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Burkina Faso : Fespaco décalé, Siao annulé, l’économie en difficulté

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Ouestafnews – Le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) et le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao) n’ont pas échappé à la dure loi du Covid-19. Ces deux évènements constituent des mamelles pour l’économie du Burkina Faso. Du coup, celle-ci s’en trouve affectée.

Considéré comme le plus grand rendez-vous du cinéma africain, le Fespaco s’est tenue du 16 au 23 octobre 2021. Près de 150.000 festivaliers ont bravé la pandémie, avec des cas de contaminations qui repartent lentement à la hausse : 211 cas sous traitement et cinq décès ont été enregistrés dans la période du 25 au 31 octobre, alors qu’il comptait seulement 37 cas actifs au 1er août.

La 16e édition du Siao, lui, n’a pas eu la chance du Fespaco. Prévu du 29 octobre au 08 novembre 2020 à Ouagadougou, l’un des plus grands salons de l’artisanat africain, qui se tient tous les deux ans, n’a finalement pas eu lieu. Il a été annulé à cause du Covid-19, selon son directeur général, dans une note datée du 24 juillet 2020.

Report du Fespaco, un dommage économique énorme

Le Fespaco se déroule chaque deux ans, en année impaire, depuis 1969. Les éditions 2013, 2015, 2017 et 2019 ont enregistré, chacune, au moins 65.000 participants : des cinéphiles venus d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Amérique, ainsi que des acteurs de divers secteurs d’activités comme la restauration, l’hôtellerie, l’artisanat, la banque, l’assurance, la téléphonie mobile.

Chaque édition est une opportunité d’affaires qui génèrent des revenus pour ces divers acteurs. Ce qui représente une contribution non négligeable au produit intérieur brut du Burkina Faso.

La 26è tenue en 2019, a réuni 67.686 cinéphiles et des centaines d’exposants, révèle une enquête socio-économique de l’édition 2019, réalisée par la Direction Générale des études et des statistiques sectorielles (Dgess) et l’Observatoire national du tourisme (Obstour) en collaboration avec la Délégation générale de la biennale du cinéma.

Ce rassemblement a généré des recettes de plus de 750.000.000 FCFA pour ces secteurs du commerce et services marchands, et près de 100.000.000 de francs CFA au profit du budget de l’État.

Si le Fespaco a pu finalement se tenir, vu sous l’angle de ses retombées économiques, une interrogation demeure : à combien estimer le manque à gagner dû au report d’abord et ensuite à son organisation dans un contexte de Covid ? Les données manquent pour apprécier les pertes économiques provoquées par le report de cette 27ème édition. Aucune étude n’a été réalisée sur la question pour le moment. Ni par le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme ni par aucun autre organisme non gouvernemental.

Selon le magazine panafricain basé à Paris, Jeune Afrique, dans un article publié en 2017, la dernière évaluation de l’apport économique du Fespaco remontait à plus de 15 ans. Cette évaluation faisait ressortir que la vitrine du cinéma africain a apporté à l’époque 1,4 milliard FCFA pour l’économie du Burkina Faso.

Concernant le cinéma et l’audiovisuel, l’Unesco déplore un potentiel économique « largement inexploité » dans la quasi-totalité des pays africains. Dans étude publiée en 2021 et intitulée, L’industrie du film en Afrique : tendances, défis et opportunités de croissance, l’institution onusienne souligne qu’actuellement, ces secteurs généreraient pourtant 5 milliards de dollars américains de revenus et emploieraient près de 5 millions de personnes.

Une perte de plus d’un milliard à cause de l’annulation du Siao

Pour ce qui est du Siao, chacune de ses éditions est un grand marché artisanal qui rassemble, tous les deux ans, en année paire, des milliers d’artisans, de visiteurs et d’acheteurs professionnels d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Amérique à Ouagadougou. Le nombre de participants n’a cessé de croître depuis sa première édition sauf en 2010 et en 2012 où il a diminué respectivement de 1,7% et de 1,2%.

Pour celle de 2020, selon les chiffres de la direction générale du Siao, la capitale burkinabè attendait plus de 200 acheteurs et visiteurs professionnels, 4.000 exposants et 350.000 visiteurs. Une opportunité pour l’État de capter des rentes. Mais hélas !

Ici aussi, impossible de savoir avec exactitude le dommage financier que cette annulation a causé à l’État burkinabè. Tout comme pour le Fespaco, aucune étude ne semble avoir été réalisée sur la question pour le moment. Ni par le ministère de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, ni par aucun autre organisme non gouvernemental. Mais des simulations sur la base de quelques données disponibles permettent d’avoir un aperçu de ce que l’économie burkinabè a pu perdre du fait de l’annulation.

Prix de location des stands au Siao

Source : ITW de l’ancien directeur général (DG) du Siao, Moussa Traoré, in Lefaso.net du 08 septembre 2021

Selon Dramane Tou, Directeur général du Siao, le coût de location des stands n’a pas varié depuis l’édition 2004. Pour les institutions financières et portuaires, la location du stand a été fixée à 2.000.000 FCFA au Siao 2018.

Dans son annuaire statistique 2019, le ministère de l’industrie, du commerce et de l’artisanat ne donne pas de précisions sur le nombre de stands par type. Mais si l’on considère que le stand a coûté au moins 300.000 FCFA, au bas mot, leur location a rapporté au Trésor public 599.400.000 FCFA aux trois dernières éditions.

Différents types de tickets conditionnent l’accès aux sites d’exposition. Selon la direction générale du Siao, à part le ticket d’accès permanent, les deux premiers conditionnent un accès journalier.

Ouestaf News n’a pas pu obtenir des informations sur les recettes générées par le Siao. Cependant, il a pu établir, à partir des données de l’annuaire statistique 2019 du ministère de l’industrie, du commerce et de l’artisanat que les visiteurs grand public ont généré une moyenne annuelle de 168.564.333 FCFA aux trois dernières éditions : celle de 2012, 2016 et de 2018.

Pour le directeur général du Siao Dramane Tou, les pertes économiques dues à l’annulation du Siao sont estimées à « entre 1.200.000.000 et 1.400.000.000 FCFA ».

La biennale de l’artisanat est aussi pour la Société Nationale d’électricité du Burkina (Sonabel) et l’Office national de l’eau et de l’assainissement (Onea), deux sociétés d’État, l’occasion de renflouer leurs caisses, a-t-il ajouté. Selon lui, les quantités d’énergie électrique et d’eau consommées pendant les dix jours du salon sont élevées.

A côté du Trésor public, des entreprises privées ou des particuliers exerçant dans les secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, l’hébergement, le transport, la banque, l’assurance, la téléphonie mobile payent aussi un lourd tribut. Ces acteurs ont perdu au moins 5.000.000.000 FCFA, révèle le Dg du Siao, citant une enquête réalisée par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD).

 « A la date du 31 décembre 2020, hormis les 1.420 métiers à tisser acquis et distribués aux artisans et associations ainsi que les 1.785 artisans et entreprises artisanales immatriculés, le reste des produits n’a pu atteindre sa cible de 2020. Covid-19 oblige », rapporte l’hebdomadaire burkinabè, L’Economiste du Faso, qui cite le rapport de performance sectorielle 2020 du Cadre sectoriel de dialogue « transformations industrielles et artisanales » (CSD-TIA).

Avant le covid-19 qui a poussé à l’annulation du Siao 2020, la maladie à virus Ébola avait aussi empêché la tenue de celui de 2014. Cela avait provoqué à l’époque une perte de 85.000.000 FCFA, dépensée pour la campagne de communication sur l’événement, les travaux d’aménagement des stands et bien d’autres activités entrant dans le cadre des préparatifs, rapporte L’Économiste du Faso.

L’artisanat est le deuxième pourvoyeur d’emplois au Burkina Faso après l’agriculture. Il occupe environ deux millions de personnes et contribue à près de 30% à la formation du Produit intérieur brut (PIB), rapporte le Service d’information du gouvernement (SIG). Il regroupe, entre autres œuvres, la sculpture, le textile, la vannerie, la poterie, les instruments de musique, la bijouterie, le tissage, le batik, l’artisanat de récupération et les meubles. 

La part de l’artisanat dans la valeur ajoutée du secteur tertiaire est de 17,2% en 2019, contre 16,5% en 2020, selon le rapport de performance sectorielle 2020 du Cadre sectoriel de dialogue « transformations industrielles et artisanales », rendu public en février 2021.

GBS/-fd-ts


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