Julie Owono : «les femmes doivent savoir qu’il n’y a pas que Facebook sur Internet» (Exclusif, 2è partie)

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Ouestafnews – Dans cette seconde partie de notre entretien exclusif avec Julie Owono, la directrice exécutive de l’ONG ’Internet Sans Frontière (ISF) évoque le combat qu’il ya à mener contre la faible appropriation de l’Internet par les femmes et les raisons de leur accès limité à cet outil. Dans la première partie de l’entretien (que vous pouvez lire ici)  que nous vous avions déjà proposé Julie Owono regrettait notamment le focus des Etats africains sur « la cybercriminalité ». En un mot, que ce soit pour les citoyens africains ou pour les Etats, le chemin vers une meilleure utilisation de l’Internet reste long.

Ouestafnews – Selon la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la proportion de femmes de cette sous-région qui utilisent Internet est inférieure à 25% par rapport aux hommes. Avez-vous des projets pour résorber le gap ?

J. O : Si je suis présentement à Dakar c’est bien  pour cette question. Nous étions pendant trois jours à la Conférence régionale sur l’intégration du genre dans les politiques de Technologie de l’information et de la communication (TIC) en Afrique francophone, de l’Ouest et du centre. L’objectif était de réunir les gouvernements, les sociétés civiles et les acteurs du secteur privé pour voir comment intégrer la dimension genre dans tous les projets qui se font.

Il y a beaucoup de plans nationaux sur les TIC. Je crois que le Sénégal  a son plan numérique 2020-2025. C’est pareil pour le Cameroun. Sauf que dans tous ces plans, il n’y a pas d’objectif pour  que d’ici à 2025, 50% des femmes aient accès à Internet.
Par exemple, si l’Etat du Sénégal a un projet de fibre optique, il faut faire de telle sorte que tout le monde ait l’accès y compris les publics vulnérables tels que les femmes et notamment les femmes rurales.

Au Cameroun, nous avons actuellement un projet pour diminuer la fracture numérique entre les hommes et les femmes. Et nous travaillons avec le ministère de la Promotion de la femme pour, d’une part, sensibiliser les femmes qui sont de milieux sociaux défavorisés et d’autre part, sensibiliser sur l’impact que l’Internet peut avoir sur leur vie professionnelle et économique.

Ces femmes doivent savoir qu’Internet, ce n’est pas seulement  Facebook parce que beaucoup de femmes qui ont accès à l’Internet pensent que c’est seulement Facebook et Youtube qui y existent. Elles ignorent qu’elles peuvent y développer leur commerce en y vendant leurs produits. Tout comme elles peuvent lancer des projets et les diffuser à travers le net.

Ouestafnews – Y a–t-il des dynamiques gouvernementales qui concourent à faciliter l’accès à Internet aux femmes ?

J. O : Au Sénégal, on constate qu’il y a pleines de choses qui sont en train de se faire. J’ai appris que le ministère des Postes et Télécommunications travaille avec de nombreux partenaires de la société civile. Ils organisent, lors de la journée de la femme, par exemple, des journées de découverte des métiers du numérique pour les publics de femmes.

Les étudiantes qui ne sont pas nécessairement ingénieures y prennent part car elles peuvent comprendre qu’avec le numérique il y a beaucoup de choses qui peuvent se faire. Contrairement au Cameroun où nous avons un projet sur inclusion numérique, les initiatives du gouvernement et celles de la société civile se réalisent parallèlement, alors qu’ils font la même chose.

Ouestafnews – Qu’est-ce qui explique cette faible appropriation de l’Internet par les femmes ?

J. O : Les quelques études qui existent sur la question, mettent malheureusement en avant deux raisons fondamentales. La première, c’est la question de l’alphabétisation numérique. Il s’agit de savoir ce qu’on peut faire avec Internet et ce qu’il peut nous apporter.  Par exemple, savoir qu’il y a autre chose que Facebook.

Qu’il y a aussi Wikipédia sur lequel vous pouvez tirer d’autres usages plus intéressants. Les études lient la question du manque d’alphabétisation numérique des femmes au fait qu’elles se perçoivent comme n’étant pas aptes à la technique ou à la chose scientifique. C’est de l’autocensure que les femmes se font en croyant qu’elles ne peuvent exceller que dans les matières littéraires.

La deuxième raison fondamentale qui explique l’écart entre les hommes et les femmes, est liée au coût d’accès à l’internet. On sait que les femmes sont plus vulnérables à la pauvreté que les hommes, surtout dans les zones rurales. Donc,  elles ont moins de possibilités financières pour acheter du crédit ou du « pass » pour aller sur Internet. C’est un problème d’autonomie financière.

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