26.8 C
Dakar

Une information fiable et indépendante sur les questions qui traversent l'Afrique.

Togo -Femmes aux instances de décision : une progression lente, mais réelle

À LIRE

spot_img

Ouestafnews – Des Nana-Benz de l’époque coloniale à nos jours, les femmes togolaises n’ont jamais été très loin des débats politiques. De tout temps, elles ont apporté leur contribution à travers diverses formes d’engagement. Mais, leur présence dans les instances de décision est toujours restée marginale. Ces dernières années, à travers une politique affirmée de genre, le gouvernement togolais a décidé d’accorder une plus grande place aux femmes. Mais qu’en est -il dans la réalité ? 

Pour les élections locales de juillet 2025, le nouveau président du Conseil du Togo, Faure Gnassingbé, a décidé de baisser de 50 % la caution initialement fixée à 50.000 FCFA pour plus d’inclusivité et assurer une participation massive.

Pour les femmes, la réduction est encore plus significative : elle a atteint 75 %. Les candidates à ce scrutin n’ont eu à payer que 12.500 FCFA contre 25.000 FCFA pour les hommes. Une « discrimination positive » visant à assurer une plus grande présence de candidates, catégorie encore sous-représentée dans les instances de décisions nationales et locales. 

« Nous nous en réjouissons, car ceci est le résultat d’une longue lutte de plusieurs organisations de la société civiles », s’est félicitée Anne-Colette Kpédji, directrice exécutive de la représentation togolaise de Women in Law and Developement in Africa (WiLDAF-Togo) dans un entretien avec Ouestaf News.

Malgré ce satisfecit, le docteur en sociologie politique, Dogbe-A. Koffi Edjénè trouve la mesure « insuffisante » pour « garantir une meilleure cooptation des femmes dans les sphères de prise de décision » du pays.

Il y a huit ans, le gouvernement togolais avait déjà adopté une mesure similaire lors des élections législatives du 20 décembre 2018, toujours dans le but d’augmenter le nombre des femmes élues au sein de l’Assemblée nationale. Et pourtant, les chiffres sur la présence féminine en haut lieu restent bas.

Mme Bléwoussi Ablavi Metsokewo, Préfet de Kpélé

Selon les données du Programme de consolidation de l’Etat et du Monde associatif (ProCEMA), la proportion de femmes députées à l’Assemblée nationale, bien que marginale, a cependant progressé de 11 % en 2013 à plus de 18 % en 2015. Au gouvernement, en 2018, les femmes ministres représentent 23 %.

Selon les statistiques du ministère de l’Action sociale, de la Solidarité et de la promotion de la femme publiés le 22 mars 2025, 18 % de femmes sont présentes à l’Assemblée nationale, 26 % au Sénat et 31 % au sein du gouvernement. Le ministère a également souligné que les postes de Premier ministre et le secrétariat de la présidence du conseil de la République, sont dirigés par des femmes.

Mais le paradoxe, selon la vice-présidente du parti d’opposition l’Alliance nationale pour le changement (ANC) Isabelle Ameganvi, est qu’il y a « énormément de femmes en politique, mais les leaders (de partis) sont des hommes ». Pour Mme Ameganvi, par ailleurs adjointe au maire dans la commune Golfe 4, l’engagement en politique est d’abord « personnel ». On ne peut pas « obliger » les femmes à s’engager.

Aux élections législatives et régionales d’avril 2024, un nombre significatif de femmes se sont lancées dans la course. Sur plus de 2.300 candidatures validées pour ces scrutins, seul le quart, environ, était constitué de femmes pour la course au Parlement et un peu moins pour les régionales, selon des chiffres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Pire encore, seules 21 parmi ces femmes parviennent à être élues à l’Assemblée nationale sur les 113 députés. Aux régionales, elles remportent le même nombre de sièges mais ici, sur 179 postes à pourvoir, selon des résultats officiels, publié en mai 2024.  

AnnéesNombres total députésNombre de femmes députés% de femmes
1958-2007855445,14 %
2013911011,1 %
2018911516,48 %
20241132118,06 %

Source : données de la Commission électorale indépendante (Ceni) du Togo

Cette tendance s’est poursuivie aux élections municipales du 17 juillet 2025. Sur les 1.527 sièges à pourvoir, seules 216 femmes ont été élues à l’issue de ce scrutin, selon les résultats provisoires publiés le 21 juillet 2025 par la Ceni.

Pour les militantes de la cause des femmes, leur participation à la gestion des affaires publiques constitue « un enjeu crucial pour le développement durable et inclusif » comme le disait en juin 2025 Gina Adekambi, directrice exécutive du Groupe de réflexion et d’action, Femme, Démocratie et Développement (GF2D) lors d’un atelier formation des femmes et jeunes filles en leadership politique.

Pour Mme Adekambi, il est devenu « impératif d’agir », non seulement pour corriger ce déséquilibre, mais aussi pour outiller les femmes afin qu’elles puissent s’engager pleinement, efficacement et durablement dans la gouvernance locale.

Bouaben Emmanuella Eyram, conseillère municipale, fait savoir que la pleine participation des femmes à la vie politique au Togo doit commencer par « un changement de mentalité ». Pour Mme Eyram, les Togolais croient toujours que « la politique est faite pour les hommes et ne voient toujours pas d’un bon œil les femmes qui s’y intéressent ».

Dr Ama Atutonou, Sénatrice

Dans son rapport intitulé « Women, Business and the Law 2024 », la Banque mondiale classe le Togo comme ayant le système légal le plus favorable aux femmes en 2024 en Afrique de l’Ouest. Le pays, selon le document, affiche « l’un des taux de participation des femmes à la vie politique les plus élevés de la région ».

Cependant, Anne-Colette Kpedji de WiLDAF-Togo souligne que « l’impact réel » de la présence des femmes dans les instances de décisions « reste mitigé ». Car, soutient-elle, la représentativité des femmes reste « encore insuffisante ». 

La « grande responsabilité », selon Joachin Sonoukou, professeur de français au lycée Sanguéra à Lomé, revient aux femmes, elles-mêmes, en ce qui concerne leur dévouement et engagement dans leur participation à la vie sociopolitique.

Anne-Colette Kpedji de WiLDAF-Togo, estime qu’elles doivent « s’affranchir, elles-mêmes du poids et des contingences de la tradition et de la société comme le complexe d’infériorité ».

Selon elle, les pesanteurs socioculturelles, le manque de moyens financiers, la persistance des stéréotypes de genre et parfois même l’autocensure qu’elles s’infligent elles-mêmes en sont la cause.

MTK/on/fd/ts


Voulez-vous réagir à cet article ou nous signaler une erreur ? Envoyez-nous un message à info(at)ouestaf.com.

Articles connexes

spot_img

Actus