Ouestafnews – Annoncé en grande pompe il y a sept mois, le rachat par Wari de Tigo Sénégal (la marque exploitée par la filiale sénégalaise de l’opérateur téléphonique, Millicom) connaît un brusque coup d’arrêt et un gros contentieux en perspective.
Derrière cette annonce, se profile une guerre entre deux milliardaires sénégalais : Kabirou Mbodje, patron de Wari d’un côté et Yérim Sow, patron du groupe Teyliom et «nouvel» acquéreur de Tigo.
Ayant son siège social au Luxembourg, la compagnie de téléphonie Millicom International Cellular S.A exploite la marque Tigo, avec des filiales dans six pays africains dont le Sénégal. Lancée en 2008, Wari, est de son côté actif dans le transfert d’argent.
Aujourd’hui ce groupe revendique une présence dans «60 pays à travers le monde» et un partenariat noué avec «plus de 150 banques».
Millicom dit avoir «mis fin» à son «accord de vente» de Tigo Sénégal en faveur de l’opérateur de transfert d’argent, Wari. Une mesure que cette dernière entreprise conteste vigoureusement, bénéficiant au passage du soutien implicite de l’Etat sénégalais.
L’annonce de la rupture de l’accord de vente annoncée par Millicom sonne comme un premier coup d’arrêt dans l’ascension fulgurante de Wari. En février 2017, son ambitieux PDG, Kabirou Mbodje annonçait le rachat de Tigo Sénégal pour la somme de 129 millions de dollars soit environ 80 milliards FCFA.
Annonce brusque
Le 31 juillet 2017, l’opérateur télécoms fait une annonce surprenante : non seulement les autorités de Millicom annoncent la rupture de l’accord avec Wari mais aussi annonce en même temps la vente de leur filiale sénégalaise à un consortium tripartite composé de Teyliom Group (anciennement Teylium) appartenant à l’homme d’affaires sénégalais, Yérim Sow, NJJ (une holding basée en France) et Sofima (propriété de l’investisseur Axian Group). La réaction du patron de Wari, ne s’est pas faite attendre.
Aussitôt l’annonce faite, le groupe spécialisé dans le transfert d’argent s’est fendu d’un communiqué où il dénonce une rupture unilatérale du contrat. Si le boss de Wari, Kabirou Mbodje n’écarte pas une saisine de la justice, au niveau de Millicom on ne s’inquiète pas outre mesure.
«Pour que la vente soit conclue, il faut qu’il y’ait un transfert d’argent. Or, ce transfert n’est pas fait. Conformément au contrat qui nous liait, nous avons le droit de rompre le contrat si le paiement ne se fait pas», déclarait devant la presse à Dakar, le directeur général de Millicom Afrique, Mohamed Dabbour.
Selon les arguments de Wari, un dépôt initial de 10 millions de dollars a été payé et le paiement du reliquat devait intervenir au plus tard le 30 novembre 2017. Dans ce bras de fer qui s’annonce, Wari a comme qui dirait reçu le soutien du gouvernement sénégalais qui a publié le 02 août, un décret «approuvant» le rachat de Tigo Sénégal, comme annoncé en février 2017.
Confusion
Le 07 février 2017 le rachat de Tigo Sénégal avait été annoncé dans un communiqué conjoint, pour un montant de 129 millions de dollars (80 milliards FCFA). Aucune des deux parties n’avaient par la suite communiqué sur les détails de cette opération.
Si certains avaient salué l’opération comme une consécration pour le privé sénégalais, d’autres observateurs par contre restaient sceptiques au regard du montant jadis annoncé de la transaction, soit 80 milliards FCFA (129 millions de dollars) jugeant que les actifs de Tigo Sénégal devraient valoir beaucoup plus.
Aujourd’hui, la confusion a cédé la place à la profusion de satisfécits que se décernaient les désormais ex-deux partenaires.
«L’opération résulte d’une volonté de compléter l’offre de Wari pour donner des services financiers aux populations sénégalaises.
Nous pensons que cette combinaison de la plateforme Wari et des services de télécommunication va réellement apporter l’inclusion financière telle que souhaitée par les institutions étatiques, le régulateur, pour le plus grand bien des populations sénégalaises», affirmait M. Mbodje dans une interview au quotidien national ”le soleil”.
Certains analystes croient que Millicom serait dans une logique de «désengagement» en Afrique, au profit de l’Amérique latine où ses huit filiales assurent 85% de ses revenus contre 15% pour l’Afrique où la filiale la plus performante est Tigo Tanzanie.
Pourtant dans son dernier rapport financier, consulté par Ouestaf News, Millicom, parle d’une bonne performance de ses filiales africaines, avec des revenus liés au service en hausse de 10,5% par rapport à 2015 ainsi qu’une progression de 29% du résultat avant impôts et amortissement.
Avant la vente de ses actifs au Sénégal, le groupe luxembourgeois, a cédé en février 2016 sa filiale en République démocratique du Congo, à la française Orange pour 160 millions de dollars (100 milliards FCFA).
Si Millicom quitte finalement le Sénégal, la marque Tigo, n’existerait désormais qu’au Rwanda, au Tchad, au Ghana et en Tanzanie.
Gros couac pour Kabirou
Selon le journal Financial Afrik, Wari a échoué dans cette opération en raison d’un « désaccord majeur entre Kabirou Mbodje, PDG de Wari, et ses partenaires financiers. Il s’agit de la nigériane United Bank for Africa du milliardaire Tony Elumelu et de la société d’intermédiation Impaxis ».
Il s’agit là d’un premier sérieux couac pour Wari et son PDG qui tout semblait réussir, en dépit de ses multiples démêlés judiciaires avec plusieurs de ses ex-associés.
Selon les récents chiffres obtenus auprès de Wari, le groupe actif (dans le transfert d’argent, l’achat de crédit téléphonique, le versement de pensions, le paiement de factures entres autres) compte 15.000 employés et réalise un million de transactions par jour, pour des flux d’environ 6 milliards de dollars par an.
Né en France en 1964, Kabirou Mbodje (qui détient aussi la nationalité française) depuis le lancement de ses activités au Sénégal, a toujours côtoyé de grands banquiers du continent.
A preuve, sa holding (Wari Luxembourg S.A) ouvert au Luxembourg en 2013, sous le numéro B181955, avait comme second actionnaire, Arnold Ekpe (directeur général du groupe Ecobank), selon des documents officiels consultés par Ouestafnews.
Wari Luxembourg S.A conçue pour une «durée illimitée» a pour objectif «la prise de participations sous quelque forme que ce soit, par achat, échange ou de toute autre manière, dans d’autres entreprises et sociétés luxembourgeoises ou étrangères».
Parallèlement au rachat de Tigo Sénégal, M. Mbodje s’activait dans le rachat de la Société Inter Africaine de Banque (SIAB) au Togo, une banque appartenant à une holding libyenne. Une opération qui selon diverses sources est en bonne voie et n’attend que l’agrément de la commission bancaire de l’Union monétaire ouest africaine basée à Abidjan.
En phase avec sa visée panafricaine, Wari dont le siège était basé à Dakar annonçait en juin 2017, un redéploiement vers Lomé. Une annonce qui avait suscité beaucoup de commentaires dans la presse locale.
Contactée à l’époque par Ouestaf News, la direction de la communication du Wari, confirmait la nouvelle de l’ouverture d’un bureau dans la capitale togolaise mais précisait que «le Sénégal reste le pôle stratégique du groupe avec la majorité de ses effectifs».
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