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Elections en Côte d’Ivoire : nul n’en veut! Ni Gbagbo, ni Soro, ni le reste, selon Venance Konan

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Last Updated on 18/09/2008 by Ouestafnews

Ouestafnews: On parle d’un possible report des élections. Le président Laurent Gbagbo a lui-même renforcé cette hypothèse. Qui a vraiment intérêt à ce que les élections ne se tiennent pas en Côte d’Ivoire ?

Venance Konan : Toute la classe politique a intérêt à ce que les élections ne se tiennent pas. A commencer par le chef de l’Etat. Son mandat a pris fin en 2005 et il l’a prolongé de trois ans sans passer devant les électeurs. Il a plus de pouvoirs qu’auparavant. Le budget de cette année a été adopté par ordonnance et, selon « La lettre du Continent », son budget de souveraineté était cette année de 71 milliards de francs CFA. Il s’agit d’une somme qu’il est libre d’utiliser à sa guise sans avoir à se justifier. Vous comprenez qu’il ne soit pas pressé d’aller aux élections. Il y a aussi les députés qui ont également eu trois ans de plus sur leurs mandats sans passer devant le peuple. Ils ont considérablement augmenté leurs indemnités malgré la crise, sans faire grand chose. Il y a les maires, les conseillers généraux, les conseillers économiques et sociaux, et les Forces nouvelles, qui continuent d’occuper une partie du pays qu’elles pillent à leur guise, bien que leur chef soit le premier ministre. Lui-même a un budget de souveraineté de quinze milliards de francs CFA. Il n’a pas non plus intérêt à ce que les choses aillent trop vite.

Ouestafnews : Qui serait alors le perdant ?

Venance Konan : Le peuple bien entendu. Lui qui croule sous le poids de la misère pendant que la classe politique s’enrichit sans vergogne, lui à qui on envoie les déchets toxiques, lui sur qui l’on tire lorsqu’il veut manifester son mécontentement. Le président de l’Assemblée nationale a révélé que 70% des Ivoiriens ne font qu’un seul repas par jour. A terme, Henri Konan Bédié pourrait aussi être un grand perdant, à cause de son âge. Il a près de 75 ans, l’âge limite pour être candidat.

Ouestafnews : Un report de l’élection peut-il mettre en péril la médiation du président du Faso et l’accord de Ouagadougou ?

Venance Konan : Bien évidemment. Je vous fais remarquer que l’accord de Ouagadougou avait prévu que les élections se tiennent dix mois après sa signature, c’est-à-dire à la fin de 2007. Elles ont été reportées à juin 2008, puis à novembre 2008, et probablement à une autre date. Il est clair que cet accord a échoué. Mais le président du Faso ne sera pas le premier médiateur que l’on aura roulé dans la farine. Avant lui il y a eu Kufuor (John Kufuor président du Ghana), Obasanjo (Olusegun Obasanjo, ancien chef d’Etat Nigérian), Thabo Mbeki (Président sud africain) et Sassou N’guesso (président du Congo Brazzaville).

Ouestafnews : On a entendu Simone Gbagbo remettre en cause certains aspects de l’accord de Ouagadougou. Pensez-vous que les autres parties, notamment les Forces nouvelles seraient prêtes à accepter cette remise en cause ?

Venance Konan : Je crois que dans le fond nous assistons à un jeu de dupes. Comme je l’ai dit plus haut, tout le monde gagne à ce que la situation perdure. Une remise en cause de l’accord de Ouagadougou permet de gagner, ou de perdre du temps. Il faudra bien trouver quelque chose d’autre pour le remplacer. Pendant ce temps, les Forces nouvelles continuent d’exploiter les zones qu’elles occupent. Bien sûr, elles ont dit qu’elles n’étaient pas d’accord avec les propos de Madame Gbagbo, mais au fond, elles sont contentes que l’on reparte à zéro, ce qui leur laisse le temps.

Ouestafnews : Les Forces nouvelles depuis Ouagadougou jouent les premiers rôles à côté de Laurent Gbagbo. Ont-elles un avenir dans une côte d’Ivoire apaisée, ou les partis traditionnels vont-ils reprendre leur place et les devants une fois les élections organisées ?

Venance Konan : Les Forces nouvelles veulent jouer un rôle dans le futur. Guillaume Soro ne cache pas ses ambitions présidentielles. Il n’est pas candidat à la prochaine élection mais il est encore jeune et a le temps devant lui. C’est du moins ce qu’il pense. Pour le moment ce sont les partis traditionnels qui occupent le terrain.

Ouestafnews : L’entente actuelle entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro est-elle de façade ou est-elle plus profonde ?

Venance Konan : Ils sont nombreux, les Ivoiriens qui pensent que le jour viendra où ce sera à qui tirera le premier. N’oublions pas que c’est Guillaume Soro qui a empêché M. Gbagbo de gouverner tranquillement son pays, qui porte la responsabilité de la mort de certains proches de Gbagbo tels que Boga Doudou (Emile Boga Doudou, ancien ministre de l’Intérieur tué au moment de l’éclatement de la crise en septembre 2002). Je crains que cela ne finisse dans le sang.

Ouestafnews : Les deux ne seraient-ils pas en train de faire leur jeu au détriment du reste de la classe politique ?

Venance Konan : Certainement. Pour le moment ils ont réussi à mettre les partis traditionnels pratiquement hors jeu, mais ces derniers sont tout de même toujours présents. Et je crois que ces partis à leur tour attendent le moment où Gbagbo et Soro s’entretueront.

Ouestafnews : On est allé de report en report. Pensez-vous encore possible des élections en Côte d’Ivoire dans un avenir proche ?

Venance Konan : Techniquement rien ne s’oppose à l’organisation d’élections en Côte d’Ivoire. On en organise dans ce pays depuis les années cinquante. Le problème actuel est qu’il y a des personnes qui ne veulent pas qu’elles se tiennent. Et elles ne se tiendront que s’il y a une forte pression sur elles. Cette pression ne peut venir que du peuple.

Ouestafnews : Mais le peuple ne réagit pas face à ces différents reports. Cela ne laisse-t-il pas penser plutôt que le peuple préfère la paix aux élections ?

Venance Konan : Ce sont justement les élections qui sont sensées nous apporter la paix. Je crois que le peuple ne réagit pas parce qu’il a peur. N’oubliez pas qu’en mars 2004, lorsque ce peuple a voulu manifester pour l’application de l’accord de Marcoussis, M. Gbagbo a fait tirer sur lui. On a compté plus de cent morts. Et chaque fois que le peuple veut manifester, on tire sur lui. Cela a été le cas quand des femmes ont manifesté récemment contre la cherté de la vie. Il y a eu deux morts.

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