Un collectif composé d’intellectuels, d’universitaires, d’écrivains (Boubacar Boris Diop, Ngugi Wa Thiongo) entre autres a signé le texte qui suit réclamant la libération de Guy Marius Sagna.
«Le mardi 16 juillet 2019, l’activiste Guy Marius Sagna, est arrêté et conduit à la Section de recherche de la gendarmerie nationale sur ordre du procureur de la République du Sénégal, pour s’expliquer sur deux publications faites sur le réseau social Facebook.
Dans ces publications l’activiste Guy Marius Sagna déplore le fait qu’après 59 années d’indépendance, les élites politiques du Sénégal vont se soigner ou finir leurs jours dans les hôpitaux de l’ancienne puissance coloniale, après avoir échoué à doter le pays d’infrastructures hospitalières capables de fournir aux populations des soins de qualité. Ces publications ont été faites à l’occasion du décès en France du Secrétaire général du parti socialiste et président du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), et de l’admission dans un hôpital en France de l’ancien premier ministre de Macky Sall, Boun Abdallah Dione.
Ces deux publications ne pouvant fonder une infraction, le procureur, après deux jours de détention, a mis les enquêteurs sur une autre piste, à la recherche d’une infraction à retenir contre l’activiste pour ainsi pouvoir le garder en prison. C’est ainsi qu’après quatre jours entre la Section de recherche de la gendarmerie, la Cave du tribunal de Dakar et la cellule du Commissariat central de Dakar, Guy Marius Sagna est placé sous mandat de dépôt sous le chef d’accusation de « fausse alerte au terrorisme ».
L’infraction est constituée, selon le procureur, par un texte que l’activiste aurait partagé sur sa page Facebook, parlant de la France qui préparerait un attentat terroriste au Sénégal.
Pourtant, l’activiste Guy Marius Sagna n’a pas partagé ce texte sur sa page Facebook. De plus, l’auteur du texte c’est l’organisation FRAPP (Front pour une Révolution Anti-impérialiste, Populaire et Panafricaine), qui l’a rendu public lors d’une conférence de presse tenue à Dakar, le lundi 15 juillet 2019. L’activiste Guy Marius Sagna n’était pas sur le présidium ce jour-là. Enfin, même s’il est un membre du FRAPP, il n’en est pas le Coordonnateur. Dès lors, s’il y a à convoquer quelqu’un pour ce texte, ce sont tous les membres de l’organisation qui devraient l’être. Or ni le coordonnateur ni aucun autre membre du FRAPP n’a été convoqué.
Par ailleurs, ce texte est l’écho de propos tenus le 18 février 2019 à Kasnack (région de Kaolack) par un député de la mouvance présidentielle, M. Khoureichi Niasse pour justifier la concession par l’État du Sénégal de blocs pétroliers à l’entreprise française Total, en violation du code pétrolier, et expliquer la brouille entre le ministre de l’énergie démissionnaire et le Président Macky Sall. Voici les propos de M. Niasse : « C’est la France qui nous a colonisés durant plus de deux siècles. Et la France n’a jamais pensé que le Sénégal pouvait disposer du pétrole, du gaz, ou d’autres ressources. Elle pensait que le Sénégal se limitait à la pêche, à l’agriculture, à la mendicité et à l’élevage. Mais on se réveille un jour et on découvre que le Sénégal a du pétrole et du gaz et bien d’autres ressources. Bien évidemment, il faut que la France vienne réclamer sa part. Quand la France est venue demander qu’on lui donne une zone pour exploration, si le Président Macky Sall avait refusé de lui concéder cela, la France allait ouvrir les portes du Sénégal aux jihadistes du Mali pour qu’ils viennent perpétrer des attentats, elle aurait aussi réarmé les rebelles casamançais et créé d’autres problèmes dans le pays. »
Le 21 mai 2019, soit trois mois plus tard, c’est Christophe Castaner, ministre français de l’Intérieur, en visite au Sénégal, qui a affirmé sans ambages que « Le terrorisme est présent au Sénégal ».
Dans cette affaire, qui est en fait un gros scandale, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une cabale montée de toutes pièces par le régime de Macky Sall, utilisant la justice et les forces de sécurité comme bras armé pour se débarrasser de Guy Marius Sagna et de l’organisation FRAPP/France Dégage, dont le tort est d’être debout contre l’impérialisme et l’oppression sous toutes leurs formes, mais aussi pour la défense de l’État de droit et de la démocratie.
Guy Marius Sagna est ciblé à travers l’organisation FRAPP et on cherche à le faire taire par des méthodes dignes des régimes autocratiques. On veut, par cette détention arbitraire, décourager les mobilisations populaires contre les injustices et les faits de corruption qui accablent le régime en place.
Cette énième arrestation de l’activiste panafricaniste Guy Marius Sagna a choqué une bonne frange de l’opinion sénégalaise, poussant des organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile, comme la Rencontre Africaine des Droits de l’homme (RADDHO), Amnesty international, le mouvement Y’EN A MARRE, LEGS AFRICA, des artistes comme Dj Awadi et de nombreux blogueurs et citoyens à se mobiliser pour dénoncer sa détention arbitraire et exiger sa libération.
Guy Marius Sagna dérange à cause des différents fronts sur lesquels il se bat contre les dérives du régime et aussi contre le néocolonialisme français au Sénégal et en Afrique. Dans un passé récent, il s’est illustré dans le combat citoyen contre la signature des Accords de Partenariat Économique (NON AUX APE), la Campagne «Pour une souveraineté monétaire France Dégage », l’opposition à l’érection d’une Place de l’Europe à côté de la Maison des Esclaves à Gorée, le combat pour la débaptisation des rues et avenues qui portent le nom d’esclavagistes et/ou de colons, etc.
Nous, signataires, exigeons la cessation de la violation des droits des citoyens au Sénégal, le respect de la liberté d’opinion et la libération immédiate de Guy Marius Sagna.
Ont signé cette petition :
Boubacar Boris Diop écrivain, Sénégal
Koulsy Lamko écrivain, et universitaire tchadien établi au Mexique
Makhily Gassama, écrivain, ancien ministre de la Culture du Sénégal
Théo Ananissoh écrivain et universitaire togolais établi en Allemagne
Ngugi Wa Thiong’O, ecrivain, Kenya/Etat-Unis
Cornel West, Ecrivain, Professeur Harvard University
Danny Glover, comédien, réalisateur de cinéma, Etats-Unis
Juan Villoro écrivain, journaliste et membre du Collège National du Mexique,
Claudio Albertani écrivain, enseignant, UACM, Italie/Mexique)
Anna Badkhen, écrivaine, Guggenheim Fellow, Etats-unis
Mario Bellatin écrivain, Pérou-Mexique
Rosina Condé écrivaine, poétesse, enseignante, Académie de Création Littéraire UACM, Mexique
Bojana Coulibaly, enseignante-chercheure, Etats-unis
Palmira Télesforo Cruz écrivaine, journaliste, Mexique
Diaspora-Mexico Region 6, Collectif pour les Droits des Afromexicains
Moshen Elmadi écrivain, Iran
Samba Gadjigo, Professeur, Massasuchets, USA
Hankili So África Centre de Promotion de Cultures Africaines et Afrodiaspora, Méxique
David Huerta, écrivain, poète, enseignant, Prix National de Sciences et Arts, Mexique
Abdoulaye Khouma dit Pap, écrivain et journaliste sénégalais établi à Milan, Italie
Benjamin Mayer écrivain, psychanaliste, Directeur de Instituto 17, Mexique
Véronica Murguía écrivaine, Mexique
Khadim Ndiaye, écrivain et universitaire Sénégal/Canada
Mahamadou Lamine Sagna, Senegal professeur American University of Nigeria/Chercheur Laboratoire Changment politique et social, Paris VII-Diderot
Conrado Tostado Poète et philosophe, Mexique
Zanicuepa Collectif d’Etudes sur l’Afrique, Mexique
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