Libertés en Afrique de l’Ouest, Amnesty international s’inquiète

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Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre./Photo-Ouestaf News.

Ouestafnews – La situation des droits humains est « sombre » dans le monde. C’est la conclusion du Rapport 2023 d’Amnesty International. Pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, le document de 514 pages publié le 24 avril 2024 dénonce la restriction des libertés, celle d’expression en particulier.

En Afrique de l’Ouest, l’espace des libertés civiques a été fortement « restreint » avec une intensification de la « répression » contre les « voix dissidentes ». Dans de nombreux cas documentés, les forces de sécurité ont fait recours à « une force excessive » pour disperser des manifestations, notamment en Guinée et au Sénégal. C’est l’une des conclusions contenues dans le Rapport 2023 sur les droits humains dans le monde publié par Amnesty international (A.I.) le 24 avril 2024.

Selon Samira Daoud, directrice régionale d’A.I. pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, au moins sept personnes ont été tuées et 32 autres blessées en mai 2023, en Guinée lors d’une manifestation réprimée par les forces de sécurité. Il y a eu une cinquantaine d’arrestations.

A cette période, l’interdiction générale des rassemblements politiques imposée en mai 2022 était toujours en vigueur. Pourtant plusieurs manifestations de soutien au général président Mamadi Doumbouya ont été autorisées, rappelle Samira Daoud.

Pour le Sénégal, le rapport évoque les tirs à balles réelles de policiers et d’hommes armés en civil pour disperser les manifestations de juin 2023 à Dakar et à Ziguinchor (sud). C’était suite à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse ». Ces événements ont fait au moins 29 morts, selon l’organisation de défense des droits humains.

Au total, Amnesty indique avoir recensé et documenté 60 morts de mars 2021 à octobre 2023 ainsi qu’un millier de personnes arrêtées et placées en détention en raison de leur participation aux manifestations ou de leur lien présumé avec le parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) dirigé par Ousmane Sonko.

Aujourd’hui, la plupart de ces personnes sont sorties de prison après le vote d’une loi d’amnistie le 6 mars 2024 par l’assemblée nationale sur instigation du président Macky Sall avant son départ du pouvoir. Bassirou Diomaye Faye, président élu le 24 mars, et Ousmane Sonko, en faisaient partie.

Lors du conseil des ministres du 24 avril, le chef de l’Etat sénégalais a annoncé la mise en place d’une commission d’indemnisation des victimes des événements survenus entre janvier 2021 et février 2024. Elle sera dirigée par son premier ministre.

Liberté d’expression bâillonnée

Le Rapport 2023 d’Amnesty international concerne 155 pays à travers le monde. Il y est également question des atteintes à la liberté d’expression grandement « menacée » en 2023 dans la zone ouest-africaine.

Au cours de cette année, Amnesty international note que s’opposer ouvertement aux politiques et diffuser publiquement des informations jugées préjudiciables aux pouvoirs en place pouvaient entraîner des arrestations, détentions arbitraires, « voire la mort ». Des journalistes et défenseurs des droits humains ont été arrêtés et contraints à l’exil.

Ainsi, les journalistes togolais Ferdinand Ayité et Isidore Kowonou, animateurs du journal L’Alternative, ont été condamnés en mars 2023 à trois ans de prison ferme pour « outrage envers les représentants de l’autorité publique » et « diffusion de fausse information ». Ils avaient publié un article accusant de corruption deux membres du gouvernement. Ils sont depuis en exil en France et au Sénégal.

Au Bénin, Virgil Ahouansè, directeur de l’information d’une station de radio en ligne, a été condamné en juin 2023 à un an de prison avec sursis pour « diffusion de fausses informations ». En 2022, il avait diffusé une enquête mettant en cause la police dans des exécutions extrajudiciaires présumées.

Amnesty international rapporte également les mésaventures de la défenseure malienne des droits humains Aminata Dicko. Pour avoir dénoncé devant le Conseil de sécurité des Nations unies des « atrocités » de l’armée malienne, elle a été forcée à l’exil après avoir été interpellée et interrogée par la gendarmerie malienne.

Au Burkina Faso, au Niger, au Togo, et ailleurs, les autorités étatiques ont suspendu des médias, des journaux ou des sites d’actualités pour des durées plus ou moins longues, souligne le rapport. Confrontées à des crises socio-politiques, les autorités de Guinée et du Sénégal ont procédé à la suspension ou perturbé l’accès à Internet.

Impunité dans des zones de conflits

Le non-respect des droits humains prévaut aussi dans les zones de conflit, selon la directrice du bureau régional d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

« Nous avons observé des crimes commis par des groupes armés (terroristes) et des forces armées régulières contre des populations civiles », affirme Samira Daoud. Au Burkina Faso, au Mali et au Nigeria, « les conflits armés ont continué d’avoir des effets dévastateurs sur les civils », ajoute-t-elle.

En février 2023, une « soixantaine » de personnes ont péri dans une attaque terroriste présumée à Partiaga, une commune dans l’est du Burkina Faso et 22 personnes en août 2023 à Nohao, dans le centre-est du pays. A Bandiagara (centre du Mali), 17 personnes ont été tuées en août 2023 dans un raid de présumés « terroristes », d’après le gouvernorat de la région.

Selon Amnesty international, lorsqu’ils n’étaient pas délibérément visés, « les civils subissaient de plein fouet des opérations menées sans discernement, qui pouvaient prendre la forme de frappes aériennes, de tirs de roquettes ou d’obus de mortier », entre autres. Des drames sont ainsi survenus au Nigeria, dans l’Etat de Kaduna, en janvier 2023, et au Burkina Faso en avril de la même année, faisant respectivement 21 et 85 morts.

Selon Samira Daoud, certaines de ces attaques constituaient des « crimes de guerres » perpétrés dans une « totale impunité », sans enquêtes ou procédures judiciaires crédibles.

Dans un pays comme le Mali, « il devient de plus en plus difficile de documenter ce qui se passe sur le terrain puisque l’accès est restreint en particulier depuis le départ en décembre 2023 de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilité au Mali, ndlr) », précise Samira Daoud.

Amnesty international recommande aux Etats de « redoubler d’efforts pour combattre l’impunité ». Il les invite également à « diligenter sans délai des enquêtes indépendantes » sur les crimes de droit international et les atteintes aux droits humains, en traduisant en justice les responsables présumés.

ON/md/ts

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