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Nouvelle constitution en Guinée : un projet loin des standards (politologue)

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Ouestafnews –  Le 19 décembre 2019, le président guinéen Alpha Condé (81 ans) a annoncé un projet de modification de la constitution qui prévoit entre autres un relèvement du mandat présidentiel qui va passer de cinq  à six ans ainsi que la possibilité pour un ancien chef d’Etat de revenir aux affaires.

Cette décision a jeté les Guinéens dans les rues par dizaine de milliers pour dire non à cette nouvelle constitution. Selon l’actuelle constitution, le mandat en cours du président arrive à terme en octobre 2020 et devrait être son second et dernier mandat à la tête de la Guinée

«Le fait notable (dans le projet de nouvelle constitution) est que le mandat passe de cinq à six ans, alors que nous sommes dans un contexte africain où l’on passe de plus en plus du septennat vers le quinquennat», déplore M. Fofana dans un entretien téléphonique avec Ouestaf News

«Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans, renouvelable une fois», indique l’article 40 du nouveau projet disponible sur le site web de la présidence guinéenne. De l’avis du politologue, le quinquennat est une tendance mondiale, même s’il n’y a pas une prescription en la matière.

Pour M. Fofana, par ailleurs président de l’Association guinéenne de sciences politiques (AGSP), une autre particularité loin des standards réside dans le fait que «le nouveau texte offre la possibilité à un ancien chef d’Etat de revenir aux affaires ». D’ailleurs une lecture du projet, permet de constater qu’aucune limite n’est fixée pour l’âge des candidats, contrairement à l’actuelle constitution qui impose un âge minimum de 40 ans pour être éligible.

Toutefois, certaines dispositions du texte promeuvent une certaine ouverture du jeu politique avec notamment les articles 42 et 68 qui permettent respectivement les candidatures indépendantes pour la présidentielle et la députation. Jusqu’ici, seuls les candidats des partis politiques pouvaient prendre part à ces deux scrutins.

Ce projet de nouvelle Constitution demeure très controversé, et il intervient dans un contexte de crise avec les manifestations populaires du Front national de défense de la Constitution (FNDC), un cadre qui réunit des opposants et une partie de la société civile.

Le 6 janvier 2020, le FNDC était encore dans les rues de Conakry pour manifester contre la nouvelle constitution et l’éventualité d’un troisième mandat du président Alpha Condé. Alpha Condé a été élu en 2010 et réélu en octobre 2015.

Un troisième mandat en toile de fond

Si pour l’opposition et le FNDC, une nouvelle constitution ne se justifie pas, les partisans du président, soulignent au contraire une « nécessité » de donner une légitimité populaire à la charte fondamentale du pays, vu que l’actuel texte adopté sous la transition en 2010 n’avait pas fait l’objet d’un vote.

«Il (Alpha Condé) a été démocratiquement élu pour un quinquennat renouvelable une fois, il est à la fin de son deuxième mandat, c’est à lui de juger le moment opportun pour exprimer ses intentions», déclare dans un entretien avec le magazine Jeune Afrique, le ministre d’Etat et conseiller spécial, Rachid Ndiaye.

Même si le président Condé n’a jamais parlé de 3è mandat, la suspicion reste entière avec cette nouvelle constitution annoncée, à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle.

«Il y a une sorte d’ambiguïté dans ce projet de constitution, mais on sait que partout où cela a eu lieu, l’objectif est de permettre au président de rempiler», déclare Kabinet Fofana, qui souligne au passage les risques de violence qui pèsent sur les prochaines échéances électorales.

Dans un texte publié en novembre 2019 et intitulé : «Guinée : Les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020», Amnesty international dresse le bilan de quatre années de violences politiques qui entre 2015 et 2019 ont causé la mort de 70 manifestants et passants.

Les premières manifestations organisées par le FNDC ont été réprimées par les forces de l’ordre avec un bilan de «neuf morts», selon Bouréma Condé, ministre de l’Administration du territoire. Amnesty international dénonce aussi l’arrestation de membres du FNDC dont certains ont été condamnés à des peines de prison ferme. «C’est un affront pour les droits humains et une tentative violente visant à museler la dissidence», estime Marie-Evelyne Petrus Barry, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty international.

Boycott des législatives

La question du 3è mandat a installé un climat de tension et d’incertitudes qui déteint fortement sur tout le processus électoral.  Les élections législatives vont finalement avoir lieu le 16 février 2020, soit la quatrième date annoncée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Mettant en avant un manque de transparence du fichier électoral, l’Union des forces démocratiques de Guinée et l’Union des forces républicaines  (UFR), les deux principaux partis d’opposition, ont décidé de boycotter les législatives.

Pour le porte-parole de l’UFDG, Boubacar Barry, pas question d’aller aux urnes  sans une correction des anomalies constatés comme l’enrôlement des mineurs dans le fichier. Tandis que du coté de l’UFR, l’on parle d’un fichier taillé sur mesure pour le parti au pouvoir.

L’UFDG dirigé par Cellou Dalein Diallo et l’UFR de Sidya Touré constituent les partis d’opposition les plus représentés au parlement avec respectivement 37 et 10 députés.

MN/on/ts


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