dissuasive».

L’appel du Forum du justiciable trouve aussi un écho favorable au niveau de certaines organisations non gouvernementales d’obédience islamique comme l’ONG Jamra qui dans un communiqué propose même un référendum sur la réintroduction de la peine de mort. Ce qui va permettre de «donner démocratiquement l’opportunité aux populations (…) de se prononcer sur le rétablissement de la peine capitale », précise Jamra dans son communiqué.

Le débat sur la réintroduction ou pas de la peine de mort au Sénégal revient par intermittence dans l’espace public. A chaque fois qu’un crime plonge l’opinion en émoi, des voix ne manque pas de s’élever pour plaider en faveur de la peine capitale, qui à leurs yeux, reste comme le seul moyen de mettre fin à la criminalité.

En 2016, le député de l’Alliance pour la République (APR, pouvoir), Seydina Fall s’était prononcé publiquement pour le retour de la peine capitale. Une sortie qui faisait suite au meurtre de la vice-présidente du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), Fatoumata Mactar Ndiaye.

Au lendemain du meurtre de Bineta Camara, le Khalife général des mourides, une des grandes confréries musulmanes du Sénégal, par la voix de son porte-parole, a aussi rappelé sa position sur la peine de mort.

«Dans le cas d’un homicide volontaire, c’est la peine de mort qui (…) est infligée», a indiqué Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, porte-parole du Khalife général des mourides, cité par le quotidien national Le Soleil (pro-gouvernemental).

La peine de mort, qui n’a plus été appliquée au Sénégal depuis 1967, avait été définitivement abolie le 10 décembre 2004 sous le magistère du président Abdoulaye Wade.

En première ligne de ceux qui s’opposent au retour, figurent les défenseurs des droits de l’Homme.

Récusant le caractère dissuasif de la peine capitale, le directeur exécutif d’Amnesty international Sénégal, Seydi Gassama, est d’avis que la peine de mort «ne règle pas la question de la criminalité». Le principal argument de M. Gassama cité par le journal en ligne sénégalais, PressAfrik : «dans les pays où elle (la peine de mort) est appliquée, la criminalité existe».

Sur ce tweet, cet internaute refuse catégoriquement le retour de la peine de mort.

Revoir les peines 

Pour le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, il faut faire en sorte que «les meurtriers soient sévèrement punis», « revoir les peines», et également faire en sorte que «ces personnes n’aient jamais de remise de peine ou de grâce».

Du côté du gouvernement, le Secrétaire d’Etat chargé de la Promotion des droits humains et de la Bonne gouvernance, Mamadou Sow indique que le Sénégal n’est pas dans l’optique de rétablir la peine de mort, mais «fera son travail d’identification des personnes coupables de crimes jugées atroces ».

«La peine de mort, nous ne pouvons pas l’appliquer », a-t-il souligné, cité par l’Agence de presse sénégalaise.

De son côté, la Plateforme de veille des femmes pour la paix et la sécurité « Ëtu Jamm », dénonce les agressions de ces derniers jours, et souligne qu’elles devraient inciter l’Etat du Sénégal «à assumer davantage ses responsabilités » concernant la protection et la sécurité des citoyens.

Sur les réseaux sociaux, un mot d’ordre a été lancé pour la tenue d’un grand rassemblement contre les viols le 25 mai 2019.

ON/mn/ts

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