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La clé d’un avenir énergétique propre en Afrique (Libre opinion)

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Par Kashim Shettima, Carol Koech et Jessica Uhl *

Il y a encore quelques années, dans la communauté rurale de Kiguna, au Nigeria, la marchande de poisson Blessing Bitrus ne disposait que de quelques heures précieuses pour vendre la pêche du jour, des tilapias et poissons-chats pêchés dans la rivière voisine, avant que le produit ne s’altère sous le soleil brûlant. Près de la moitié de ses poissons, qu’elle proposait pourtant à bas prix, finissaient la plupart du temps à la poubelle.

Pour Blessing, c’en est désormais fini de cette course contre la montre, grâce à l’installation d’une chambre froide d’une capacité de trois tonnes, alimentée par un mini-réseau solaire. Les intenses rayons du soleil qui avariaient auparavant son poisson permettent désormais de le conserver. Blessing n’est pas la seule à en bénéficier, environ 100 pêcheurs et marchands locaux utilisant cette chambre réfrigérée. La réduction du gaspillage qui en a résulté leur a permis d’accroître leurs revenus de 30 % en moyenne.

Le système de réfrigération alimenté par énergie solaire mis en place à Kiguna a été construit dans le cadre d’un plus large projet d’énergie propre, qui a débuté en 2021, et qui a depuis permis de relier à l’énergie solaire 6 000 foyers et entreprises, dans cinq États du Nigeria. Pendant que la communauté internationale était aux prises avec la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, cette discrète transition vers des énergies propres a renforcé la résilience et la productivité des agriculteurs et producteurs alimentaires, créé des emplois, et soutenu le développement durable dans plusieurs communautés rurales du Nigeria.

Ce résultat est riche d’enseignements pour le monde d’aujourd’hui. L’incertitude géopolitique croissante a conduit les gouvernements de nombreux pays riches à réduire considérablement l’aide étrangère, ce qui a asséné un coup dévastateur aux efforts mondiaux de développement. Résultat, un certain nombre de projets sont stoppés, les communautés perdent l’accès à des services essentiels, et le risque de crise humanitaire augmente dans un nombre croissant de pays. Pour autant, même dans ce contexte difficile, les dirigeants mondiaux réunis cette semaine dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies peuvent trouver les moyens de résoudre certains problèmes latents.

Parmi ces difficultés, près de 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont toujours pas accès à l’électricité. Étant prévu que la population jeune du continent africain augmente de 138 millions d’habitants au cours du prochain quart de siècle, cette crise énergétique risque de devenir une crise de l’emploi. Afin que suffisamment d’emplois de qualité soient créés pour la population croissante de l’Afrique, nous devons aider les pays du continent à élargir l’accès à des énergies propres abordables et fiables, tout en fournissant aux communautés locales les outils et la formation nécessaires pour transformer cette énergie en opportunités.

La bonne nouvelle, c’est qu’une trajectoire de progrès est possible même dans un contexte de resserrement des financements. La Mission 300 nous indique le chemin, en rassemblant gouvernements africains, entités du secteur privé et organisations philanthropiques autour de l’objectif consistant à fournir de l’électricité à 300 millions d’Africains d’ici 2030.

Le projet d’énergie propre qui a bénéficié à Blessing et à sa communauté démontre la capacité de ces parties prenantes à travailler ensemble efficacement. Un investissement modeste de la part du gouvernement nigérian, associé à des capitaux philanthropiques d’amorçage, a été suffisant pour encourager des entreprises à investir dans ce projet. Évolution tout aussi essentielle, des réformes réglementaires ont permis de réduire jusqu’à 40 % les coûts de raccordement au réseau, et de raccourcir les délais d’obtention de permis pour les nouvelles initiatives, créant ainsi un pipeline de projets et de programmes de formation qui bénéficieront à plusieurs centaines de milliers de Nigérians.

Ce projet ne fait pas figure d’exception. Un certain nombre d’investissements relativement modestes ont permis de réaliser de spectaculaires avancées en matière d’énergies propres dans les pays en voie de développement. En Inde, le tout premier système de stockage par batterie à l’échelle d’un service public devrait permettre de fournir une électricité propre et fiable aux consommateurs à faibles revenus, et de favoriser la stabilité du réseau. En Haïti, des réseaux maillés – mini-réseaux décentralisés, constitués d’ensembles interconnectés de panneaux solaires installés sur les toits – alimentent certaines des communautés les plus reculées, et font office de modèle pour l’électrification du dernier kilomètre dans les zones rurales et les régions en proie à des conflits. De même, la centrale solaire flottante de Tembesi, en Indonésie, peut servir d’exemple pour élargir l’accès à l’énergie dans les économies côtières vulnérables.

Le rapport d’impact 2025 récemment publié par l’Alliance mondiale de l’énergie pour les peuples et la planète révèle le facteur sous-jacent commun à la réussite de ces projets : une coalition de partenaires publics, privés et philanthropiques, rassemblés autour d’un objectif partagé – ce qui souligne l’importance d’une approche multipartite et systémique face aux grandes problématiques. C’est cette stratégie qui permet de tirer le meilleur parti de fonds limités, d’intégrer une multitude de points de vue et de compétences, de tenir compte des différents niveaux de tolérance au risque, et de faire intervenir les atouts de chacun des acteurs.

Chaque pays et région en voie de développement connaît ses propres défis énergétiques. Des avancées sont néanmoins possibles lorsque les gouvernements, les entreprises et les organisations philanthropiques travaillent ensemble. Le changement climatique s’aggravant, les crises énergétiques se multipliant, et le multilatéralisme s’affaiblissant, il s’agira de reproduire autant de fois que possible l’expérience de Blessing, en Afrique comme ailleurs, afin de préserver la stabilité mondiale. C’est la raison pour laquelle les partenariats multipartites sont plus importants que jamais.

*Kashim Shettima est vice-président de la République fédérale du Nigeria. Carol Koech est vice-présidente pour l’Afrique de l’Alliance mondiale de l’énergie pour les peuples et la planète. Jessica Uhl est membre du conseil de direction de l’Alliance mondiale de l’énergie pour les peuples et la planète.

Publié avec l’aimable accord de www.project-syndicate.org


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