Last Updated on 10/11/2010 by Ouestafnews
Depuis, la polémique ne cesse d’enfler entre Dakar et Abidjan, faisant craindre d’éventuels débordements en Côte d’Ivoire, pays encore en crise et où vit une forte communauté sénégalaise.
Ces appréhensions ont suscité, côté sénégalais, une série d’appels au calme et à la retenue, et aussi un désaveu du président Wade auprès d’une frange importante de ses compatriotes qui tiennent coûte que coûte à désamorcer les effets désastreux que cette brouille pourrait avoir sur la forte communauté sénégalaise vivant en Côte d’Ivoire.
Pour le gouvernement ivoirien et principalement chez les partisans du président Laurent Gbagbo, il s’agit d’une « ingérence intolérable dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire … de nature à porter atteinte aux relations fraternelles » entre les deux nations, selon la lettre de protestation adressée au Gouvernement sénégalais et lue sur les antennes de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI, publique).
Il faut dire que depuis l’arrivée des deux chefs d’Etats au pouvoir (Aboulaye Wade au Sénégal et Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire) au début des années 2000, il y a souvent eu brouille dans l’axe Dakar-Abidjan, sur fond de batailles de leadership entre deux vieux opposants enfin arrivés au pouvoir et voulant manifestement marquer, chacun, son territoire et son magistère.
Dans le dernier incident en date, la diaspora sénégalaise en Côte d’Ivoire, disant ouvertement craindre pour sa « sécurité », a vite fait de désapprouver l’attitude de son président afin de ne pas subir les contrecoups d’une affaire qui ne la « concerne pas ».
« Nous sommes profondément indignés et avons du mal à comprendre l’attitude et le rôle que notre président essaie de jouer alors que la Côte d’Ivoire n’est pas en crise électorale », déclarait sur les antennes de la télévision ivoirienne Mme Seynabou Diéguène présentée comme une porte-parole d’une Association de ressortissants sénégalais en Côte d’Ivoire.
La porte-parole fera endosser l’entière responsabilité de l’incident au président Wade avant de lui demander de trouver les voies et moyens de mettre fin au plus vite à la mésentente ainsi générée.
A l’intérieur du Sénégal aussi, beaucoup de voix se sont élevées au sein de la classe politique, de la société civile et des médias pour fustiger l’attitude du président Wade et son manque de clairvoyance, à un moment critique pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens.
La présidentielle en cours est en effet considéré par nombre d’observateurs comme le début d’une difficile réconciliation après une longue crise politico-militaire qui a duré plus d’une décennie et qui a vu le pays, de facto, coupé en deux à partir de l’année 2002 .
L’attitude du président Wade constitue « une maladresse diplomatique caractérisée», selon un communiqué transmis à Ouestafnews par la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho, ONG basée à Dakar), qui appelle les autorités et les populations ivoiriennes et sénégalaises à préserver les relations fraternelles entre les deux pays.
Quant à l’opposition sénégalaise, elle ne pouvait rater pareille occasion pour reprendre un refrain qu’elle entonne depuis que Wade est arrivé au pouvoir : l’homme n’a pas la stature d’un « homme d’Etat » et son manque de tact est en train de discréditer la diplomatie sénégalaise.
Abdoulaye Wade et ceux qui dirigent le pays n’ont pas le « profil d’hommes d’Etat », a ainsi déploré dans un communiqué l’opposant Moustapha Niasse, ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères ex-allié et ex-premier ministre de Wade qui dirige aujourd’hui l’Alliance des forces de progrès (AFP).
Pour ce parti Abdoulaye Wade pose des actes qui menacent « les intérêts stratégiques » et la « sécurité » des Sénégalais.
A l’assemblé nationale sénégalaise (où ne siège aucun représentant de l’opposition dite « significative » suite au boycott des législatives en 2007), l’incident diplomatique a aussi fait l’objet de débats lors du vote du budget du ministère des Affaires étrangères.
Selon la presse locale, les quelques représentants des petits partis d’opposition présents à l’assemblée et même certains députés de la majorité, ont désapprouvé l’audience accordée par le président Wade à l’opposant Ouattara, dans un « contexte inapproprié ».
Pour se rappeler au bon souvenir de ses concitoyens, l’ex-chef de la diplomatie sénégalaise, Cheikh Tidiane Gadio, limogé après 10 ans de compagnonnage avec Me Wade et devenu opposant immédiatement après, a dans un communiqué, adressé ses « sincères regrets » au président ivoirien tout en appelant à préserver les relations « fraternelles » entre les deux pays.
Face à la forte pression médiatique et aux réactions outrées suscitées par l’affaire dès les premiers jours, le gouvernement sénégalais, à travers son ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, a expliqué qu’il n’y « pas de quoi fouetter un chat », précisant que le président Wade a reçu M. Ouattara en sa qualité de président de l’International libérale, une famille politique que partage les deux leaders.
Le ministre sénégalais a nié tout soutien financier du président Wade en faveur de Ouattara, mais il sera difficile de convaincre les Ivoiriens pro-Gbagbo qui accuse le Sénégal de « conspiration » contre leur pays.
Autre argument jeté dans la bataille par les défenseurs du président Wade : l’affaire a pris des « proportions démesurées » qu’ils ne peuvent comprendre, d’autant plus que des opposants sénégalais sont régulièrement reçus par l’actuel chef de l’Etat ivoirien.
Alors que la tension couve, quelques analystes ne manquent pas de rappeler que les deux présidents entretiennent des relations difficiles depuis le début de la crise ivoirienne (septembre 2002).
Une visite officielle effectuée par Abdoulaye Wade au mois d’Avril 2010 en Côte d’Ivoire avait fait espérer que les angles étaient arrondis entre les deux hommes d’Etats, mais la visite de Ouattara à Dakar a réveillé les vieilles rivalités, surtout que Gbagbo, en mauvaise posture cherche à présenter son adversaire comme un « candidat de l’étranger » afin de le fragiliser auprès de l’électorat qui devra choisir le prochain président ivoirien le 28 Novembre 2010.
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